"Nous souhaitions repositionner la marque en France" : en marge de la Fashion Week, la marque espagnole SKFK défile pour la première fois à Paris

Née sous le nom de Skunkfunk dans les années 1990, la marque, originaire du Pays basque espagnol, puise ses origines dans l'énergie des festivals de musique et du street art. Au fil des ans, elle a redéfini son identité et adopté une démarche durable en restant fidèle à sa terre et ses traditions.

Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 10min
Défilé SKFK prêt-à-porter automne-hiver 2025-2026, à la Paris Fashion Week, le 10 mars 2025. (SKFK)
Défilé SKFK prêt-à-porter automne-hiver 2025-2026, à la Paris Fashion Week, le 10 mars 2025. (SKFK)

À l'occasion de la Paris Fashion Week féminine (PFW), SKFK a dévoilé une collection rendant hommage à la pelote basque, un sport traditionnel ancré dans sa culture qui symbolise le parcours de la marque : un jeu entre tradition et modernité, résilience et réinvention. Oreka puise son inspiration dans l'histoire de ce sport ainsi que dans l'élégance architecturale des trinquettes, courts intérieurs où se déroulent les parties. Lundi 10 mars, la griffe a défilé au Trinquet de la Cavalerie dans le 15e arrondissement à Paris.

Depuis vingt-cinq ans, SKFK défie les conventions, fusionne l'art et la mode et raconte des histoires à travers un design engagé. Première marque espagnole à obtenir le label Fairtrade, elle mise sur le coton bio, le lyocell ainsi que les fibres recyclées comme ces fragments de pelotes – récupérés et transformés dans de petits ateliers où des artisans locaux préservent des techniques ancestrales – que l'on retrouve sur des bustiers faits à la main où les découpes des balles de zesta punta évoquent les coutures et la rondeur caractéristiques du matériau d'origine. Le feutre, matériau fondamental dans la tradition basque, est lui appliqué sur des tissus légers comme le tulle dans un jeu de contrastes. Un autre élément artisanal est le bois de la zesta punta, utilisé dans les paniers traditionnels servant à propulser la balle, réutilisé ici dans des bustiers structurés.

Maia Eder Curutchet, la directrice artistique de la marque, revient sur le chemin parcouru à l'occasion de ce 25e anniversaire.

Franceinfo Culture : Depuis vos débuts, vous défendez une mode consciente et responsable en créant des vêtements respectueux de la planète et de ceux qui les portent. Si aujourd'hui, cela semble évident, lors du lancement, en 1999, vous avez dû rencontrer des difficultés ?

Maia Eder Curutchet : Lorsque nous avons commencé en 1999, le développement durable n'était pas une tendance, c'était un défi. L'industrie n'était pas prête pour une mode plus éthique et l'approvisionnement en matériaux responsables ou le travail avec des ateliers équitables nécessitaient des efforts supplémentaires sans une base de consommateurs réellement sensibilisés. Nous devions montrer la voie, éduquer et démontrer que la mode durable pouvait être attrayante, de haute qualité et commercialement viable. Au fil des ans, nous avons prouvé qu'il était possible de faire les choses différemment.

Vous existez depuis vingt-cinq ans mais vous n'avez défilé qu'à deux reprises à Madrid en Espagne. Pourquoi ce choix ?

Nous avons toujours préféré aller à notre propre rythme. Madrid est une plateforme importante en Espagne, mais nous sommes animés par une vision plus globale et indépendante. Nous ne suivons pas les calendriers de la mode : nous choisissons les événements et les villes qui reflètent vraiment notre essence et recherchons des opportunités qui nous permettent de montrer nos collections d'une manière authentique et en accord avec nos valeurs.

Votre marque présente pour la première fois ses collections à Paris, en marge de la Fashion Week et vous avez ouvert un pop-up, la SKFK Art Gallery, rue Saint-Honoré, jusqu'au 16 mars. En quoi l'arrivée dans la capitale de la mode marque une étape ?

Paris a toujours été une référence en matière de mode, d'art, d'artisanat et de design intemporel, des valeurs qui font partie de notre ADN. Venir à Paris pendant la semaine de la mode nous permet d'entrer en contact avec un public international qui valorise la créativité au-delà des tendances. C'est aussi une façon de réaffirmer notre identité dans un endroit où l'innovation et l'authenticité jouent un rôle clé dans la mode. Nous souhaitions repositionner la marque en France et à Paris tout particulièrement.

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Vous défilez dans un lieu emblématique de la pelote basque, le Trinquet de la Cavalerie. C'est une manière d'insister sur votre appartenance aux cultures basque, espagnole et française ?

Ce jeu a toujours été bien plus qu'un simple sport : c'est un mode de vie, un symbole de communauté et une pratique transmise de génération en génération. Notre nouvelle collection tisse un lien direct avec cet héritage en intégrant des éléments esthétiques dans les tissus, les motifs et les silhouettes de nos vêtements. Célébrant la culture et l'artisanat basques, la marque apporte à la PFW une vision nouvelle et inspirante.

Comment votre collection Oreka met en lumière votre héritage basque ?
Oreka ("équilibre" en basque) reflète notre recherche d'harmonie entre l'artisanat et l'innovation, la mode et la durabilité, l'héritage et l'avenir. La collection s'inspire de la culture basque et de la pelote, qui est une métaphore du parcours de notre marque : un échange constant, un jeu entre le passé et le présent, la résilience et la réinvention.

Nous présentons aussi des pièces spéciales que nous appelons "pilota trash" et que nous avons fabriquées de manière artisanale avec de petits ateliers. Ces derniers produisent encore la pelote basque traditionnelle en utilisant leurs chutes de cuir et leur technique ou en laine en utilisant la technique du feutrage selon l'ancienne méthode artisanale de fabrication des bérets.

Comment faites-vous pour démontrer que dans le secteur de la mode le changement est possible et qu'art, design et innovation peuvent être au cœur d'une mode régénératrice ?

Le changement commence par la remise en question du statu quo. Nous nous engageons en faveur d'une mode régénératrice par le biais d'une conception circulaire, d'un approvisionnement éthique et de l'autonomisation des acteurs de la chaîne de valeur. Nous travaillons avec l'ONG Chetna, une coalition d'agriculteurs en Inde, soutenant des projets sociaux qui améliorent les moyens de subsistance des communautés agricoles avec lesquelles nous travaillons. En outre, nous comprenons la durabilité dans son ensemble, depuis les personnes qui cueillent le coton jusqu'au transport.

Pour cet avenir plus durable, quelles matières et procédés éthiques utilisez-vous ?

Nous sommes attentifs à chaque étape de notre chaîne de valeur. Dès le début, nous utilisons des fibres à faible impact, en travaillant en étroite collaboration avec des partenaires comme Chetna pour nous approvisionner en matériaux de manière responsable. Nous nous engageons à produire là où les matières premières sont cultivées, ce qui permet de réduire l'impact environnemental du transport et nous minimisons notre empreinte en choisissant des méthodes de transport respectueuses de l'environnement, comme les trains et les bateaux.

Ce qui nous différencie des autres marques, c'est que nous ne nous concentrons pas uniquement sur une partie du processus : nous prenons en compte l'intégralité de la chaîne de valeur. Nous collaborons avec des personnes qui travaillent avec nous depuis de nombreuses années et qui ont une connaissance approfondie de nos pratiques durables. Nous ne nous contentons pas d'acheter des tissus préfabriqués ; nous tissons et produisons tout à partir de zéro.

L'écoconception fait partie de votre démarche. Comment réalisez-vous la collection Zéro Waste qui considère chaque centimètre carré de tissu dans une logique de zéro chute ?

C'est une philosophie que nous appliquons à chaque étape de notre collection Zéro Déchet afin de tirer le meilleur parti de chaque mètre de tissu et d'éviter les déchets inutiles. Nous concevons des patrons astucieux qui les minimisent grâce à des coupes géométriques et à une construction modulaire et nous utilisons des techniques de drapage qui intègrent le tissu dans le vêtement sans créer de déchets. Enfin, nous donnons une seconde vie aux restes de tissu en les transformant en accessoires ou en détail pour de futures collections. Cette approche nous permet de réduire les déchets et de créer des vêtements qui durent dans le temps.

Vous dites que la mode ne doit pas être éphémère et que la durée de vie de chaque vêtement peut être prolongée grâce à une réutilisation réfléchie.

Chaque vêtement a une histoire et nous voulons qu'elle se poursuive au-delà de sa première utilisation, c'est pourquoi nous avons créé notre plateforme SKFK SecondHand. En gardant nos produits dans notre propre écosystème, nous fermons la boucle, garantissant que nos pièces poursuivent leur voyage. Contrairement à de nombreuses plateformes de seconde main, qui proposent une mode de qualité inégale, nous nous concentrons exclusivement sur nos vêtements, qui sont conçus pour durer avec des matériaux de qualité qui garantissent que chaque pièce peut vivre plusieurs cycles sans perdre son essence. La seconde main n'est pas seulement une alternative d'achat, c'est une façon de continuer à parier sur une mode responsable.

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