"Récompenser le metal, c'est mettre en lumière une scène d'une vitalité dingue" : Thomas VDB, maître de cérémonie des Foudres jeudi soir sur France 4

Le 26 juillet 2024 restera comme un petit séisme pour la scène metal. Depuis les fenêtres de la Conciergerie à Paris, en pleine cérémonie d'ouverture des JO, Gojira fait gronder la Seine et propulse le metal français au centre du monde. Moment électrique, où un genre longtemps relégué à la marge s'offre enfin la lumière. Une brèche ouverte, dans laquelle s'engouffrent aujourd'hui Les Foudres : la première cérémonie qui récompense le metal en France se déroule jeudi 9 octobre au Bataclan.

Un rendez-vous qui sonne comme une petite revanche sur les Victoires de la musique, lesquelles, en quarante ans, n'ont jamais décerné de prix ni consacré de catégorie à cette scène. À l'instar des Flammes, qui depuis trois ans mettent en lumière le rap hexagonal, Les Foudres décerneront onze prix, d'"artiste de l'année" à "engagement sociétal et environnemental de l'année" – cinq ont été soumis au vote des internautes, les autres à un jury professionnel. Dans le rôle de celui qui devra faire rire les plus puristes des metalleux : Thomas VDB. Avant d'ambiancer le Bataclan, l'humoriste et passionné de rock nous a confié sa vision du metal, son rapport à cette scène et ses astuces pour faire sourire les headbangers les plus sérieux. Entretien.

Franceinfo Culture : Aux Victoires de la musique, les smokings sont impeccables, les discours millimétrés et la ministre de la Culture assise au premier rang. Aux Foudres, il faut s'attendre à quoi ?
Thomas VDB : Visuellement, ça va ressembler à autre chose, c'est sûr. Je ne suis pas sûr que les fans de metal et les membres des groupes débarquent en costume trois pièces. Ce n'est pas franchement leur spécialité. Après, ça reste une remise de prix, ce n'est pas franchement différent des Molières. Allez, on va dire que ce sont un peu les Molières du metal quoi [rires] ! Mais là, il y aura quatre performances live, des petits sketchs, et pour m'accompagner, des camarades comme Dédo, Harold Barbé, Julien Ménielle et Gaël Mectoob. Des happenings aussi ! Pour que la cérémonie soit la moins ronflante possible. On le sait, les remises de prix, on commence à les regarder avec enthousiasme, et au bout d'une heure, on est tous là : "Allez, accouche maintenant !". Cette fois, promis, on ne va pas s'ennuyer.

Qu'est-ce qui vous a séduit dans l'idée de présenter Les Foudres ?
Le metal, c'est une musique que j'ai pas mal pratiquée, dont je connais les codes, et c'est amusant de parler à un public d'initiés, une audience qui sait de qui je leur parle. Si je fais une blague sur Steve Harris, ils se disent tout de suite : "Ah bah oui, le gars d'Iron Maiden !" Ils connaissent le line-up de tous les groupes. C'est d'ailleurs un des rares genres de musique où les fans connaissent le nom du batteur, du premier batteur, et même de celui qui a fait la tournée d'août 1982 à février 1983. Et puis, le metal, ce sont que des chapelles : il y a le "trash", le "speed", le "power metal", le "black metal", et ce sont des sous-genres que je connais. J'ai l'impression de bien maîtriser la matière. Il y a quelques années, j'ai fait un documentaire appelé Le metal expliqué à ma mère, tourné au Hellfest, alors je me sens à ma place. Je ne suis pas là pour me payer la tête des metalleux, encore moins pour tourner le truc en dérision. Je sais à quel point cette musique compte pour ceux qui l'aiment. Et puis quand j'étais plus jeune, pour compléter mon intermittence, j'animais des concours d'air guitar. Alors, la boucle est bouclée. Sauf que cette fois, c'est avec des mecs qui savent vraiment jouer de la guitare.

Les musiques extrêmes souffrent en France d'un manque de reconnaissance. Pensez-vous qu'un événement comme Les Foudres peut changer la perception du metal ?
Je trouve ça super chouette qu'on lui donne de la place, qu'on mette en lumière cette scène de niche, mais d'une richesse dingue. Et puis c'est une "niche" qui est quand même maintenant hypersuivie, c'est une "grosse niche", on parlerait plutôt de chenil en fait. Après, je pense que les amateurs de musiques extrêmes n'ont pas envie que ce soit un style hyperpopulaire et écouté de tous. Je pense que cette musique a besoin de rester dans la marge pour exister.

Votre arme secrète pour faire rire une salle pleine de metalleux sans froisser les puristes ?
J'ai envie de parler des codes très spécifiques de cette musique. Par exemple, des polices d'écriture des noms de groupes. C'est quand même un genre où chaque groupe a sa police : Iron Maiden, Metallica… Daniel Guichard, il n'avait pas sa police quoi ! J'ai envie de parler de ce qui fait que le metal, ce n'est pas juste de la musique : c'est un univers, avec ses codes, ses repères, et cette impression de faire partie d'une communauté quand on l'aime vraiment.

Préparez-vous quelques anecdotes du temps où vous étiez journaliste à Rock Sound et que vous interviewez Sepultura ou Rammstein ?
Je vais effectivement raconter certaines anecdotes et souvenirs, des trucs un peu croustillants, pour faire croire que je sais de quoi je parle bien sûr [rires]. Pour un lancement par exemple, ça peut être marrant de parler des riders, ces fameuses listes où les groupes notent tout ce qu'ils veulent avoir dans leur loge. Pour certains groupes de metal, ça peut vite virer à l'improbable. Un programmateur de festival m'avait d'ailleurs raconté un jour la galère qu'il avait eue pour satisfaire un groupe particulièrement… créatif. Mystère, mystère… Je m'arrête là. Je maintiens ce suspense insoutenable jusqu'à jeudi soir. Au cours de la cérémonie, quatre groupes français seront en live sur la scène du Bataclan : Carpenter Brut, Revnoir, Grandma's Ashes et Gravekvlt.

Quelle a été votre première rencontre avec le metal ?
J'ai écouté du hard rock enfant, avant d'écouter du metal. Les premiers trucs de metal que j'ai adoré ce sont Korn, Sepultura et Slayer. J'en écoute moins qu'à une certaine période de ma vie. Mais j'y reviens, je redécouvre des choses qui me scotchent vraiment. J'ai plus de 40 ans (presque 50 en fait…), et quand je réécoute du metal pour me faire plaisir, je remets les disques que j'ai adoré ado.

Et dans ce palmarès alors, quelles sont vos plus belles découvertes ?
Il y a un groupe qui s'appelle Landmvrks, des Marseillais, ça déchire. Grandma's Ashes, trois musiciennes qui vont jouer pendant la cérémonie et qui sont complètement scotchantes. Le groupe Gravekvlt aussi, je ne connaissais pas, c'est hyper bien. Je me suis rendu compte combien j'étais un peu à côté de la vitalité de la scène metal… Ces noms-là, je les ai découverts pendant la préparation de la soirée et ce sont des groupes qui cartonnent, certains déjà très connus à l'international, très suivis. Aujourd'hui, le metal en France ne se limite pas à Gojira.

Et s'il devait manquer une catégorie à cette cérémonie, laquelle ajouteriez-vous ?
Je dirais le "Prix du morceau le plus dur à mimer". Moi, je viens d'une époque – rho le vieux qui parle – où le metal, c'étaient quand même des trucs un peu binaires. Depuis une vingtaine d'années, il y a notamment ce qu'on appelle le "mathcore". C'est-à-dire qu'ils ont carrément donné à un sous-genre de metal le nom d'une matière à l'école quoi ! Si tu veux faire de la air batterie là-dessus, t'as intérêt à être hyperbon en algèbre, parce que c'est que des rythmes du genre "toutucdoombamtoudoum". C'est impossible à mimer !

Les Foudres, jeudi 9 octobre à 22h55, sur France 4 et sur france.tv