"Roméo et Juliette" à l’Opéra-Bastille, dans une mise en scène sombre et inspirée de Thomas Jolly

L’opéra s’ouvre sur une scène d’épidémie, renouant ainsi avec l’essence même du Shakespeare. L’unique décor se révèle petit à petit : le mythique escalier du Palais Garnier. Le ton est donné : le spectacle respectera le texte originel et sera original. Porté par une direction d’orchestre de Carlo Rizzi subtile, non démonstrative, le chef-d’œuvre de Charles Gounod a été acclamé par une foule enthousiaste pendant les cinq actes, jusqu’à l’ovation finale. La recette : la mise en scène sombre et lumineuse de Thomas Jolly, le couple Roméo et Juliette, Benjamin Bernheim et d'Elsa Dreisig, exceptionnel, et un orchestre inspiré.

Les amoureux d’Angers

La peste et le Covid. La pandémie a-t-elle inspiré Thomas Jolly pour revisiter les amants de Vérone ? "En mars 2020, le confinement survenait. Je venais de prendre mes fonctions à la direction du Quai centre dramatique national d’Angers. J’étais donc le directeur d’un théâtre fermé", confie-t-il. Que fait le metteur en scène le plus en vue en ce moment ? Il convainc son compagnon de jouer Juliette et improvise un spectacle tous les soirs. Sur le balcon de leur appartement à Angers. "À 21 heures, mes voisins et voisines sont à leurs fenêtres, je fais retentir la musique de Gounod dans ma rue silencieuse, ‘ j’entre’ sur mon balcon, j’entame le monologue de Roméo de l’acte II, scène 2. Puis, à l’étage, la lumière point, la fenêtre s’ouvre et Juliette apparaît… Nous déroulons la scène entière", se souvient-il. Quelques semaines plus tard, le directeur de l’Opéra Bastille, Alexandre Neef, le contacte pour lui proposer la mise en scène à Bastille de Roméo et Juliette.

Mourir d’aimer

Benjamin Bernheim et d'Elsa Dreisig, lors de la première du 17 juin, ont frôlé la perfection. Ils étaient intouchables, aériens, habités par la grâce et le talent. Ils ne jouaient pas Roméo et Juliette, ils l’étaient. Le ténor était sans filet, sa générosité absolue. Sa palette d’émotions est tout simplement impressionnante. Roméo vit et meurt avec sa voix. Il prend corps et âme. La soprano et le ténor transportent littéralement le public au cœur des drames shakespeariens. À relever aussi les prestations exceptionnelles de Jean Teitgen et de Laurent Naouri, respectivement Frère Laurent et Capulet. Et souligner, une fois n’est pas coutume, les personnes derrière les rideaux, en l’occurrence le formidable travail de la costumière Sylvie Dequest.

Thomas Jolly a choisi d’être fidèle aux amours adolescentes, à Roméo et Juliette. "La tentation est grande d’être présomptueux et d’en proposer une nouvelle lecture. Plutôt qu’une nouvelle lecture, j’ai choisi d’en faire juste lecture", analyse celui qui est en charge des cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux olympiques. Roméo et Juliette, un opéra sombre et lumineux. Coup de cœur.

Fiche

Titre : Roméo et Juliette, opéra en 5 actes, d’après William Shakespeare

Dates : Jusqu’au 15 juillet à l'Opéra Bastille

Musique : Charles Gounod

Livret : Jules Barbier et Michel Carré

Direction musicale : Carlo Rizzi

Cheffe des cœurs : Ching-Lien Wu

Mise en scène : Thomas Jolly

Distribution : Elsa Dreisig (en alternance avec Pretty Yende), Benjamin Bernheim (Francesco Demuro), Laurent Naouri

Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris

Le spectacle sera retransmis en direct le 26 juin 2023 à 19h30 sur France.tv/Culturebox et également, avec le concours de FRA cinéma, dans les cinémas UGC, dans le cadre de leur saison "Viva l’Opéra !" dans les cinémas CGR et des cinémas indépendants en France et en Europe, et ultérieurement dans le monde entier.