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"D’or et de jungle" de Jean-Christophe Rufin : les mercenaires, le magnat du numérique et le coup d’Etat

Jean-Christophe Rufin imagine une nouvelle forme de coup d’Etat qui permettra à un géant des nouvelles technologies de mettre la main sur un pays. Pour s’affranchir des Etats, autant posséder un Etat. "D’or et de jungle", une politique-fiction vraisemblable.

Mohamed Berkani

France Télévisions - Rédaction Culture

Publié le 24/03/2024 11:04

Temps de lecture : 2min

Portrait de l'écrivain Jean-Christophe Rufin. (Astrid di Crollalanza)

Comme un thriller politique qui sonne l’alarme sur la surpuissance des entreprises qui viennent à suppléer les Etats, voire à s’en affranchir, D’or et de jungle, publié chez Calmann-Lévy, est un livre qui saisit l’air du temps.

Jean-Christophe Rufin est un formidable conteur. L’auteur de Rouge Brésil ou de Katiba dresse un constat : l’impuissance du politique face aux puissants de l’économie. Et qui incarne le mieux ces entreprises supranationales sinon les géants des nouvelles technologies ? Quand on voit les ambitions affichées ou non déclarées des magnats du numérique, le scénario imaginé par Jean-Christophe Rufin n’est peut-être pas si farfelu. La fiction précède souvent le réel. Dans un pays prospère, riche en matières premières et en ressources naturelles, couve un coup d’Etat d’un genre inédit. Le sultanat de Brunei suscite des appétits voraces.

La géopolitique, c’est de la bombe

Pour s’affranchir des Etats, pourquoi ne pas posséder un Etat. Ou en conquérir un. Et à Jean-Christophe Rufin, avec humour et lucidité, d’imaginer un mode d’emploi, un kit pour le mercenaire débutant. Avec la technologie comme arme 2.0, indispensable pour déstabiliser les institutions. Le roman n’arrête pas de télescoper l’actualité : deepfakes, infaux… D’or et de jungle est un roman d’anticipation tellement vraisemblable, que la réalité le rattrape à chaque page.

Le sultanat de Brunei, donc. Flora, championne de plongée, cherche à suivre les traces de son grand-père, célèbre mercenaire qui a passé sa vie à renverser des gouvernements établis. Un grand-père qui n’est pas sans rappeler un certain Bob Denard, impliqué dans de nombreux coups d’Etat en Afrique. Avec ses associés, Flora imagine un putsch sans effusion de sang, les fausses informations remplaçant les kalachnikov. Et comme tout roman d’aventures, les péripéties et les rebondissements ne manquent pas. Jean-Christophe Rufin s’amuse à dérouter ses lecteurs en multipliant les pistes. D’or et de jungle, une politique-fiction vraisemblable.

"D’or et de jungle", Jean-Christophe Rufin, Calmann Lévy, 445 pages, 22,50 €