"Donnerstag aus Licht" : Maxime Pascal et Benjamin Lazar donnent vie à "l'œuvre totale" de Stockhausen
Un jeudi de lumière : "Donnerstag aus Licht", opéra de plus de 3h30, premier des sept volets du gigantesque projet de Karlheinz Stockhausen a été présenté jeudi 15 novembre en création française à l'Opéra Comique. Un duo de magiciens de l'opéra, les sémillants Maxime Pascal et Benjamin Lazar, a mis sur orbite, avec poésie et humour, "l'œuvre totale" chère au compositeur allemand.
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A l’Opéra Comique, hier soir, 15 novembre, avait lieu la création française de "Donnerstag aus Licht", le premier des sept opéras de "Licht", œuvre gigantesque, sorte de nouvelle création du monde selon Karlheinz Stockhausen. Une œuvre longue (plus de trois heures et demie de spectacle), mais qui manifestement a su attirer, en plus du public habituel de l'Opéra Comique, des foules de très jeunes mélomanes.
Filiation
"Licht" (Lumière) de Karlheinz Stockhausen, est une sorte d’Everest : un monstre de complexité musicale et théâtrale que peu d’ensembles peuvent prétendre affronter. Le chef d'orchestre Maxime Pascal et son ensemble Le Balcon y sont presque "naturellement" destinés : le jeune chef (à la longue expérience, déjà) a été biberonné à Wagner, Boulez et surtout Stockhausen, et la sonorisation des instruments, héritée du compositeur allemand justement, est dans l’ADN de l’orchestre fondé il y a dix ans.Mieux, depuis quelque temps, le Balcon a expérimenté la restitution sonore en 3D grâce à une nouvelle technologie, qui épouse parfaitement l’esprit de Stockhausen. On est là donc dans une quasi-filiation. Avec Maxime Pascal, un autre surdoué de la scène est de la partie : Benjamin Lazar, très inventif auteur de mises en scène d’opéra ("Ariane à Naxos", de Strauss et tant d'autres) ou de pièces associant musique et théâtre (comme le remarqué "Traviata, vous méritez un avenir meilleur", aux Bouffes du Nord).
Un spectacle total
"Donnerstag aus Licht" est l'exemple même du spectacle total ou de l'œuvre totale, en écho à celle de Wagner ou même à certains spectacles baroques. Tout est relié, pensé en même temps par le compositeur, et relayé ici par le duo Maxime Pascal-Benjamin Lazar : la musique (sous toutes ses formes, du piano-voix à l'orchestre au grand complet), le texte, la danse, les déplacements des instrumentistes, des chanteurs et des danseurs, les costumes, la vidéo (très présente, sur trois panneaux), la circulation du son. Bref, la musique est littéralement portée au public qui la reçoit dès l'arrivée et après le spectacle – des musiciens postés sur la façade de l'Opéra Comique continuent de jouer à la sortie./2019/04/12/10_donnerstag_18_dr_vincent_pontet_.jpg)
La force de la danse pour dire l’enfance
Le premier tableau est celui de l’enfance de Michael : tableau aux couleurs sépia (la nostalgie entretenue dans les images vidéo projetées sur les écrans) et brun (le nazisme ambiant, Stockhausen avait cinq ans en 1933 à l'arrivée d'Hitler). Photo de famille avec une mère, Eva (campée par la soprano Léa Trommenschlager), garante de l’enseignement musical (ce sera le chant, puis la trompette), et un père, Luzifer, qui l’emmène à la chasse. Bonheur de courte durée. Eva, malade psychiquement sera emportée par le régime, le père meurt au combat.Deux autres figures s’imposent alors : la femme, Mondeva (Iris Zerdoud), une "fille des étoiles", mi-femme mi-oiseau. Evocation des premiers émois érotiques. Sa langue à elle est le cor de basset (sorte de croisement entre un saxo et une clarinette) qui ensorcelle le spectateur. L’autre figure est la musique, elle emportera tout sur son passage. D'ailleurs le récit de l'examen d'entrée au conservatoire est bouleversant de poésie. Mais de toutes les figures artistiques de narration, la plus marquante dans le premier acte est sans doute la danse. Une chorégraphie cousue main par le compositeur lui-même, jusqu'au détail des gestes des mains, croisement des doigts, déplacement des bras, qui mime le déplacement de la musique. Coup de cœur pour la performance d'Emmnuelle Grach, qui incarne Michael en culottes courtes tout au long de l'œuvre. C'est parfois drôle, toujours poétique.
Les joutes instrumentales de jazz
Comme par ricochet, le mouvement des mains et des doigts atteint aussi Maxime Pascal lui-même lorsqu'il apparaît plus visiblement à la direction au deuxième acte. Ce tableau est celui du voyage de Michael, devenu adulte, autour de la Terre. Sur les écrans, une mappemonde tourne, puis s’arrête : New York. Ce sera ensuite le Japon, Bali, l'Inde, l'Afrique Centrale, Jérusalem… Et à chaque étape du voyage, l’orchestre du Balcon donne à voir et à entendre les rencontres, parfois de véritables joutes instrumentales.La musique électro-acoustique à dominante lyrique du premier acte laisse la place ici au jazz. La trompette rencontre la flûte traversière, le cor de basset la clarinette, tandis qu'un duo d'hirondelles-clowns, formé par les clarinettistes Alice Caubit et Ghislain Roffat, met une sacrée pêche dans ces atmosphères urbaines.
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Quand le son envahit la salle
Le troisième et dernier tableau est celui du retour de Michael dans sa résidence céleste, accueilli par un grand festival musical. Michael est cette fois moins l'alter ego de Stockhausen que l’archange intercesseur entre les hommes et Dieu, messager de la paix./2019/04/12/11_donnerstag_49_dr_vincent_pontet_.jpg)
Mais s'il n'est pas simple de suivre l'ensemble des scènes proposées dans ce troisième acte, parfois très perché dans les étoiles (le tableau céleste est lui, remarquable), on ne peut qu'apprécier la distribution de la musique dans la salle. En particulier, nichés ici et là parmi les fauteuils des balcons, les chœurs font littéralement "monter" le son conformément à la spatialisation voulue par Stockhausen. Le public en est saisi d'émotion.
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