"La question qui m'horripile : 'Quel est votre compositeur préféré ?' C'est comme choisir ses enfants" : le questionnaire de Proust de la pianiste Shani Diluka

Dans l'univers du classique, la pianiste française d'origine sri-lankaise Shani Diluka représente à elle seule la tradition et son dépassement. Interprète émérite aux disques multiprimés consacrés à Schubert, Grieg ou Mozart, Shani Diluka n'a cessé de s'ouvrir aux expérimentations – Beethoven associé aux ragas indiens, pari étonnant mais réussi en 2020 – et aux collaborations les plus diverses, du jazz au théâtre et à la littérature, et écrit elle-même des recueils de poèmes et d'aphorismes.

Deux nouveautés à la rentrée pour Shani Diluka : un album consacré à la musique de la Renaissance, tant élisabéthaine (de Byrd à Dowland) qu'italienne (de Frescobaldi à Palestrina et Monteverdi), qui veut explorer l'influence de cette période sur la musique européenne classique. Et son rôle de directrice artistique des Concerts du dimanche matin du théâtre du Châtelet 2025-2026 avec quatre grands concerts qui associent musique, littérature, poésie et philosophie. D'ici là, la pianiste, en tournée à travers la France en juillet et en août, s'est prêtée au jeu des questions de franceinfo Culture.

Franceinfo Culture : Cet été, êtes-vous plutôt travail ou sieste, tournée ou vacances ?
Shani Diluka : Tournée des festivals et travail au calme pour monter du répertoire. L'été des festivals est aussi le moment de partage et de retrouvailles avec les collègues, et quelques jours de répit pour écrire mon prochain livre.

En vacances, êtes-vous montagne ou plage ? Nord ou sud ?
Plutôt forêt et balades en nature, quels que soient les pôles.

Parlons création : êtes-vous du matin ou du soir ?
Le soir. Ayant toujours été insomniaque, j'écris ou lis la nuit et joue du piano le jour. J'aime le silence de la nuit et tous les secrets qui s'y murmurent.

Studio ou live ?
Les deux ont leurs atouts et les deux sont nécessaires : l'artisanat du studio est précieux pour présenter la vision d'une œuvre, la peaufiner comme un joaillier. Mais il ne remplace jamais l'émotion et la communion du live qui par son côté éphémère peut révéler l'œuvre et son miracle partagé dans les vibrations avec le public.

Quel est le disque que vous n'avez toujours pas écouté ?
Certains disques d'Annie Fischer.

Votre meilleur souvenir de musicienne ?
Mes rencontres avec Alfred Brendel qui m'ont apporté une vision profonde et riche de la musique, mêlée de tendresse, d'exigence et d'humour.

Votre cauchemar ?
Que la musique classique disparaisse au détriment du divertissement. Que les gens oublient sa puissance et sa profondeur.

Si vous étiez une musique, laquelle serait-elle ?
J'aimerais devenir l'opus 111 de Beethoven.

Quelle phrase musicale ou littéraire a bouleversé votre vie ?
"Chaque âme devient ce qu'elle contemple" du philosophe Plotin.
Et : "The word 'listen' contains the same letters as the word 'silent'" (Le mot 'listen', écouter en anglais, contient les mêmes lettres que le mot 'silent', silence en anglais) du pianiste Alfred Brendel.

Quels sont les personnages de la littérature, de l'art ou de la musique que vous avez détestés ?
Personne, même les plus détestables peuvent être fascinants, la preuve avec Crime et Châtiment de Dostoïevski.

Et ceux qui vous ont toujours accompagnée ?
Beethoven, Schubert, Mozart, Bach sont mes compagnons de route depuis toujours, mais aussi Camus, Jean Daniel, Rilke et Rimbaud.

Quel est le lieu où vous êtes chez vous ?
Là où il y a des arbres.

Quel est le lieu qui vous inspire ?
Les lieux qui ont vécu. Une église, une auberge de passage, une bibliothèque avec de vieux livres, un jardin ancien, un musée comme celui de Delacroix place Furstemberg à Paris.

Quelle est la question qui vous horripile ?
"Quel est votre compositeur préféré ?". C'est comme choisir ses enfants, c'est impossible.

Et celle qu'on ne vous a jamais posée ?
Celle-ci :)

Album "Renaissance", sortie le 26 septembre chaz Warner.

Shani Diluka en tournée : le 1er août au festival Bach & Minimalistes de l'Île d'Yeu, les 7 et 8 août aux Fêtes musicales de Corbigny, le 27 août au Musical'Océan Festival de Lacanau (programme Rossignols avec Natalie Dessay), le 28 août au Festival Royan Atlantique (programme Rossigols avec Natalie Dessay) et le 16 septembre à l'Auditorium de Radio France (programme Renaissance).