"L'Or du Rhin" à l'Opéra Bastille : les nouveaux dieux, la technologie et Wagner

Le metteur en scène espagnol Calixto Bieito interroge l'impact de la technologie et de la science sur l'humain et livre une vision politique de l'œuvre wagnérienne. Crépusculaire.

Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
Iain Paterson dans "L'Or du Rhin" à l'Opéra Bastille. (HERWIG PRAMMER / ONP)
Iain Paterson dans "L'Or du Rhin" à l'Opéra Bastille. (HERWIG PRAMMER / ONP)

Les dieux sont désespérément humains, rongés, eux aussi, par l'avidité et la cupidité. Le metteur en scène Calixto Bieito propulse L'Or du Rhin (jusqu'au 19 février à l'Opéra Bastille), prologue de la tétralogie colossale L'Anneau du Nibelung de Richard Wagner, dans un univers dominé par la virtualité numérique et l'intelligence artificielle. Les divinités perdent de leur superbe, enivrées par le pouvoir et apeurées de leur jeunesse qui se fane. Dans ce monde crépusculaire, des mégalomanes à la recherche d'une éternité qui les fuit se battent pour un anneau aux superpouvoirs.

L'ombre d'Elon Musk plane sur les 2h30 du spectacle. Haute technologie, domination, élitisme, jouvence, darwinisme… toutes les obsessions du patron de X se retrouvent dans cet opéra wagnérien. Après avoir inventé les dieux, les humains veulent les remplacer.

Dans un univers sans les humains, les dieux, les géants et les Nibelungen se battent pour obtenir le pouvoir de l'anneau forgé dans l'or du Rhin. Mus par l'ambition, la peur ou l'avidité, ils se livrent un combat sans merci.

Dans cette dystopie (très crédible), "le monde est divisé entre le haut protégé et luxueux des puissants et des riches, des hommes qui se prennent pour des dieux, et le bas inquiétant d'Alberich, qui rêve de richesse et produit des humanoïdes, pour tenter de se hisser au sommet", explique, dans le livret, Bettina Auer.

Simon O'Neill et Eliza Bloom dans "L'Or du Rhin" à l'Opéra Bastille. (HERWIG PRAMMER / ONP)
Simon O'Neill et Eliza Bloom dans "L'Or du Rhin" à l'Opéra Bastille. (HERWIG PRAMMER / ONP)

Dans cette version signée Calixto Bieito, la vidéo est très suggestive, incitative. Elle accompagne le spectacle sans s'imposer. Les artistes se meuvent dans un décor qui évoque un monde dans lequel la technologie est omniprésente, jusqu'aux automates humanoïdes.

Sur scène, Iain Paterson remplace Ludovic Tézier dans le rôle de Wotan, rôle qu'il avait déjà tenu. Le baryton français, terrassé par la grippe, n'a pas pu assurer l'ensemble des répétitions. Et c'est donc le baryton-basse écossais qui assure l'ensemble des représentations jusqu'au 19 février. La distribution est assez équilibrée, avec Brian Mulligan convaincant en Alberich, déserté par l'amour, tout de désir habité, et Iain Paterson en Wotan tourmenté. L'Or du Rhin, une œuvre qui interroge le présent incertain.

La fiche

Durée : 2h30 sans entracte
Langue : allemand
Surtitrage : français/anglais
Musique et livret : Richard Wagner
Direction musicale : Pablo Heras-Casado
Décoration : Rebecca Ringst
Distribution : Iain Paterson, Brian Mulligan, Florent Mbia, Matthew Cairns, Simon O'Neill, Kwangchul Youn, Mika Kares, Gerhard Siegel, Eve-Maud Hubeaux, Eliza Boom, Marie-Nicole Lemieux, Isabel Signoret, Margarita Polonskaya et Katharina Magiera
Dates : jusqu'au 29 février 2025
Lieu : Opéra Bastille, place de la Bastille, 75012 Paris

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