"Dans 500 ans, quelqu'un reprendra mes pierres" : immersion dans la restauration du château de Gaillon, morceau de patrimoine normand dans l'Eure

Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.

Il est l'un des premiers monuments de la Renaissance en France. Pour retrouver son prestige, le château de Gaillon (Eure), en Normandie, se pare d'échafaudages. Au bout de cet immense chantier, des apprentis tailleurs de pierre. Ex-institutrice, Bertille Lefebvre a troqué la salle de classe pour un environnement presque aussi bruyant : "C'est un peu moins aigu, des fois. Les enfants, on ne veut pas leur dire de se taire, alors que mes collègues, je peux leur dire d'arrêter de travailler", plaisante la jeune femme.

Désormais, c'est elle, l'élève, en apprentissage de la maçonnerie traditionnelle. Clément Molaro, lui, a quitté son emploi d'ingénieur par amour. "Amour de l'histoire, amour des pierres. C'est ce qui nous motive ici. Si je voulais gagner de l'argent, ce n'est pas ce que je ferais, mais je fais ça par passion. Je trouve ça un peu absurde de faire un travail de bureau où l'on est stressé toute la journée et le soir rentrer faire du sport. Ici, on se dépense physiquement toute la journée, le soir on dort bien, on dort sur nos deux oreilles, on sait ce qu'on a fait, on sait qu'on a été utile", explique-t-il.

Les pierres taillées ici renforceront l'un des murs du château. Une fierté pour Kevin Gillis, 17 ans. "C'est cool. C'est un truc que je pourrais raconter à mes enfants, à ma femme, à mes proches. Et aussi, quand je vais venir dans 30 ans et dire ça, j'ai fait. Ça aussi, c'est incroyable", commente-t-il.

Il est temps justement de poser l'une des pierres restaurées. À l'aide d'un palan et d'un peu d'huile de coude : "C'est sympa de se dire, bon, dans 500 ans, il y aura quelqu'un, un stagiaire, qui reprendra mes pierres", se réjouit Bertille Lefebvre.

La fierté de restaurer

Fierté d'apporter sa pierre à l'édifice, même s'il faudra probablement huit ans pour terminer le mur de soutènement. Offrir une nouvelle jeunesse au patrimoine normand prend du temps. Jean-François Jorelle, propriétaire de La Commanderie, en sait quelque chose : "Ça, c'est la tour dans laquelle je jouais quand j'avais 5 ans, 16 ans. Il y avait à peu près un mètre cinquante à deux mètres d'épaisseur tout autour. Sur le dessus, il y avait une forêt qui faisait cinq à six mètres de haut", se souvient-t-il. Il a mis 31 ans à restaurer la tour héritée de ses grands-parents, une bâtisse millénaire, aujourd'hui transformée en chambre d'hôte.

Un couple d'Ariégeois a payé 470 euros pour deux nuits et ils s'apprêtent à être surpris. L'immersion est totale. La pierre d'origine est découverte. Sur le mur, la devise est amplifiée : "On a l'impression de rentrer, de faire un petit pas dans l'histoire. Ça, c'est merveilleux. Je sens que je vais bien dormir, moi, ce soir", se réjouit l'une des touristes. Les travaux ont coûté 200 000 euros. Jean-François Jorelle s'est endetté jusqu'à ses 77 ans sans aucun regret. "Est-ce que j'ai fait un truc chouette dans ma vie ? Le truc chouette, ça sera d'avoir rénové la forteresse de la Tour de la Reine Blanche", se félicite-il.

Le chantier d'une vie pour offrir à la Tour peut-être un nouveau millénaire.