Emmanuel Todd soulève une vive polémique avec "Qui est Charlie ?"
Quatre mois après les attentats de Paris, un intellectuel de gauche, Emmanuel Todd, suscite une vive polémique en qualifiant "d'imposture" les manifestations géantes du 11 janvier pour défendre le droit à la liberté d'expression, qu'il juge "xénophobes".
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Manifestations du 11 janvier "xénophobes" selon Todd
Dans un ouvrage intitulé "Qui est Charlie?" (Seuil, 243 pages), l'historien anthropologue affirme que la majorité des 4 millions de personnes qui ont défilé à Paris et dans toute la France après les attentats contre Charlie Hebdo et une épicerie casher, manifestaient en réalité pour des raisons "égoïstes" et "xénophobes", contre l'islam. "C'est le droit de caricaturer le personnage central d'une religion de dominés (...) qui était défendu et en ce sens, cette manifestation était xénophobe", a-t-il redit sur France Inter lundi. "La diabolisation de l'islam répond au besoin intrinsèque d'une société totalement déchristiannisée" qui se réfugie dans un "laïcisme radical", a-t-il lancé.
La charge, à contre-courant et qui vise aussi le PS, a fait l'effet d'un coup de massue, tant cette journée de manifestations autour du slogan "je suis Charlie, juif, musulman, et policier" avait été vécue par nombre d'acteurs comme un moment important de rassemblement national face à la menace terroriste, malgré l'absence de jeunes de banlieue et du Front national. L'auteur, qui est aussi démographe et travaille à partir de données cartographiques depuis une trentaine d'années, insiste sur la surreprésentation des cadres et professions intellectuelles supérieures dans les manifestations, l'absence d'ouvriers, et surtout "l'imprégnation catholique" des provinces qui ont le plus manifesté.
L'ouvrage, sous-titré "autopsie d'une crise religieuse", ravive le souvenir des grandes blessures sociétales de la France des 30 dernières années, autour des manifestations contre le mariage homosexuel en 2013 ou pour la défense de l'école privée en 1984, menées par les catholiques.
Riposte de Charlie : le rire
Hasard du calendrier, cette polémique fait écho aux critiques proférées au même moment par quelque 150 romanciers essentiellement anglo-saxons, dont l'Australien Peter Carey ou le Canadien Michael Ondaatje. Ils ont boycotté ce week-end le gala de remise du prix PEN de la liberté d'expression à Charlie Hebdo en critiquant les choix éditoriaux du journal qui, selon eux, a dénoncé trop souvent l'islam.
Les principaux intéressés, les journalistes et caricaturistes de Charlie Hebdo, réagissent en démolissant les arguments de Todd aussi bien que ceux des opposants au Pen club, tout en prenant le parti d'en rire, dans une double page du numéro à paraître mercredi matin. "Evidemment, il a le droit de caricaturer Charlie. Ce qu'il dit n'est d'ailleurs pas scandaleux. C'est tout simplement faux", dit Guillaume Erner, critiquant la "méthode" utilisée par l'historien, et son parti pris de prendre les 4 millions de manifestants pour des "crétins"."La méthode de Todd ne révèle pas l'inconscient de la société française, mais le sien" ajoute M. Erner, dont l'article est entouré de caricatures peu amènes pour Todd.
Parmi les autres critiques, le quotidien Libération a qualifié le livre de Todd de "blasphème contre le 11 janvier". Pour son directeur de la rédaction Laurent Joffrin, "en désaccord" avec l'essentiel du livre d'Emmanuel Todd, les manifestations étaient au contraire "fraternelles". "Tout le monde était d'accord pour dire qu'on a le droit de ne pas être d'accord".
A la une de @libe lundi : Blasphème contre le 11 janvier http://t.co/k9iYH9sdb9 pic.twitter.com/uT5ROjDN0Z
— Libération (@libe) May 3, 2015
Le démographe François Héran, ancien directeur de l'Institut national d'études démographiques (Ined), réfute lui aussi le "déterminisme sociologique" de l'historien. M. Todd "a finalement oublié que la France avait d'abord réagi à l'horreur du massacre de 17 personnes sans défense, tuées pour leurs idées, leurs fonctions, leur religion", a-t-il écrit dans une tribune.Jusqu'à Salman Rushdie qui s'est indirectement joint au débat en répondant sur un tweet récent aux auteurs du Pen qui refusent d'accorder un prix à Charlie Hebdo: "Le pire n'est pas que nos amis français aient perdu des amis et des artistes talentueux, le pire est que des idiots ne réalisent pas qu'ils ont toujours combattu contre le racisme".
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