: Entretien "George Lucas va passer à deux doigts de tout perdre" : Laurent Hopman et Renaud Roche, créateurs des "Guerres de Lucas", sortent le tome 2
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Deux ans après un premier chapitre unanimement salué et vainqueur du 30e "Prix franceinfo de la BD", le deuxième tome, consacré cette fois aux coulisses de la réalisation de "L'Empire contre-attaque", est arrivé en librairie
Laurent Hopman et Renaud Roche sont un peu chez eux à franceinfo, puisqu'ils y ont reçu en janvier 2024 le 30e "Prix franceinfo de la bande dessinée d'actualité et de reportage" pour leur livre vendu à près de 90 000 exemplaires en France et traduit en une vingtaine de langues. Et c'est avec un plaisir réciproque qu'ils sont venus naturellement nous parler du deuxième chapitre des Guerres de Lucas, consacré à George Lucas, l'artiste génial derrière la saga Star Wars. Un deuxième tome, après Un nouvel espoir, logiquement consacré à l'épisode 5, deuxième à être sorti sur les écrans en 1980, L'Empire contre-attaque.
Franceinfo : Aviez prévu dès le départ de faire plusieurs tomes ?
Laurent Hopman : Le projet a été conçu dès le départ comme une trilogie, donc ce tome 2 sort dans la suite du premier et la trilogie se conclura avec le tome 3 qui sortira en octobre 2027. Si le premier avait été un échec, ça aurait mis un terme au projet de trilogie. Mais sinon, tout a été pensé à l'avance et l'idée c'était de raconter cette histoire, cet arc de George Lucas, jeune cinéaste qui se lance dans ce projet pharaonesque et cette aventure se conclut avec la sortie du Retour du Jedi en 1983. Donc vraiment, il se passe des choses dans sa vie privée, il y a une évolution du personnage qui est intéressante et qui se conclut en 1983.
Parfois, quand des auteurs modernes se saisissent d'un moment d'histoire, ils vont devoir faire beaucoup de recherches pour trouver des choses et nourrir leur narration. C'est l'inverse pour vous ? Avez-vous dû finalement trier les nombreuses anecdotes et sous-histoires qu'il y avait dans la conception des films de George Lucas ?
Oui, absolument. La documentation est immense et donc il peut y avoir cette envie de tout mettre, de rien laisser de côté. Il y a un énorme tri qui est nécessaire et toutes les anecdotes doivent servir la narration et ce qu'on veut dire de l'histoire et des personnages. Et ce que j'aime particulièrement, ce sont les petites anecdotes du quotidien, les choses de la vie de tous les jours qui définissent les personnages, qui permettent aux lecteurs de s'identifier à eux parce que ça parle à tout le monde de voir comment quelqu'un va exprimer son stress, quelles sont les choses qu'il va faire au quotidien qui vont être la manifestation de cette angoisse. Donc ce sont ces choses-là que je cherchais en premier lieu parce qu'évidemment, la grande histoire est connue et donc ce n'était pas la peine de rentrer dans tous les détails techniques, par exemple, de la réalisation d'un film.
Et contrairement à ce qu'on pourrait croire vu le carton du premier film, la production du deuxième va être tout aussi chaotique, voire pire ?
On imagine que Lucas - qui est arrivé au sommet d'Hollywood - a le pouvoir et l'argent, donc on n'imagine pas trop où est-ce que ça peut coincer. Mais c'est justement de là que tout va partir, c'est qu'il veut l'indépendance totale et il va se servir de ce pouvoir et de cet argent pour financer lui-même son film. Là, il prend un gros risque et ça va s'avérer très, très, très dangereux, il va passer à deux doigts de tout perdre. Mais c'est intéressant de le montrer, encore une fois, à travers ses yeux dans la perspective d'un homme seul face à un système qui a misé tout ce qu'il avait et comment ça va se traduire sur le terrain. Et sur le terrain, c'est gérer une équipe de centaines de personnes avec toutes les difficultés imaginables, les intempéries, les accidents, les décès aussi. Parce qu'il est malheureusement touché par deux décès très près de lui. Donc il y a une série de catastrophes inimaginables qui ont rendu ce tournage chaotique et catastrophique.
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Renaud, quand on fait une BD qui raconte elle-même un processus de création et ses nombreuses difficultés, y a-t-il un mimétisme ou un effet "méta" qui fait qu'on se demande si on va y arriver, même si les enjeux ou les sommes engagées sont moindres pour vous que pour Lucas ?
Renaud Roche : Il y a moins de risques quand même et il y a moins d'enjeux. Heureusement, ce ne sont pas des millions de dollars, même s'il faudrait peut-être que j'en rediscute avec la maison d'édition pour la prochaine. En fait, blague à part, c'est vrai que c'est très méta et ça a été une expérience partout sur ce second tome. Très méta pour moi sur le plan artistique et professionnel. Sur le plan artistique d'une part parce que, toutes proportions gardées, on se retrouve un petit peu dans la même situation : comment donner une suite à un succès à la fois critique, public, d'essayer d'être non seulement à la hauteur, voire de se surpasser. Ça, c'est le défi que je me suis imposé à titre personnel sur mon dessin, sur ma création. Et puis, sur le plan plus intime, c'est vrai que ce travail est très absorbant, très intense. On a eu un peu moins de temps que sur le premier tome, donc c’étaient des périodes assez stressantes et ça a pu un petit peu aussi déteindre ma vie personnelle, ma vie de couple. Et il faut savoir aussi gérer ces moments-là pour pouvoir tout préserver et ne pas se retrouver dans une situation ensuite tragique comme Lucas a pu lui l'expérimenter plus tard. Donc c'est vrai que parfois je prenais un peu de recul sur tout ça. Je trouvais qu'il y avait un parallèle parfois qui était assez troublant.
On sent que vous êtes passionnés, on sent que vous avez la passion des geeks, je dis ça de manière non péjorative, mais que vous dites les choses assez franchement. On sait par exemple que la Prélogie (les trois films sortis dans les années 2000, NDLR) s'est faite "tailler" par de nombreux fans à l'époque, sans même parler des trois plus récents. Tout ça, vous allez le faire apparaître évidemment, vous n'êtes pas dans un truc béatement admiratif ?
Laurent Hopman : Non, ça n'aurait aucune valeur si on était dans le "fan service" et qu'on montrait Lucas comme un dieu vivant sans travers et qu'on occultait certains aspects plus délicats de l'histoire. C'est important d'être franc et d'aborder toutes les questions, notamment les questions de contrat, les difficultés avec le studio, des choses comme ça. C'est ça qui fait le sel de l'histoire et il ne faut pas reculer devant cet obstacle, il faut y aller direct et donc faire abstraction totale des gens qui vont lire le livre ensuite.
Renaud Roche : Il faut vraiment comprendre qu'il n'y a pas d'agenda derrière ce qu'on essaie de raconter. On essaie d'être justes, d'être fidèles aux événements. Donc il n'y a pas de volonté ni d'écorner, ni de réhabiliter la figure. C'est un être humain comme nous tous avec ses défauts, ses qualités. On pense - ça c'est une opinion personnelle - que ses qualités ont été très fructueuses. Elles vont surpasser sans doute ses défauts, vu ce qu'il a apporté à l'histoire du cinéma et à la culture en général. Donc c'est aussi pour ça que le bouquin est centré autour de lui. Mais ce n'est pas que lui, même si bien sûr c'est le protagoniste central, c'est aussi une façon de montrer toute cette galerie de personnages qui ont extrêmement contribué à tout ça, de rappeler aux lecteurs que le cinéma est avant tout une œuvre collective. Et que c'est vrai que s'il n'avait pas été aussi entouré par tous ses alliés, il aurait sans doute explosé en vol.
Avez-vous eu besoin d'une autorisation de la part de l'entourage de George Lucas ou de Disney pour faire ces BD, et George Lucas a-t-il eu vos livres en main ?
Laurent Hopman : On n'a pas eu de feu vert de Lucasfilm, de Disney ou de George Lucas avant de se lancer dans ce projet et c'était essentiel parce que justement, on voulait faire quelque chose d'une manière indépendante, pouvoir parler librement de tout ça et raconter notre vision de cette histoire. Donc heureusement, il n'a pas été nécessaire d'obtenir leur aval. Mais par la suite, il se trouve qu'effectivement, on a eu la chance d'avoir quelques contacts avec tous ces gens-là.
Renaud Roche : Pour le deuxième, on ne sait pas encore, mais le premier est arrivé jusqu'à lui par l'intermédiaire de l'artiste photographe JR qui, de sa propre initiative, le lui a apporté et nous a contactés ensuite pour pouvoir nous faire part de cette incroyable nouvelle. Ça a été très touchant de pouvoir échanger brièvement, de comprendre qu'il avait été très agréablement surpris et, je pense, touché par la démarche et qu'il était très, très curieux de pouvoir lire en détail. Depuis, on lui a fourni une version traduite en anglais et on attend toujours un retour un peu plus détaillé. C'est peut-être quelque chose qui n'arrivera jamais parce que ça reste délicat, je pense. Il s'agit de sa vie, je pense que ça doit être assez troublant pour lui parfois. Il y a des choses, forcément, sur lesquelles il a un souvenir différent, parfois il n'est peut-être pas d'accord avec certaines choses. Mais à titre personnel, j'aimerais quand même un jour savoir ne serait-ce que sa page préférée, quelles sont les cases qui l'ont un peu plus touché, des choses comme ça. En tant qu'artiste, ça me plairait vraiment de le savoir, donc on verra.
Les Guerres de Lucas, épisode 2 (Deman éditions), en librairie.
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