Clara Héraut, 24 ans et autrice, revisite la littérature Young Adult : "J'écris les histoires que j'aurais aimé lire à l'adolescence"
Lauréate en 2022 du concours d'écriture "Nos Futurs" lancé par les éditions Hachette, Clara Héraut publie son premier ouvrage "Nos plus belles années", l'année suivante. Une sortie remarquée suivie de trois autres romans, dont le dernier en date, "Le Tourbillon des possibles", sera publié en juin.
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Le premier livre de Clara Héraut, Nos plus belles années, voit le jour en seulement six mois, moins qu'une gestation. Un nouveau-né, loin d'être prématuré, qui a fait basculer la vie de la jeune femme dans une nouvelle dimension. Encore étudiante à Sciences Po Lille, Clara Héraut remporte le concours d'écriture des éditions Hachette dédiée à la littérature Young Adult et publie son premier ouvrage.
Une véritable prouesse pour certains, un "beau tremplin" pour cette autrice avec déjà quatre romans publiés. À l'occasion du Festival du livre de Paris, alors que la littérature Young Adult rameute foule de jeunes lectrices et lecteurs, portrait d'une autrice précoce, aux idées bien en place.
Une écriture soignée
Les histoires imaginées par Clara sont peuplées d'antihéros. Des minorités invisibles qu'elle situe au cœur d'intrigues aux accents sociétaux. Avec intelligence, ses ouvrages traitent des violences sexistes et sexuelles, de santé mentale et plus généralement du passage épineux de l'adolescence à l'âge adulte.
Pourtant, l'autrice est arrivée à la lecture grâce aux blockbusters de la littérature ado, une culture fantasmagorique qu'elle ne rejette pas. "Je me suis mise à lire au collège, vers la 5e, après une projection du film Hunger Games au cinéma, j'avais très envie de connaître la suite." L'adolescente se plonge avec avidité dans les aventures de l'indomptable Katniss Everdeen, puis de l'audacieuse Tris Prior, héroïne de la saga de science-fiction Divergente.
"Les livres que je lisais en littérature Young Adult étaient souvent très manichéens."
Clara Hérautà franceinfo Culture
Sa rencontre avec la lecture se fait hors du cadre scolaire et de l'injonction parentale, à l'image du style de la littérature Young Adult, libre et décomplexée. L'amour de la lecture s'accompagne très vite de la passion de l'écriture. "J'écris depuis mes 14 ans, mais j'ai mis longtemps avant de terminer mon premier livre. Je l'ai achevé sans originalité à la période du confinement", confesse-t-elle avec humour. Depuis, Clara Héraut écrit quotidiennement des livres. Certains sommeillent toujours dans son ordinateur, dont quatre sont antérieurs à Nos plus belles années.
Avec un père médecin, une mère infirmière et une sœur psychiatre, cette dévoreuse de livre et écrivaine précoce semble à part dans cette famille de soignants. Pourtant, avec ses histoires "crédibles", Clara Héraut soigne un lectorat "abîmé" par les récits clichés colportés par la littérature Young Adult, particulièrement la romance. À travers ses livres, elle devient une guérisseuse de l'imaginaire des jeunes, jamais bien-pensante, encore moins donneuse de leçons.
"C'est avant tout parce que j'adore lire que j'écris"
La passion des mots anime avant tout Clara Héraut qui ne revendique pas forcément une écriture engagée. En tout cas, à la lecture de ses livres, une chose est sûre, son écriture est mûrement réfléchie. Les thèmes abordés, allant des violences sexuelles à la dépression en passant par la recherche d'emploi, visent à sensibiliser et surtout à offrir à son jeune lectorat des réponses. "Pour tous mes livres, j'ai cette question : qu'est-ce que j'aurais aimé lire à tel âge ? Je me positionne toujours en tant que lectrice et j'écris les livres que j'aurais aimé lire, car c'est avant tout parce que j'adore lire que j'écris."
C'est en suivant ce raisonnement que Nos plus belles années voit le jour : "J'avais la rage quand j'ai écrit Nos plus belles années, je voulais montrer que la vie étudiante n'est pas celle qu'on nous vend dans la littérature Young Adult". Après le baccalauréat, Clara Héraut intègre Sciences Po, au même moment, le mouvement #Sciencesporcs secoue son IEP lillois et libère la parole des étudiantes victimes de violences sexuelles.
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Pour la jeune femme, c'est la désillusion totale. Clara Héraut comprend la nécessité d'explorer les années étudiantes, très souvent fantasmées, afin d'y injecter plus de crédibilité. Cette prise de conscience se ressent à la lecture de son ouvrage. Avec subtilité, l'autrice décrit la peur des femmes la nuit, les effets dévastateurs d'une rumeur, la course à la popularité aux accents sexistes. "Les livres que j'avais lus en littérature Young Adult sur les violences sexistes et sexuelles étaient souvent très manichéens", explique Clara qui poursuit :"L'agresseur est tout de suite identifié, car il porte la violence en lui, alors qu'en réalité, un viol est souvent commis par un étudiant lambda et se fait sans violence."
Cette approche littéraire en phase avec la société se retrouve dans les thèmes de ses livres suivants. Dans, L'Effet boule de neige, son deuxième roman, une situation de rivalité féminine se transforme en une célébration de la sororité, avec deux personnages féminins décrits à valeur égale dans leur complexité. Son troisième ouvrage, Les coquillages ne s'ouvrent qu'en été, met en scène une relation lesbienne et comporte tout un volet sur la dépression et la psychiatrie.
Un lectorat en quête de représentation
"Pour moi, les livres sont un canal privilégié à l'adolescence pour parler de certaines thématiques, une fenêtre ouverte pour comprendre et accepter les autres, mais aussi soi-même", raconte l'autrice. Une responsabilité qui transparaît dans l'écriture de ses romans, où l'autrice multiplie les points de vue grâce à des personnages sans normes.
"La fin de Nos plus belles années, c'est un sujet qui m'a vraiment interrogée, je l'ai modifiée à de nombreuses reprises afin d'être crédible", explique-t-elle à propos de ce livre sur les violences sexuelles où l'héroïne, Jade, reprend le pouvoir sur les événements, dénonce son agresseur et porte plainte. Contrairement à son amie Élise. "Je n'avais pas envie de véhiculer le message qu'en cas de viol, il faut absolument porter plainte, c'est pourquoi le personnage d'Élise vient compenser cette approche et donne à voir une figure féminine courageuse même si silencieuse". Une fin "douce amère" comme elle se plaît à l'imaginer, car l'autrice garde toujours en tête qu'elle s'adresse à un public jeune et se doit d'être porteuse d'espoir dans ses récits.
Pour conserver ce ton "crédible", Clara Héraut n'hésite pas à se faire relire et conseiller par des personnes directement concernées par ces thématiques. Des "sensitive readers" (lecteurs sensibles) qui ne portent pas leur nom, mais accomplissent le travail de ces lecteurs embauchés par les maisons d'édition pour corriger des textes dont certains termes pourraient blesser la sensibilité du lecteur. Une approche presque sociologique que Clara Héraut relativise : "Je garde en tête que ça reste une fiction, je ne prétends pas écrire un essai."
"Quand j'écris, je lutte contre moi-même et mes fantasmes."
Clara Hérautà franceinfo Culture
L'autrice est le premier cobaye de son propre travail. Cette lectrice dévorait des romans qu'elle juge désormais sexistes. Pourtant, Clara Héraut plaide la mansuétude : "Je lis beaucoup d'essais féministes et pourtant, quand j'écris, je suis encore la proie de mes fantasmes", confie-t-elle avec franchise.
Une chose est sûre, Clara est lancée sur cette voie et ne s'arrêtera pas, même si ces thématiques sociétales sont moins vendeuses que la Dark Romance. En attendant, l'autrice prône l'indulgence avec soi-même : "Il faut s'autoriser des écarts dans nos lectures et quelques plaisirs coupables, y compris lorsque nous sommes militants." Elle conclut : "Tout cela n'est pas bien grave !" Une parole de vieux sage venant d'une jeune autrice en paix avec elle-même.
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