Dracula s’invite au Salon du livre : le vampire littéraire
Invitée du Salon du livre du 22 au 25 mars, la Roumanie ne pouvait ignorer Dracula, figure emblématique du pays, même si le roman éponyme n'est pas roumain, mais irlandais. Son auteur, Bram Stoker, a découvert ce patronyme mythique dans l'Histoire. Une conférence y est consacrée dimanche 24, "Dracula entre mythe et réalité". Avec en sus, ici, les extraits des principales adaptations au cinéma.
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Le mythe du vampire remonte à la plus haute antiquité. Qu’on l’appelle lamie (ou lamia), stryge ou faste, ces créatures, féminines, hybrides (moitié femme, moitié oiseau, ou serpent) enlèvent et se repaissent des enfants en bas-âge, de leur sang. Les empuses, elles, séduisent les hommes pour en tirer leur substance vitale. Ces démons préfigurent les succubes du judaïsme chrétien, avec leur pendent masculin, l’incube. Leurs avatars auront bien d’autres noms : strigoï (dérivé roumain de stryge), vercolacs, moroïs, nosferats, et bien d’autres, avant de se fixer en vampire autour des années 1730.
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En 1745, le bénédictin Dom Augustin Calmet publie ce qui demeure la bible de tout chasseur de vampire : « Traité sur les apparitions des esprits et sur les vampires et les revenants de Hongrie, de Moldavie, etc… », puis en 1751 « Dissertation sur les vampires ». Tout atteste alors de l’existence des « grands nocturnes ». Gestation du vampire littéraire
Les témoignages balkaniques, biens réels, vont s’exporter en suscitant une fascination croissante dans toute l’Europe. Ils pourraient bien avoir participé à l’origine de ce qui va devenir le Roman gothique, à partir du texte inaugural d’Horace Walpole, « Le Château d’Otrante », en 1764. Une véritable hystérie surnaturelle embrase cette seconde partie du XVIIIe siècle, notamment sous l’impulsion de la lanterne magique et des fantasmagories de Robertson qui donnent l’illusion d’invoquer des revenants sur scène devant un public avide.
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Abraham (Bram) Stoker naît le 8 novembre 1847 à Cloncarf, près de Dublin, alors que l’Irlande est victime de la pire famine que le pays n’a jamais connue. Il restera un enfant chétif jusqu’à l’âge de 13 ans, et alité jusqu’à 8, période au cours de laquelle sa mère, féministe d’avant-garde, lui lit des contes et légendes irlandaises qui le marqueront à jamais, et participeront sans doute à sa vocation littéraire.
Guéri, Bram devient un athlète renommé dans le très coté Trinity Collège, lui valant d’être surnommé le « géant roux ». Une régénérescence toute… vampirique. Il fréquente l’établissement au côté d’Oscar Wilde, avec lequel il se rend dans les salons de la ville. Il y rencontrera sa future épouse, la très courtisée Florence Balcombe, réputée pour être une des plus belles femmes de son temps, alors éprise de Wilde, mais qu’elle délaissera au profit de Bram. Le trio n’en restera pas moins très lié jusqu’à l’exil et la mort de l’auteur du « Portrait de Dorian Gray ».
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Bête de travail, Bram est devenu « la chose » d’Irving envers lequel il voue une serviabilité sans faille. Parallèlement, il recréé une vieille institution du XVIIIe siècle tombée en désuétude, le « Beefsteak Club », et écrit de nombreux ouvrages, recueils de contes et de nouvelles, plusieurs essais et treize romans fantastiques et d’aventures, dont « Dracula » publié en 1897. Stoker fait partie de la « gentry », la plus haute société anglaise, ses amis ont pour nom Oscar Wilde, les peintres préraphaélites Dante Gabriel Rossetti et Edward Burne Jones, dont il est le voisin. Il sauvera même de la noyade un homme tombé dans la Tamise ! Ce qui lui vaudra d'être promu héros du jour dans la presse. Bram Stoker s’éteint le 20 avril 1912 - d’après certaines sources des suites de la syphilis -, laissant derrière lui sa veuve Florence et un fils unique, Noël. Les sources de Dracula
Hormis toutes ses activités, Bram Stoker aurait été membre de la société ésotérique « Golden Dawn in the outer », créé en 1888 par William Winn Wescott, puis prise par un quasi coup d’Etat, sous la férule d’Alesteir Crowley, étrange mage qui inspirera bien plus tard « Sympathie for the Devil » aux Rolling Stones. L’appartenance de Stoker à la « Golden Dawn » n’est pas avérée, mais reste probable, aux côtés d’écrivains tels qu’Algernon Blackwood ou William W. Yeats.
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Bram Stoker mettra sept ans à écrire son roman. Son titre de travail est « L’Homme de la nuit ». Insatisfaisant. C’est en 1890, alors qu’il commence ses recherches sur les vampires, que Stoker assiste à une conférence à Londres, donnée par un auguste professeur de langues orientales, en provenance de Budapest, Arminius Vambery. Se liant d’amitié avec le savant, également spécialiste du folklore d’Europe de l’est, celui-ci le nourri de renseignements précieux que l’on retrouve dans les attributs prêtés à Dracula : vie nocturne, allergie à la lumière, métamorphose en chauve-souris, en loup, en brouillard, sourcils rapprochés, canines pointus, teint blafard, pouvoir sur les éléments et les loups - ses alliés -, fuite devant la sainte croix et l’ail, plus exactement les fleurs d’ail, qui servaient dès l’antiquité à calmer les fous…
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Tepes fera preuve d’un courage héroïque face aux Turcs, au cours de nombreuses batailles qui égrainent l’histoire complexe de la région, où les traités d’alliance, avec la Hongrie et les Ottomans, succèdent à des trahisons de tous bords à répétition. Jusqu’à la bataille décisive de 1462, ou Vlad l’emporte malgré la désaffection d’une aide promise par la Hongrie. C’est à cet épisode que se réfère Stoker dans son roman pour définir la haute lignée de son comte vampire, lors d’un échange avec son invité qui va lancer toute l’intrigue, Jonathan Harker.
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La réputation sanguinaire du voïvode, ses origines aristocratiques, la consonance phonétique envoûtante des trois syllabes de son patronyme, « Dra » « Cu » « La », gravent définitivement dans le granite le patronyme du comte vampire et le titre du roman. La réception de « Dracula »
Publié en 1897 dans la célèbre collection jaune (« Yellow Book ») à Londres, « Dracula » passe pratiquement inaperçu, ou au mieux s’attire les foudres de la critique pour son caractère licencieux. Mais également pour se réclamer d’un genre passé de mode, le roman gothique, dont il s’avère le dernier avatar. Mais quel avatar !
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Orson Welles le considérait comme le "plus grand roman du XXe siècle" (publié en 1897) et sa première adaptation radiophonique, avec son célèbre Mercury Theatre on the Air, fut un remarquable "Dracula", avant "L'Ile au trésor", "La Guerre des mondes", "Jane Eyre"...
Son romantisme noir, sa sexualité débordante, son sadisme constant, sa lecture du bien et du mal, son décryptage de la société victorienne, à travers des héros falots, comparés à la toute puissance fascinatoire du comte - très discret dans le roman, mais omniprésent -, sont parmi d’autres, les ingrédients d’une grande œuvre littéraire. « Dracula » est un roman de la sexualité frustré révélée par une créature libertaire, désignée comme le mal absolu, mais oh ! combien libératrice, contrée par une fédération de conservateurs (les chasseurs de vampires), sous la gouverne d’un chef aux méthodes cruelles et ambiguës, en Abraham Van Helsing.
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