Festival d'Ambronay 2025 : Piers Faccini et Ballaké Sissoko embarquent le public en terre musicale inconnue

Le programme du concert comprenait en grande partie les chansons de l'album co-signé par le chanteur folk britannique et le musicien malien, "Our Call".

Article rédigé par Lorenzo Ciavarini Azzi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Ballaké Sissoko et Piers Paccini au Festival d'Ambronay le 12 septembre 2025 (BERTRAND PICHENE)
Ballaké Sissoko et Piers Paccini au Festival d'Ambronay le 12 septembre 2025 (BERTRAND PICHENE)

Il a fallu quelques notes à peine de la kora du musicien malien Ballaké Sissoko et la voix de velours de Piers Faccini pour faire basculer le petit monde d'Ambronay, dans l'Ain, vers des contrées lointaines. La chanson interprétée, Ninna Nanna, ne vient pourtant pas de loin, d'Italie, soit-elle du Sud, mais la mélopée que parvient à offrir le chanteur britannique (d'origine italienne) avec sa profondeur et ses moments de suspension, donne des ailes à cette berceuse traditionnelle. 

Sans fracas mais avec une sorte de force poétique, elle a ouvert le concert Our Calling de Piers Faccini et Ballaké Sissoko donné vendredi soir 12 septembre dans le cadre de la programmation parallèle du festival de musique ancienne et baroque d'Ambronay. En contrebas de l'abbaye, la salle est pleine à craquer. "Nous sommes un peu les invités hors normes du festival", lance au public, amusé, Piers Faccini en un français parfait – l'homme est devenu cévenol depuis quelques années. Mais le baroque est-il si loin de l'univers du duo ?  

Ballaké Sissoko et Piers Faccini au Festival d'Ambronay le 12 septembre 2025. (BERTRAND PICHENE)
Ballaké Sissoko et Piers Faccini au Festival d'Ambronay le 12 septembre 2025. (BERTRAND PICHENE)

"En réalité, pas tant que ça", nous ont confié en cœur les musiciens, rencontrés peu avant le spectacle. D'abord parce que la kora, instrument traditionnel à cordes malien à calebasse, "c'est aussi l'ancienne culture mandingue [d'Afrique de l'ouest] ", précise Ballaké Sissoko, qui joue souvent avec le chef baroque Jordi Savall. "Et l'instrument est plus vieux que le baroque européen", s'amuse Piers Faccini. 

Ensuite parce la tarentelle par exemple – comme celle de la chanson Ninna Nanna – est baroque à l'origine. "J'ai toujours aimé voir les traces de la musique modale. Un des ponts ce sont les tarantelles, très modales car ce sont des suites de quatre accords, souvent, sur lesquels on va improviser", explique Piers Faccini. 

Envolées magiques de la kora 

Modale, comme la musique malienne de la kora qui dialogue avec l'univers folk du chanteur dans Our Calling, l'album des deux musiciens sorti l'hiver dernier, qui a donné son titre au spectacle. Un dialogue, mais pas de fusion : tout l'intérêt de la rencontre est que les deux traditions distinctes, les deux voix (y compris les paroles des textes, toutes en anglais excepté la première) restent intactes. Le public d'Ambronay, curieux et silencieux dans un premier temps, reçoit ainsi une sorte de langue rythmique et mélodique nouvelle qui se compose en partie sous ses yeux. Car Ballaké Sissoko improvise à chaque fois ses solos et ses accompagnements. 

Ses envolées sont magiques dans Shadows are (à l'incroyable introduction) ou Borne on the Wind, chanson hommage au rossignol qui après avoir passé six mois en Afrique, "vient enchanter les Européens", comme le raconte Faccini aux spectateurs. Sorte d'invitation faite à l'homme à adopter une démarche de dialogue. D'ailleurs la chanson North and South vient peu après, amusante histoire où le nord et le sud sont appelés à se rejoindre en allant à l'est et à l'ouest pour se parler au centre. "C'est à la fois la référence à notre dialogue et un clin d'œil appuyé à l'inégalité de la confrontation entre nord et sud, qui est la cause de tant de problèmes", nous explique Piers Faccini. 

Le voyage est au cœur du concert. Comme dans la très jolie ballade If nothing is real, qui raconte par exemple la nécessité de "trouver un endroit où aller" et être soi, sorte de quête d'identité spirituelle. Mais l'essentiel n'est pas dans le sens des mots, souvent difficile à percevoir tant ils sont pure poésie, mais dans le jeu musical aux accents parfois plus blues, comme dans l'entraînant Mournfull Moon, ou flamenco, comme dans le sublime et très applaudi Go where your eyes, où la voix de Faccini se fait rocailleuse et les cordes presque électriques.

La douce mélancolie du voyage revient clore le concert avec une chanson malienne, dont la découverte en son temps fut pour Piers Faccini le début d'une aventure musicale et humaine. Chantée par les artistes en bambara, Kadidja reçoit une ovation du public d'Ambronay.  

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