Festival du livre de Paris 2025 : les éditeurs de littérature Young et New Adult déclarent leur flamme à la romance
Longtemps cantonnée aux éditions Harlequin, la littérature de romance réalise depuis une dizaine d'années un bond en avant. Une mine d'or pour les maisons d'édition qui tentent leur chance sur cet incroyable marché de l'amour.
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Pour le premier jour du Festival du livre de Paris qui dure jusqu'au 13 avril, un soleil à rendre aveugle traverse la verrière du Grand Palais. Perché à l'étage, l'espace romance concurrence cette vision éblouissante et offre une explosion de couleurs, dégradé vif de rose et de violet. Il s'agit du stand de la maison d'édition Hugo Publishing, une "référence" dans l'univers de la littérature de romance. "Dans le Young Adult, il y a beaucoup de romances et c'est pour ça que la programmation du festival est représentative des sorties éditoriales", explique Marion Escudé, programmatrice au Festival du livre.
Devant les étagères de livres, aux couvertures colorées et calligraphiées, des files de lectrices se bousculent en quête de la dernière pépite de ce genre très en vogue chez le jeune lectorat. Parmi elles, Carla, 19 ans, venue refaire son stock d'ouvrages et rencontrer ses autrices favorites lors de séances de dédicace. La jeune fille ouvre son sac et commence à compter "huit livres !", s'exclame-t-elle, mi-enjouée, mi-coupable. À côté, son amie Jessica surenchérit : "Moi, j'en ai acheté 12 !". Douze livres répartis dans trois sacs.
Des jeunes extasiés par la lecture, le rêve de tout parent en somme. Surtout, une mine d'or pour les maisons d'édition qui observent cet attrait pour la romance avec envie. Chemise à carreaux, style décontracté, le PDG d'Hugo Publishing, Arthur de Saint-Vincent, confirme cette tendance : "La romance concerne deux tiers de notre activité". Cette maison familiale de littérature grand public fondée en 2005 dépose même la marque New Romance dans les années 2010.
Depuis, presque tous les ans, une maison d'édition annonce la création d'une collection romance. Rien qu'en 2024, Albin Michel crée Nox, Delcourt lance Waves dédiée aux premières fois et les éditions Slalom publient leur premier ouvrage de romance. Une percée spectaculaire qui a de quoi bouleverser les codes d'un genre devenu un véritable marché.
"Les éditeurs adoptent le langage de leur lectorat"
Chez Albin Michel, Nine Gorman est en charge de Nox. Ancienne militaire, elle fait ses débuts comme autrice sur Internet où elle rencontre rapidement le succès et se fait repérer par cette maison d'édition. Maintenant, elle est à la tête d'une collection au sein de cette même maison d'édition, "la chance d'une vie", pour la jeune femme, mais surtout la chance d'Albin Michel de compter Nine Gorman dans ses rangs.
Lectrice, puis autrice de New Adult, la jeune femme connaît tous les rouages de ce monde codifié et surtout de sa communauté de lectrices (et quelques lecteurs). Pour une maison d'édition en romance, développer une communication sur les réseaux sociaux est indispensable, Nine Gorman l'a bien compris : "Notre stratégie, c'est de proposer une communication au plus proche des lecteurs, essayer de ne pas être juste une institution, un nom, une collection, mais essayer d'avoir un visage." Elle ajoute : "Il faut que Nox incarne une ambiance".
"Être vite dépassé dans le secteur de la romance c'est prendre le risque de se planter au niveau des ventes."
Nine Gormanfranceinfo Culture
Plus direct, Arthur de Saint-Vincent assume "faire du marketing, développer des réseaux sociaux et être très agressif en communication." Quoi qu'il en soit, cette stratégie requiert deux fondamentaux : attiser la curiosité du lectorat et jouer avec le suspens. L'accent est mis sur les rencontres, lors desquelles les lectrices échangent avec leurs autrices préférées, découvrent leurs futures publications et rencontrent d'autres passionnées comme elles, en quête de nouvelles découvertes littéraires. Grâce à leur communication digitale, les maisons d'édition "teasent" leur lectorat avec des "cover reveal" (révélation de couverture), sorte de bandes-annonces version littérature.
Pour la chercheuse Fleur Hopkins-Loféron, les maisons d'édition ont parfaitement intégré les normes de cette littérature : "Il y a désormais des éditeurs très à l'écoute des codes utilisés par les lectrices, et surtout de l'influence qu'ont pu avoir les plateformes d'écritures. Ils n'hésitent pas à adopter le langage de ce lectorat." Mais attention, rien n'est acquis. Témoin directe des évolutions du lectorat de romance, Nine Gorman qui avait percé sur BookTube (remplacé par BookTok) observe que la plateforme n'est plus autant prescriptrice qu'à l'époque. "Il faut toujours être aux aguets, regarder où les tendances se créent. Être vite dépassé dans le secteur de la romance, c'est prendre le risque de se planter au niveau des ventes", confirme-t-elle.
Une armada organisée
Justement pour éviter d'être dépassées, les maisons d'édition puisent à la source de la créativité et créent leurs propres concours d'écriture. Chez Slalom, le lancement de leur collection romance s'est justement accompagné de ce type de concours pour dénicher de jeunes talents. Une pratique bien connue chez Hugo Publishing où le concours se passe sur leur plateforme Fyctia, créée en 2015.
"C'est un concours d'écriture sur le principe de The Voice, vous avez besoin d'un nombre de likes nécessaire pour débloquer un chapitre", explique Arthur de Saint-Vincent, pas peu fier de son système rodé. Le directeur ajoute : "En trois mois, les jeunes femmes ou les jeunes hommes ont écrit à peu près la moitié d'un livre. Puis un grand jury choisit un gagnant." Avec un système basé sur l'avis du lectorat, le succès en librairie est garanti et les risques minimisés.
Dahlia Blake connaît le succès grâce à Fyctia. Lauréate du concours, elle publie son premier ouvrage, Les azalées fleurissent en hiver (Hugo, 2021). Une romance de Noël qu'elle écrit "main dans la main avec les lectrices", grâce au système de likes qui montre ce côté "très à part" de la romance. C'est justement son profil et son écriture, plébiscités par les lectrices, qui ont su convaincre Arthur de Saint-Vincent en quête d'un potentiel : "Quand vous lisez une histoire, vous rencontrez des personnages, des univers, mais aussi une autrice qui incarne une personne et des codes, c'est le mélange de tout ça qui fait qu'on choisit un texte."
Relation toxique ?
La chercheuse Fleur Hopkins-Loféron explique cette volonté de codifier : "En adoptant le langage du lectorat, les éditeurs parviennent à simplifier des ouvrages, à les réduire à des codes susceptibles d'attiser la curiosité d'une lectrice qui cherche des recommandations d'ouvrages par mots-clés sur les forums". Suivant une logique de marché, cette codification occasionne de nombreux sous-genres de la romance. Parfois, ce sont les récits de Dark Romance qui ressortent de ces recherches, leur vente suscite une vague de critiques. La chercheuse déplore une "panique morale" venant de détracteurs n'ayant jamais lu de Dark Romance qui s'attaqueraient à une littérature "par et pour les femmes".
Chez les éditeurs, le constat est le même : la mauvaise réputation de la Dark Romance est le fait de critiques ignorants. En revanche, leurs réactions face à la controverse diffèrent. Avec Nox, Nine Gorman souhaite valoriser des histoires qui abordent des thèmes de société. Si l'éditrice ouvre la porte aux récits de Dark Romance, elle porte une grande attention au cadre de la relation entre les deux protagonistes. "Une histoire d'amour peut naître entre deux captifs d'un même geôlier ou deux tueurs en série. Le contexte peut être sombre, mais il n'y a pas de rapport de domination", explique l'éditrice. Chez Hugo Publishing, l'approche est plus libre : "Je crois qu'on peut tout écrire et que les gens peuvent tout lire", assume le directeur. "Il faut mettre ces récits dans les mains de la lectrice, sans lui dire quoi faire, et sans notamment normaliser ou moraliser certains comportements", ajoute-t-il.
"Les lectrices passent un pacte de confiance avec les maisons d'édition."
Fleur Hopkins-Loféronfranceinfo Culture
Si la Dark Romance choque tant, c'est qu'elle aborde sans fard des sujets comme le viol, la dépression, ou le suicide. "La Dark Romance dit les choses telles qu'elles sont", insiste Fleur Hopkins-Loféron pour qui ces récits ont un aspect thérapeutique, parfois chez les lectrices. L'autrice Dahlia Blake reconnaît aussi la puissance de ces histoires, qui sensibilisent le lectorat et peuvent le protéger.
Même si les sensibilités des éditeurs diffèrent, les maisons d'édition jouent tout de même leur rôle auprès des lectrices. Aujourd'hui, les "trigger warnings" ou avertissements avant la lecture sont pratiques courantes. Pour son dernier ouvrage, Black Venus (Albin Michel, 2025), une romance sur fond d'espionnage, Dahlia Blake a même fait appel à des "sensitivity readers", ces lecteurs chargés de relire les textes afin de vérifier qu'ils ne blessent pas la sensibilité du lectorat. "Les avertissements permettent d'explorer les livres par le menu, les lectrices savent ce qu'elles vont y trouver pour explorer en toute sérénité leur sexualité et leur vie sentimentale. Elles passent un pacte de confiance avec la maison d'édition", complète la chercheuse.
Grâce à cet engouement des maisons d'édition, la littérature de romance a encore de beaux jours devant elle. Et pourquoi pas imaginer de la romance destinée aux hommes, qui continuent de bouder ce genre ? C'est ce que commence à faire Hugo Publishing. Pour l'instant, au Festival du livre, les jeunes filles de groupes scolaires se font railler par leurs camarades masculins lors d'achat de livres de romance. Des progrès restent à faire.
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