"Le Buveur de brume" : Guillaume Gallienne dévoile son panthéon familial dans un récit irrésistible
Comédien inclassable, réalisateur et passeur de littérature hors pair, le sociétaire de la Comédie-Française nous emmène en virée sur les traces de ses racines géorgiennes le temps d'un premier livre qui paraît dans la collection Ma nuit au musée chez Stock.
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Cela faisait déjà un petit moment que Guillaume Gallienne tournait autour de l'idée de publier un roman. Mais entre le théâtre, le cinéma et la vie, peut-être le temps lui a-t-il manqué. Les éditions Stock et la formidable collection Ma nuit au musée viennent opportunément de lui faire franchir le pas avec Le Buveur de brume qui paraît le 7 mai. Un récit autobiographique d'une sincérité émouvante, hyper drôle et dans lequel il se raconte à travers les grandes figures féminines qui ont marqué sa vie.
C'est peu dire que l'entreprise avait mal commencé. Initialement, Guillaume Gallienne avait choisi de passer la nuit au Musée national de Tbilissi, sous le portrait de son arrière-grand-mère géorgienne, la princesse Mélita Cholokachvili, s'imaginant déambuler au milieu du faste des chefs-d'œuvre d'Ilya Répine, d'icônes ancestrales et du trésor de la Toison d'or, pour écrit-il mêler "l'histoire de ces tableaux à ma mythologie intime". Mais patatras ! Une fois arrivé sur place, le tableau de l'aïeule a été déplacé à la Galerie nationale, à quelques encablures du musée. Un endroit aseptisé, sans âme, gardé par trois vigiles mutiques, à mille lieues du décorum espéré. Un malentendu qui donne lieu à un pétage de plomb inaugural désopilant, laissant l'acteur et son lit de camp un peu déboussolés. Une colère noire qui, même si elle va vite retomber, constitue le premier fil d'une histoire qui va l'obliger à s'interroger sur son héritage familial. Toutes ces choses qu'on trimballe sur des générations, qu'on transmet parfois sans le vouloir et dont on se libère non sans mal.
Se libérer d'une colère
Ainsi cette colère qu'il porte en lui, le renvoyant instantanément à un père irascible, à la main leste et dont il a mis du temps à desserrer l'emprise. Jusqu'au jour où, à 23 ans, lors d'un voyage en famille chez les cousins géorgiens, il ose s'opposer frontalement à lui quand ce dernier lui reproche vertement d'arriver trop tard au dîner.
Séquence libératrice non dénuée d'un certain sens de la formule : "La paranoïa de mon père, son besoin de régenter, de diriger, que tout soit rentable, qu'on doive surtout ne jamais perdre son temps, mais merde ! Prends le ton temps au lieu de le perdre, bon sang ! Il a quitté la pièce de rage, cela ne m'a fait ni chaud ni froid. (...) C'était fini. Je n'étais plus cet enfant tyrannisé, humilié, en manque d'amour qui est obligé de s'échapper dans ses rêveries pour exister."
Toutes les femmes de sa vie
Mais il ne s'agit pas uniquement pour l'acteur de démêler ici la part d'ombre que tout un chacun porte en lui. Bien vite d'ailleurs, le récit roule sur les traces de toutes celles à qui il doit tant. Toutes les femmes de sa vie à qui ce livre rend en réalité un merveilleux hommage. À commencer par ses illustres grand-mères géorgiennes : Mélita (son arrière-grand-mère, celle du portrait accroché à la galerie nationale de Tbilissi) et surtout Caï, (Lydia Zelensky, sa grand-mère maternelle, personnage proustien en diable) auprès de qui il a grandi. Ces femmes ont clairement façonné l'artiste qu'il est devenu, insufflant avec une immense tendresse leur amour pour la lecture et les belles choses, une certaine singularité aristocratique dénuée de snobisme, un humour ravageur et surtout "cette façon de voir la vie comme une occasion de rendre ce qu'on a reçu. D'elle que j'ai cette ivresse de la mélancolie contre laquelle je lutte (..) en racontant des histoires sous toutes les formes possibles".
Bien sûr, impossible de ne pas mentionner les belles lignes qu'il consacre aussi à son épouse Amandine au contact de qui il s'est "enfin autorisé à s'aimer ". Comme celles qu'il dédie à sa mère. On rit avec lui quand il raconte que le jour de son mariage, il lui a dit pour la première fois qu'il l'aimait. "La pauvre, ça l'a tétanisée. Je m'en fichais, j'étais heureux, ça m'a fait rire."
Il n'oublie pas non plus les disparues, sa sœur et sa cousine adorée Alicia, morte à 20 ans et dont il a fait publier les poèmes en 2020 (L'autre moitié du songe m'appartient chez Gallimard), parce que leurs morts l'obligent. "Mes morts sont devenus mon devoir de mémoire et de transmission." Une notion absolument pertinente dans le parcours d'un gamin hypersensible et complexé, qui lui a peut-être permis de quitter sa chrysalide. Un processus particulièrement bien décrit dans ce récit d'initiation d'une grande loyauté. Pas étonnant qu'il l'ait dédié à son fils Tado.
"Le Buveur de brume" de Guillaume Gallienne, éditions Stock, 277 pages, 19,90 euros
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Extrait : "J'ai hérité de mon père son autorité et sa colère. Cette colère terrible qui peut m'envahir en quelques secondes et jaillir comme la lave d'un volcan en éruption. Autant ma mère râlait beaucoup dès qu'on la dérangeait, c'est-à-dire tout le temps, autant mon père, lui, hurlait. Ses colères étaient redoutables et, si on ne voulait pas devenir son défouloir, il ne fallait surtout pas rester dans son champ de vision. Telle une volée de moineaux, toute la maisonnée disparaissait. Il ne frappait jamais ma mère, mais nous souvent. La plupart du temps des coups de pied au cul, mais parfois des coups de ceinture. Il nous les donnait lorsque sa colère était plus contenue, plus froide. Ces jours-là, il nous appelait dans nos chambres et nous prévenait : 'Dans quinze minutes, vous allez recevoir des coups de ceinture.'" (page 31)
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