Licenciements massifs dans le jeu vidéo : pourquoi le secteur vit une "crise" inédite "depuis au moins une trentaine d'années"
Le secteur, qui pèse davantage que ceux du cinéma et de la musique réunis, traverse une crise inédite. Les licenciements s'enchaînent depuis plus d'un an dans plusieurs pays, malgré une croissance stable du marché mondial en 2023.
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Plus de 11 000 employés du secteur des jeux vidéo ont été licenciés dans le monde depuis le début de l'année, selon le site spécialisé Game Industry Layoffs. Un chiffre qui ne cesse d'augmenter depuis l'an dernier. Le secteur, qui pesait 168 milliards d’euros à l’échelle internationale en 2023 selon le cabinet spécialisé Newzoo, subit un ralentissement du marché après le boom lié aux confinements pendant la pandémie de Covid.
"C'est inédit, observe Héloïse Linossier, journaliste spécialiste des jeux vidéo et cofondatrice du média Origami. C'est une crise que n'avait pas connue le jeu vidéo depuis au moins une trentaine d'années." Le secteur affiche pourtant une croissance mondiale assez stable de 0,6% en 2023.
La fin de la parenthèse dorée du Covid
"Ce n'est pas pour rien que cela apparaît quelques années après le Covid, dans le sens où la crise sanitaire a été une période très faste pour le jeu vidéo, puisqu'on était tous enfermés chez nous. Les studios se sont vraiment enrichis, et il y a eu énormément d'investissements, raconte-t-elle. Il y a énormément de jeux qui sortent, et donc une compétition assez folle, même chez les plus petits jeux." Mais l'embellie est de courte durée, avec à la clé une surproduction. Le temps moyen passé par un utilisateur devant son écran avait bondi de 12 à 16 heures par semaine pendant le Covid, avant de retomber à 13 heures dès 2022.
Un secteur de plus en plus concentré
"Il y a aussi eu une concentration des entreprises du secteur, avec beaucoup d'acquisitions ces dernières années." Fin 2023, Microsoft a racheté le développeur et éditeur Activision Blizzard King pour plus de 63 milliards d’euros, donnant naissance au numéro 3 mondial du jeu vidéo. Mais dès janvier, le nouveau mastodonte a supprimé 1 900 emplois. Une vague de licenciements parmi beaucoup d'autres les mois suivants dans le secteur. Un groupe est d'ailleurs emblématique de la crise actuelle : Embracer. Surnommée "l'ogre du jeu vidéo" en raison de ses multiples acquisitions, l'entreprise suédoise finit par cumuler les difficultés financières. Résultat : "4 500 licenciements, 44 studios fermés et plusieurs dizaines de projets en développement annulés. C'est assez colossal".
La crise du secteur s'étend sur une large partie du globe. "Les quatre zones les plus touchées sont les États-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne et la Pologne, un pays où il y a de nombreuses productions", rappelle la journaliste spécialisée. La France est également concernée, mais "le licenciement n'est pas aussi aisé à mener qu'au Canada par exemple, car on a un Code du travail qui protège pour le moment un peu mieux les salariés".
Des investissements hasardeux
Par ailleurs, les GAFAM, ces géants du numérique comme Amazon ou Facebook, n'ont pas toujours fait les bons choix d'investissements. "Ce sont des personnes qui sont arrivées avec une grille de lecture qui ne correspond pas à celle du jeu vidéo en termes de réussite, estime Héloïse Linossier. Google a massivement investi dans le jeu vidéo et a même créé sa plateforme de cloud gaming, qui s'appelait Stadia. Mais ça n'existe plus, ça n'a pas fonctionné." Des studios rachetés par Google ont été fermés dans la foulée. Or dans le jeu vidéo, "il faut être patient, tout n'est pas immédiatement rentable." Amazon a racheté Twitch, la plateforme de streaming, qui n'est toujours pas rentable.
Certains studios se sont lancés dans d'autres investissements hasardeux, comme l'intégration dans leurs jeux des cryptomonnaies et des NFT, ces objets numériques convoités pour leur rareté, et donc leur valeur. C'était notamment le cas du géant français Ubisoft avec Quartz, son propre système d'achat de NFT, qui permettait de personnaliser son expérience de jeu. "Cela a été très mal reçu par les joueuses et les joueurs et aussi par une bonne partie des développeurs qui n'étaient pas du tout OK avec ce système, ajoute Héloïse Linossier. On ne joue pas pour gagner de l'argent et on sait très bien qui va gagner de l'argent là-dedans. Et ce n’est pas vraiment les joueurs."
Le coût des jeux en question
Cette crise pourrait être l'occasion de revoir certains codes de l'industrie, notamment le coût des jeux. Le budget de la dernière version de Spider-Man sur PlayStation s'est par exemple élevé à 300 millions de dollars, soit trois fois plus que sa première version, sortie en 2018. "Pourquoi on continue à faire des jeux vidéo de plus en plus longs, chers et sophistiqués ?, s'interroge-t-elle. C'est une prise de risque énorme quand on passe six ans à développer un jeu qui va durer des centaines d'heures. Pourquoi on ne réduirait pas la voilure ? Certains joueurs risquent de râler, mais ce serait vraiment un système de production beaucoup plus sain."
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