Fast fashion : "Quand on achète un tee-shirt à 5 euros, on jette son argent par les fenêtres", estime l'Institut français de la mode
Plusieurs fédérations européennes du textile et de l'habillement ont appelé conjointement l'Union européenne à "des actions d'urgence" contre la mode ultra-éphémère, notamment contre des plateformes comme Shein et Temu.
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Dans une lettre envoyée à la Commission européenne, les professionnels de la mode et du textile expriment leur frustration face à la lenteur de l’action législative devant les géants asiatiques de l’e-commerce tels que Shein, Temu et AliExpress, régulièrement accusés d’inonder le marché européen de produits à prix ultra-compétitifs, souvent non conformes.
"La Chine a un vrai problème de chômage. Elle doit faire tourner ses usines et doit nous envoyer des produits jetables en permanence et donc pour cela les prix sont cassés. On est face à une concurrence déloyale", explique mardi 16 septembre sur franceinfo Yann Rivoallan, le président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin qui appelle à lutter "de toute urgence" contre la mode ultra-éphémère chinoise pour "protéger le consommateur de toute urgence, protéger nos emplois et protéger la planète".
"Quand on achète un tee-shirt à cinq euros, on jette son argent par les fenêtres", observe lundi auprès de France Inter le directeur de l'Observatoire économique de l'Institut français de la mode (IFM), Gildas Minvielle. "Il faut faire comprendre aux consommateurs que, quand on achète un tee-shirt à cinq euros, on est perdant, car on va le laver quelques fois seulement. Il vaut mieux acheter des produits de meilleures qualité qui vont durer plus longtemps."
L'immobilisme européen
Pour endiguer la "hausse sans précédent des déchets textiles" et "la pression intenable sur les entreprises européennes", les signataires demandent notamment et "sans délai" à l'UE de renforcer les barrières douanières et d'accélérer les enquêtes en cours contre ces plateformes (Shein, Temu, etc.). "Le déréférencement est une mesure qui serait certainement très efficace", avance le directeur de l'Observatoire de l'IFM, "mais encore une fois, il faut aussi appliquer les lois qui existent déjà. S'il y a des lois aujourd'hui qui existent et qui ne sont pas appliquées, il faut les faire respecter".
Yann Rivoallan, président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin déplore l'immobilisme européen en comparaison des États-Unis qui "se défendent avec des taxes phénoménales de 100 à 200 euros par colis". Il souhaite que "l'Europe s'unisse" face au "danger" de "la Chine qui nous détruit, avec tous ces produits jetables, la Chine qui détruit nos entreprises".
"Il n'y a pas de raison que Shein et Temu passent au travers des mailles du filet législatif alors que, quand Kiabi, qui est une entreprise française, importe des produits en provenance de Chine, elle paye des droits de douanes."
Gildas Minvielle, de l'IFMà France Inter
"L'idée, c'est aussi de le faire au niveau européen, et non pas que la France soit totalement isolée. C'est capital qu'on soient nombreux", insiste Gildas Minvielle, le directeur de l'Observatoire économique de l'Institut français de la mode (IFM).
Paralysés par le "chantage"
Une position soutenue par l'eurodéputé Renew Pascal Canfin. Les entreprises de l'ultra fast fashion "sont des places de marché qui s'exonèrent de toute responsabilité juridique", dénonce-t-il lundi sur franceinfo. Pascal Canfin plaide pour un "changement systémique". Les entreprises d'ultra fast fashion ont envoyé quatre milliards et demi de petits colis en Europe l'an dernier et représentent plus de la moitié des ventes en ligne de vêtements. "Nous sommes envahis de produits qui sont parfois totalement scandaleux d'un point de vue de la simple sécurité et de la santé de ceux qui les utilisent", dénonce le membre de la commission environnement au parlement européen.
"On est lancés dans une bataille avec la Chine, avec les États-Unis [...] sur la responsabilité de manière générale des plateformes. Est-ce que ces plateformes sont responsables de ce qui circule sur ces sites et des produits qu'elles vendent aujourd'hui ? C'est non, et il faut changer."
Pascal Canfin, eurodéputé Renewà franceinfo
L'eurodéputé Renew dénonce le "chantage", "arme officielle de Donald Trump", à travers des menaces de "poursuites judiciaires" et de "droits de douane". Une arme qui est utilisée aussi, mais "moins explicitement" par la Chine. "C'est pour cela que, jusqu'à présent, nous ne sommes pas allés au bout de ce qui devrait être fait", regrette l'eurodéputé qui espère qu'une taxe sur les colis sera mise en place "à l'horizon 2026-2027-2028".
Des enseignes qui ferment les unes après les autres
La concurrence chinoise a détruit "en l'espace de cinq ans, près de 50 000 emplois", selon Yann Rivoallan, président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin. "Ces deux dernières années, plus de 14 000 emplois ont été détruits et ce n'est que le début", alerte-t-il. Plusieurs enseignes du prêt-à-porter ont mis la clé sous la porte, notamment Kaporal et Naf Naf. "On a en France, dans nos rues, de nombreuses boutiques qui ferment les unes après les autres, que ce soit à Paris, rue de Rennes ou encore dans de nombreuses villes moyennes", pointe-t-il.
Les revendications sont portées par l'organisme représentatif Euratex, l'Union européenne de l'habillement et du textile, mais aussi de nombreuses fédérations de plusieurs pays (France, Italie, Espagne, Allemagne, Grèce, Suisse, Belgique, Portugal, etc.). Elles seront portées à l'attention de la Commission européenne par une lettre signée mardi au salon parisien Première Vision (GL Events), puis qui lui sera transmise.
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