"De nos blessures un royaume" : Gaëlle Josse trace la voie d'une magnifique résilience après le choc d'un deuil amoureux
Dans son nouveau roman, l'écrivaine suit les pas d'une femme qui cherche à se relever après la mort de son compagnon. Un texte pudique et vibrant sur les étapes d'une renaissance.
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Comment se remet-on de la perte de la personne aimée ? Dans son dernier livre, De nos blessures un royaume, dont le titre résonne comme une prière, Gaëlle Josse explore ce moment si particulier du deuil quand il s'agit de trouver une porte de sortie avant que le chagrin n'engloutisse tout. Un livre solaire et plein d'espoir célébrant les ressources cachées au fond de soi. De nos blessures un royaume parait jeudi 9 janvier aux éditions Buchet-Chastel.
L'histoire : Agnès et Guillaume s'aimaient "d'un amour prodigieux" jusqu'au jour où la maladie emporte brutalement Guillaume. Au début, Agnès croit faire face, poursuivant les gestes du quotidien avec patience. Mais au bout d'un an, toujours abattue par la douleur, elle décide de partir en voyage. "J'ai quelque chose à faire maintenant, et je dois le faire seule", se dit-elle. Un périple lent, en car, qui va la conduire de Nice à Zagreb, emportant avec elle le livre de chevet de Guillaume. Un ouvrage comme un fétiche qu'elle emporte pour le déposer dans l'insolite Musée des relations rompues de Zagreb, espérant ainsi se délivrer de son désespoir.
Quand elle était venue présenter Ce matin-là, un de ses précédents romans, sur le plateau de "La grande librairie" en 2021, un livre qui racontait l'histoire d'une femme en dépression après un burn-out, Gaëlle Josse a eu cette phrase très révélatrice de ses obsessions, dénominateur commun de son œuvre : "Je suis hantée par cette idée de la chute. Tout va bien et un jour plus rien. Et qu'est-ce qu'on fait après ? (..) Chacun est sa propre solution."
Redonner un élan à sa vie
À travers l'histoire d'Agnès qui ne parvient pas à se remettre de la mort de son compagnon, Gaëlle Josse s'intéresse aux jours d'après la catastrophe, aux solutions qu'il va bien falloir trouver pour continuer. Quand la peine commence à s'installer insidieusement, finissant par plomber durablement les corps et les âmes de ceux qui restent, comment redonner un élan à sa vie ? De quelle dette faut-il s'acquitter envers l'absent avant de s'autoriser à continuer sans lui ?
Ce sont toutes ces questions que la romancière traite avec une infinie pudeur dans ce court récit aux allures de roadtrip libérateur où chaque étape comporte son lot de surprises, "avec des moments pour revoir des choses aimées, des moments pour me souvenir, des moments pour découvrir ce qui n'a pu l'être encore, un voyage comme une promesse à notre histoire." Un périple qui démontre avec beaucoup de délicatesse l'importance des rites et de la symbolique en amour, comme lorsqu'elle retourne sur des lieux arpentés à deux dans les villes italiennes traversées. Agnès apprend à décrypter les signes rencontrés sur son chemin, comme autant d'éléments qui vont accompagner l'inévitable acceptation des choses. À Milan, devant La Corbeille de fruits du Caravage, l'évidence de la fugacité du bonheur lui apparaît à travers le petit trou d'insecte presque invisible sur une figue ouverte, "le peintre a saisi ce moment où le cours des choses bascule, s'inverse, il l'a figé pour l'éternité. (...) Je me demande si on sent ainsi les choses, pour soi. La pleine possession de la vie, et la courbe déclinante. Je pense à Guillaume, à son appétit, à sa joie, à sa curiosité, et puis plus rien".
Nostalgie d'une passion fusionnelle
Dans le palais ducal de Mantoue, elle accomplit pour deux la visite de la Chambre des époux aux murs peints par Mantegna, ultime promesse tenue. "Nous sommes ensemble dans la Chambre des époux, et ce rêve-ci, je viens de le réaliser pour nous deux. Le voyage peut continuer." Mais elle décrit aussi d'une plume sans fioritures les moments d'effondrements intérieurs, le découragement et le corps qui cède, contrepoint lucide sur le nécessaire travail du temps. Pourtant, son récit ne sombre jamais dans la noirceur. Affleurent seulement par bribes le manque de l'amoureux perdu et la nostalgie d'une passion fusionnelle. Pensées éparpillées tout au long des chapitres, comme une ultime lettre d'amour avant la dernière station du voyage à Zagreb, pour "que jamais ne ralentissent mes battements de cœur quand je penserai à toi."
"De nos blessures un royaume" de Gaëlle Josse aux éditions Buchet-Chastel, 176 pages.
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Extrait : "C'est d'un voyage lent dont j'ai envie, un peu incertain, indécis, avec des détours et des étapes, des hésitations, des repentirs, des visages, des rencontres ou des possibilités de rencontres. Pas un voyage de touriste, même si je vais faire comme tout le monde en fin de compte, mais je me rêve plutôt voyageuse, avec des moments pour revoir des choses aimées, des moments pour me souvenir, des moments pour découvrir ce qui n'a pu l'être encore, un voyage comme une promesse à notre histoire. Un an maintenant, et je ne m'en sors pas." (page 19)
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