Dans le documentaire "Stans", des fans racontent leur passion pour Eminem

Après avoir été projeté au cinéma une seule et unique journée au cœur de l’été, le film est désormais visible sur Canal+.

Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Eminem joue sur scène au Grand Prix de Formule 1 Pirelli d'Austin (Texas, EtatsUnis), le 20 octobre 2024. (SIPA USA / SIPA / SIPA)
Eminem joue sur scène au Grand Prix de Formule 1 Pirelli d'Austin (Texas, EtatsUnis), le 20 octobre 2024. (SIPA USA / SIPA / SIPA)

En 2000, Eminem sort la chanson Stan, extraite de son troisième album, The Marshall Mathers LP. Il y raconte l’histoire fictive de Stan, un admirateur obsessionnel et déséquilibré qui lui écrit des lettres et rêve d’établir un lien avec son idole. En vain. Déçu, Stan finit par se suicider en jetant sa voiture dans une rivière, avec sa petite amie enceinte enfermée dans le coffre.

Ce single choc a si bien infusé dans la culture populaire qu’en 2017, le dictionnaire de référence de la langue anglaise, l’Oxford English dictionary, a intégré le terme stan. Ce nom commun y désigne "un fan excessivement zélé ou obsédé par une célébrité en particulier".

Le documentaire Stans, réalisé par Antoine Fuqua et produit par Eminem, explore la relation de ses fans avec le rappeur américain, et vice-versa. Tissant ensemble témoignages d’admirateurs, images d’archives (belles images des battles acharnées de son adolescence et de ses premiers passages télévisés sur MTV, notamment) et propos d’Eminem et de son mentor Dr Dre, le film raconte la trajectoire du rappeur au débit verbal de mitraillette à travers leurs yeux.

Après avoir été projeté au cœur de l’été lors d’une seule et unique journée (le 7 août) dans 180 cinémas de France, le film vient de débarquer sur Canal+.

Les fans du rappeur de Détroit, qui vivent aux quatre coins du monde et communiquent sur les forums en ligne, se reconnaissent à quelques signes distinctifs – T-shirt blanc, cheveux courts teints en blond, multiples tatouages à l’effigie du rappeur.

Dans le documentaire, une douzaine d’entre eux, à l'âme souvent cabossée, choisis parmi les quelque 9000 fans qui avaient répondu à l’appel de la production, témoigne de l’impact qu’a eu sur eux sa musique. 

Des "stans" entre admiration et obsession

On remarque notamment Zolt, le fan français et quasi-clône qui se rend en pèlerinage à Detroit sur les traces d’Eminem (il finira par rencontrer son héros et aura l‘élégance de ne pas trop en profiter); Nikki, une Ecossaise fière de ses 22 tatouages du rappeur, entrée à ce titre dans le Guinness des records ; Marshall, une personne trans qui s'est toujours sentie soutenue par les paroles de cette terreur du micro ; Katie, une serveuse qui a longtemps rêvé que son idole pousserait la porte du restaurant de Détroit où elle travaillait ; la jeune Kripa, qui assure qu’une de ses chansons lui a sauvé la vie ; ou encore Alex, qui n'est parvenu à endurer le harcèlement subi dans l’enfance qu'en écoutant sa musique. Mais aussi la pop star Ed Sheeran, qui jure connaître par cœur les paroles de trois albums d’Eminem et se considère comme un authentique "stan".

S’ils reconnaissent être obsessionnels et avouent chercher quotidiennement à imaginer "ce qu’il se passe dans la tête" de leur idole, ces stans ont toutefois des limites, qu’Eminem a lui-même tracées avec sa chanson. Cette adresse directe à ses admirateurs les a en effet poussés à se poser d'utiles questions sur eux-mêmes.

Epouvanté par une foule de fans

Si le film, produit par le rappeur, est fatalement exempt de toute critique, Eminem s'y livre toutefois lui aussi sans fard, et justifie en partie l’indifférence supposée dont il fait preuve avec ses admirateurs. Il raconte un épisode traumatisant de ses débuts, lorsqu’il s’était retrouvé poursuivi et assailli par une foule de fans alors qu’il était avec sa fille dans un centre commercial et avait eu la peur de sa vie. Il revient aussi sur la descente aux enfers qu’a provoqué la pression de son fulgurant succès.

"A partir du moment où MTV a accepté de passer la vidéo de My Name Is, ma vie a changé du jour au lendemain. Plus rien n’a jamais été pareil depuis ce moment-là", lâche-t-il, avant de dérouler les angoisses, les insomnies, l'addiction aux somnifères suite à la mort de son meilleur ami, Proof, puis l’overdose, qui fut un électrochoc, et enfin le difficile chemin du retour vers la sobriété, dont il parle dans l’album Recovery.

Eminem, devenu "un gourou qui n'aurait pas choisi de l'être" selon les mots d'un intervenant, parie sur l’intelligence et la sensibilité de ses fans. Pour lui, un véritable fan le "comprend réellement, il sait de quoi je suis fait. Il sait que je ne suis qu’une personne ordinaire, qu’un simple être humain. S’ils tissent de tels liens avec moi, c’est parce qu’ils se reconnaissent en moi." En se révélant à tous "comme un livre ouvert " dans ses chansons et en parlant ouvertement de ses troubles mentaux, il aura effectivement représenté pour beaucoup un miroir, un frère d'âme, une consolation, un phare dans la nuit. A ceux-là, le rappeur lance en conclusion : "Si vous n'existiez pas, je ne serais pas là aujourd'hui. Je vous dois la vie."

"Stans" documentaire de Steven Leckart (Etats-Unis, 2024, 1h42) à voir sur Canal+

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