"Pas adaptée", "réécriture moderne", "censure"... Que contient la version de "La Belle et la Bête" du dessinateur Jul, annulée par l'Education nationale ?
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franceinfo a pu consulter la version modernisée du classique de la littérature française qui a été annulée par l'Éducation nationale. Le dessinateur Jul dénonce une "dérive délirante et très préoccupante".
Ce ne sera finalement pas le "livre pour les vacances", que des élèves de CM2 auraient pu lire. La version de La Belle et la Bête, dont l'Education nationale a commandé puis annulé 800 000 exemplaires, n'est "pas adaptée" aux élèves de 10 ans "sans accompagnement pédagogique", a fait valoir jeudi 20 mars la ministre Elisabeth Borne. De son côté, le dessinateur Jul dénonce une "censure" et une "dérive délirante et très préoccupante".
Interrogée sur Europe 1, la ministre de l'Education nationale précise que l'auteur de bande dessinée "a beaucoup de talent, il manie l'ironie, le second degré. Mais sans accompagnement pédagogique, je pense que ça n'est pas adapté. Mais c'est un très beau livre qui pourra être utilisé dans un autre cadre". Avant de préciser : "C'est une réécriture moderne. On a un père de famille qui arrive d'Algérie, qui doit commettre des fraudes, qui se fait contrôler par les policiers. Peut-être que dans un cadre avec des professeurs, on peut expliquer ce second degré. Mais c'est un livre qui a vocation à être lu en vacances, avec sa famille", a poursuivi Elisabeth Borne. De son côté, Jul dénonce, sur franceinfo, une "décision politique" de "censure", pour des "prétextes fallacieux".
Selfies, "Etoile d'Alger" et Michel Sardou
franceinfo a pu avoir accès à l'un des exemplaires de ce classique de la littérature française illustrée par Jul, auteur reconnu, notamment, pour Silex and the City. En couverture sur fond jaune, on découvre l'illustration de la fameuse Bête, sorte de créature poilue noire aux yeux jaunes qui porte des bottines bleues, prend la pose, toutes dents dehors, pour un selfie avec le smartphone de Belle, jeune fille aux yeux et cheveux noirs, en baskets, qui fait un "V" avec ses doigts.
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On découvre ensuite la préface écrite dans un premier temps par Elisabeth Borne, après que le livre a été d'abord relu, corrigé et validé par le ministère de l'Education nationale. Rappelant la fameuse trame de l'histoire écrite par Jeanne-Marie Leprince de Beaumont en 1757, la ministre souligne : "Dans la vie, comme dans ce conte, les relations exigent souvent le courage de s'ouvrir à l'inconnu, d'aller au-devant de ce qui nous semble étranger. Car c'est dans cette rencontre que naissent la compréhension, la richesse et la force des liens humains. Lire La Belle et la Bête, c'est dialoguer avec le passé autant qu'avec l'autre, et apprendre à mieux saisir ce qui nous unit. Et parce qu'un conte se raconte aussi en images, ce livre offre un voyage visuel sublimé par le talent de Jul. Vous avez peut-être déjà été emporté par son imagination dans les aventures de Lucky Luke, ou charmé par son trait dans la série Silex and the City", écrit-elle, avant de souhaiter "une très belle lecture" aux jeunes lecteurs.
"Vous découvrirez dans cette version, dessinée pour vous, la touche malicieuse et le regard affûté de Jul, qui insufflent à ce conte une modernité nouvelle."
Elisabeth Bornedans la préface du livre
L'histoire débute : "Il y avait une fois un marchand, qui était extrêmement riche. Il avait six enfants, trois garçons et trois filles ; et comme ce marchand était un homme d'esprit, il n'épargna rien pour l'éducation de ses enfants, et leur donna toutes sortes de maîtres". On découvre alors en illustration une famille qui prend la pose autour d'une voiture décapotable rose, garée sous un palmier. Les deux grandes filles du marchand se maquillent, portent des vêtements de grandes marques parodiques ("Moche & Gabbana"), utilisent leurs smartphones, prennent la pose sur les réseaux sociaux... Quand Belle, elle, lit des livres ou joue du piano. Les personnages sont souvent dessinés avec des téléphones portables, alors que l'accès à ces réseaux sociaux est en principe interdit aux mineurs de moins de 13 ans.
Comme le veut l'histoire classique, le riche marchand, ruiné, doit trouver refuge à la campagne. Il reçoit finalement des marchandises, que Jul imagine venir par la mer via le bateau L'Etoile d'Alger.
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Les illustrations de La Belle et la Bête "abordent des thématiques qui conviendraient à des élèves plus âgés, en fin de collège ou en début de lycée, telles que l'alcool, les réseaux sociaux, ou encore des réalités sociales complexes", explique pour sa part la directrice générale de l'Enseignement scolaire, Caroline Pascal, dans une lettre datée de lundi Jul. "L'ouvrage finalisé", selon elle, ne permet "pas une lecture en autonomie, à domicile, en famille et sans l'accompagnement des professeurs pour des élèves âgés de 10 à 11 ans", et "pourrait susciter nombre de questions chez les élèves qui ne trouveraient pas nécessairement de réponse adaptée". Au fil des pages, le lecteur peut sourire en voyant les dessins de Jul, représentant le père de la Belle buvant "quelques coups de vin", bouteille à la main, en train de chanter Les Lacs du Connerama de Michel Sardou.
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Des princesses "frisées, à la peau un petit peu plus mate que les princesses de d'habitude"
"La seule chose qui, finalement, est un petit peu différente des autres contes féeriques pour enfants, souligne le dessinateur sur franceinfo, c'est qu'ici, les personnages ne sont pas des princesses blondes à longs cheveux. Elles sont singulièrement frisées, à la peau un petit peu plus mate, peut-être, que les princesses de d'habitude. Il leur arrive de porter des survêtements et d'être en baskets, et pas seulement des robes à crinolines quand elles sont dans leur château et qu'elles jouent du clavecin." Jul a dénoncé par ailleurs "les limites à ne pas franchir" de "l'administration versaillaise du ministère".
Ce livre ne sera donc pas distribué gratuitement aux élèves dans le cadre de l'opération "Un livre pour les vacances", qui vise à offrir aux élèves de CM2 un classique de la littérature avant l'entrée au collège, mais il sera bien édité, assure Elisabeth Borne : "C'est un très beau livre qui pourra être utilisé dans un autre cadre". À la place, "Les élèves pourront lire l'Odyssée. C'est une très belle histoire qui mérite d'être connue par tous nos élèves", a conclu la ministre.
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