"Le live, c'est l'instant présent, une rencontre très éphémère avec le public et quelques fois avec les étoiles" : le questionnaire de Proust de la soprano Patricia Petibon

Elle est assurément l'une des pépites de l'opéra français. Soprano colorature parmi les plus appréciées, du baroque à la musique moderne, elle est aussi une voix atypique et libre, capable de se remettre en jeu pour un rôle. Ou pour un spectacle singulier, comme celui donné au théâtre des Champs-Élysées, en juin dernier, aux côtés du baryton Laurent Naouri et du ténor Rodophe Briant : surréaliste et hilarant.

Cet été Patricia Petibon s'investit notamment dans la Fest'académie Les Chants d'Ulysse qu'elle a co-fondée avec la flûtiste Héloïse Gaillard au sein de l'Abbaye royale de Fontevraud et du théâtre Le Dôme de Saumur : entre l'académie et le festival, elle s'adresse aussi bien à des étudiants qu'au grand public. C'est dans ce cadre qu'a été enregistré son dernier disque, Tombeau pour Aliénor (Evidence Classics).

Franceinfo Culture : Cet été, êtes-vous plutôt travail ou sieste, tournée ou vacances ?
Patricia Petibon : Les quatre !

En vacances, êtes-vous montagne ou plage ? Nord ou sud ?
Je n'aime pas la plage, mais j'aime beaucoup la mer. Ma plus grande satisfaction, c'est d'être dans une eau froide et turquoise en Bretagne dans les Côtes-d'Armor, c'est mon paradis.

Parlons création : êtes-vous du matin ou du soir ?
Des deux. Le matin, après le café, le cerveau fuse ! Et le soir, je peux rester éveillée très tard dans le processus créatif. Je peux dessiner une bonne partie de la nuit.

Studio ou live ?
Les deux. Le studio est une photographie et en même temps un laboratoire. On peut élaborer des répertoires différents, essayer des couleurs très différentes grâce au micro, ce qui n'est pas possible en live. Le live, c'est l'instant présent, c'est une rencontre très éphémère avec le public et quelques fois avec les étoiles.

Quel est l'opéra que vous n'avez toujours pas écouté ?
Des tonnes et des tonnes ! Toute une vie ne suffirait pas.

Votre meilleur souvenir de chanteuse ?
Je pense sincèrement que c'est Lulu de Berg car Lulu, c'est l'Everest que je ne pourrai plus jamais toucher, un moment de ma vie très intense qui englobe toutes mes connaissances, tout mon travail depuis l'enfance et il a fallu attendre longtemps pour entrer dans ce défi. C'est une bête sauvage. Cette Lulu a été un accomplissement dramatique grâce à Olivier Py qui m'a permis de toucher quelque chose d'éternel.

Votre cauchemar ?
Un tsunami.

Si vous étiez un air d'opéra, lequel serait-il ?
Je serai le duo entre Blanche de la force et le chevalier dans Le Dialogue des Carmélites de Poulenc.

Quelle phrase musicale ou littéraire a bouleversé votre vie ?
Les Misérables de Victor Hugo, tout le passage sur Jean Valjean parce que c'est quelque chose qui tire les larmes, on est bouleversé par cette lecture. Victor Hugo est le génie absolu.

Quels sont les personnages de l'opéra ou de la littérature que vous avez détestés ?
Je hais les Thénardier. Je sors révoltée de cette lecture. C'est épouvantable.

Et ceux qui vous ont toujours accompagnée ?
Ulysse, je suis raide dingue d'Ulysse depuis enfant.

Quel est le lieu où vous êtes chez vous ?
Ouessant.

Quel est le lieu qui vous inspire ?
Ouessant.

Quelle est la question qui vous horripile ?
Quand j'ai perdu mon mari, il y a une question qui revenait souvent et qui me choquait : on me demandait au bout de 6 mois si j'avais "refait ma vie". C'est comme si refaire sa vie, c'était remplacer quelqu'un, remplacer une partie de sa vie, comme si tout était interchangeable.

Et celle qu'on ne vous a jamais posé(e) ?
"Tu ne voudrais pas qu'on prenne la voiture, là, et qu'on parte à la mer ?"

Fest'académie Les Chants d'Ulysse (Abbaye royale de Fontevraud et théâtre Le Dôme de Saumur), jusqu'au 13 juillet 2025. Concerts et journée événement ouverts au public. Patricia Petibon est également cet été à l'Académie des Arcs du 14 au 26 juillet et à l'Académie Ravel à Saint-Jean-de-Luz du 18 au 22 août.