Paris Fashion Week féminine automne-hiver 2025-2026 : coups de cœur pour les défilés Anrealage, Issey Miyake, Pierre Cardin et Leonard Paris

Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 9min
Anrealage prêt-à-porter automne-hiver 2025-2026, à la Paris Fashion Week, le 4 mars 2025 (ALAIN JOCARD / AFP)
Anrealage prêt-à-porter automne-hiver 2025-2026, à la Paris Fashion Week, le 4 mars 2025 (ALAIN JOCARD / AFP)

À la Paris Fashion Week, 108 maisons ont présenté leur prêt-à-porter féminin automne-hiver 2025-2026 du 3 au 11 mars. Coups de projecteur pour quatre d'entre elles qui ont retenu notre attention. Décryptages.

Pour prolonger le plaisir de cette semaine féminine automne-hiver 2025-2026, voici quatre collections coups de cœur qui ont défilé à la Paris Fashion Week : Anrealage, Issey Miyake, Pierre Cardin et Leonard Paris.

Anrealage, un écran noir espace de possibilités infinies

La marque Anrealage, lancée en 2003 par Kunihiko Morinaga, joue sur la combinaison de trois mots : real (ordinaire), unreal (extraordinaire) et age (jour). Son mantra : "Dieu est dans les détails." Le créateur japonais travaille avec une approche méticuleuse la conception de ses vêtements et, à chaque saison dans le cadre du calendrier parisien, il étudie un concept : si, par exemple, pour l'hiver 2015-2016, sa collection Light se penchait sur un procédé de photochromie pour révéler un vêtement photosensible, dix ans plus tard, sa collection Screen imagine un avenir où les vêtements noirs servent d'écran pour afficher n'importe quelle couleur, n'importe quel motif, n'importe quel message ou graphique. Ils se transforment en supports de diffusion dévoilant un flux de visuels et d'informations, comme l'homme-sandwich du XXe siècle ou les T-shirts à slogan à partir des années 1960.

Dévoilé dans la cathédrale américaine de Paris sur une bande-son créée par Thomas Bangalter, membre de Daft Punk, le show est divisé en deux parties. Des silhouettes en forme de blocs lancent le défilé : elles présentent des motifs de lumière projetés sur un écran, reproduits à la main dans des tissages colorés, des patchworks et des matelassages ainsi que des imprimés créés avec Forearth. Les mannequins portent des chaussures à blocs carrés, imprimées en 3D en matériau PU biosourcé. Viennent ensuite des vêtements qui changent en fonction de l'humeur du porteur (dessins téléchargeables en couleurs numériques RVB vives) dont les motifs de lumière émergent et s'estompent. Ainsi, un vitrail en patchwork – fabriqué à la main à partir de 10 000 minuscules chutes de tissu coloré – est placé à côté de son clone en velours noir qui s'illumine d'un motif de vitrail faisant écho aux rosaces lumineuses de la cathédrale. D'autres tenues arborent des motifs produits à grande vitesse, générant 60 variations de motifs à carreaux en l'espace de 30 secondes pour créer une frénésie visuelle hypnotique. Chaque pièce de textile est dotée d'environ 10 000 diodes électroluminescentes en couleur. C'est époustouflant.

Issey Miyake, une exploration entre abstrait et concret

Coutumier des défilés poétiques et joyeux, le défilé débute comme souvent par une expérience performance. Dans une salle blanche immaculée du Carrousel du Louvre, la scénographie met en valeur les œuvres One Minute Sculptures d'Erwin Wurm, réalisées par des performeurs. La collection [N]either [N]or établit un lien entre des opposés, tant sur la matière, la forme et le sens. Ce concept s'inspire de l'œuvre de cet artiste autrichien dont l'approche consiste à revisiter des objets familiers de manière originale et inventive, suscitant de nouvelles perspectives chez le spectateur. Appliquée au vêtement, cette démarche remet en question les conceptions préétablies de l'ordinaire et engendre une variation dans l'interprétation de ce qui est perçu, offrant à chacun la liberté de porter les pièces à sa manière avec un champ infini de possibilités encore inexplorées. Le directeur créatif Satoshi Kondo développe ici des thèmes chers à la marque japonaise : plis, superposition et nouvelles matières en explorant la frontière entre abstrait et concret, corps et sculpture.

Tout peut être considéré comme un vêtement, dès lors qu'il est porté ? Partant de cette réflexion, un simple sac en papier est métamorphosé en robe, d'autres vêtements en sculptures ambulantes comme ces immenses manteaux de soie blanche qui s'enroulent autour du mannequin, ces gants de laine qui se muent en chapeaux ou ces sweat-shirts vert gazon ou beige en écharpes. La forme organique des pièces naît de la combinaison de différentes structures de maille, contrastant entre les parties qui épousent le corps et celles qui s'en détachent. Le panneau avant de la chemise peut se transformer en manche grâce à un jeu de boutons et la chemise peut être tournée en passant les bras dans différentes manches. Chacun choisi alors son propre style. Les mannequins sont chaussés de Peu Form, première paire de chaussures, réalisé en partenariat avec Camper. Détonnant.

Pierre Cardin, un voyage onirique vers la Lune

Pierre Cardin a rendu un hommage à la Lune, éternelle source de mystère et d'inspiration. Quoi de plus logique pour cette maison qui, en 2024, a dessiné les combinaisons d'entraînement des astronautes européens, presque soixante ans après la collection Cosmocorps lancée en 1968 par son fondateur. Ce défilé s'est tenu en extérieur devant la Géode avec son imposant dôme miroir, écrin futuriste au cœur de la Villette, au coucher du soleil face à la Lune. Fidèle à l'esprit novateur de son fondateur, cette collection signée Rodrigo Basilicati-Cardin, à la tête d'un bureau de style de quatre créateurs, s'inscrit dans l'univers visionnaire du fondateur de la maison, qui dès les années 1960 s'est inspiré de la conquête spatiale pour ses créations. Comme l'expliquait Jean-Pascal Hesse dans son livre Pierre Cardin. Mode. Mythe. Modernité "très vite, il avait senti l'évolution de la société et avait vu que le monde allait basculer. C'est là qu'il a commencé à se démarquer des autres, à faire cette mode unisexe, futuriste, très géométrique". De son côté, Rodrigo Basilicati-Cardin précisait : "Je pense que c'était à la suite des premiers vols d'astronautes. Quand Youri Gagarine a été le premier homme à partir dans l'espace, cela l'a inspiré. Il a commencé à rêver de ça, à faire des recherches sur les tissus."

Au programme, 55 silhouettes avant-gardistes avec reflets argentés, textures métalliques, formes architecturales et colorées et volumes flottants comme ces deux doudounes matelassées rose et lilas, d'une grande modernité, qui ont lancé le show. Chaque pièce revisite le passé pour mieux anticiper l'avenir, insufflant à l'héritage de Pierre Cardin une modernité éthique et intemporelle comme cet ensemble blanc surligné de fluo composé d'un pantalon et d'un sweat avec sac à dos intégré particulièrement réussi et qu'on rêve de porter immédiatement. Dans une démarche responsable, la collection inclut une ligne d'upcycling, réalisée à partir de stocks dormants de la maison, témoignant d'un engagement pour une mode durable. Des matières écologiques surprenantes comme la laine de mer et des fibres techniques innovantes, protégeant de la chaleur et du froid, sont utilisées aux côtés d'effets lumineux, d'accessoires futuristes comme ces sacs au format boule ajourée représentant la planète et ses multiples pastilles grises ponctuant certaines robes, des détails inspirés de la surface lunaire et de ses étonnants reliefs. Cosmique.

Leonard Paris, la promenade d'une nomade urbaine

"Il y a du bon à être nomade. Nous devons traverser notre époque comme nous traversons les villes : en y recherchant la beauté chaque fois qu'elle est susceptible de se présenter à nous. Car la beauté est l'une des manifestations les plus réconfortantes que puisse offrir notre humanité", indique, dans sa note d'intention, Georg Lux, le directeur de la création Leonard Paris qui, cette saison, a été attiré par les lumières utilisées par le réalisateur Wong Kar-Wai dans In the Mood for Love. Les ambiances chaudes et sensuelles ont inspiré les couleurs de sa collection City Nomade pour une héroïne romantique, mais déterminée.

Coté silhouettes, enveloppants ou protecteurs, les trenchs et les cabans aux épaules accentuées se portent sur des pièces plus fluides et romantiques. Du côté des matières, on note un jersey laminé imitant un cuir plissé, noir uni ou imprimé de roses, verni et brillant, tandis qu'un matelassé mi-floral mi-animal est enveloppant et que de grandes fleurs abstraites en strass se brodent sur un caban bordeaux. Des boutons en pierre semi-précieuse sont inspirés des bijoux berbères. Les tons chauds d'or et de chocolat noir jouxtent des verts lichen, pistache et forêt, des touches de bordeaux, d'acajou et d'ivoire Imprimés. Les looks sont portés avec des bottes hautes néo cavalières en suède et cuir lisse ou des mules assorties. Dans l'air du temps.

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