"La Jeune femme à l'aiguille" : mise en scène sublime pour un conte sombre au sortir de la Grande Guerre

En compétition au Festival de Cannes en 2024, "La Jeune femme à l'aiguille" avait bouleversé nombre de festivaliers pour la force de son sujet et la grande beauté de sa mise en scène, mais était reparti bredouille.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Victoria Carmen Sonne dans "La Jeune fille à l'aiguille" de Magnus von Horn (2024). (LUKASZ BAK)
Victoria Carmen Sonne dans "La Jeune fille à l'aiguille" de Magnus von Horn (2024). (LUKASZ BAK)

Film au format 4/3 (dit "carré") en noir et blanc, cette ascèse sert une œuvre située au lendemain de la Première Guerre mondiale, qui aborde les rapports de classes, l'avortement, et les "gueules cassées", ces blessés défigurés, dans un Copenhague désenchanté.

Comme dans ses deux films précédents, La Jeune femme à l'aiguille, dans les salles mercredi 9 avril, se consacre à un personnage en marge, ou mal intégré dans la société. C'était un ado criminel de retour de prison, rejeté par sa communauté dans Le Lendemain (2014), et une influenceuse adulée sur Internet, mais en mal de solitude, voire persécutée, dans la vie réelle dans Sweat (2020).

La Jeune femme à l'aiguille est, elle, une mère adultère qui retrouve un mari défiguré, blessé sur le front.

En 1918, à Copenhague, Karoline, ouvrière couturière, a une liaison avec son patron, croyant son mari mort au combat. Adultérine enceinte, elle rate son avortement et rencontre Dagmar, une femme de caractère qui, en toute clandestinité, place des enfants abandonnés dans des familles. Devenant très proches, Karoline devient nurse à ses côtés quand son mari est de retour du front dans son foyer.

Cru et dérangeant

Situé au sortir de la Grande Guerre, La Jeune Femme à l'aiguille adopte une esthétique tout en référence aux débuts du cinéma. Il cite par exemple La Sortie des usines Lumière (1895), et, considérant son film comme "un conte pour adulte", il se réfère à Alice au Pays des merveilles lors d'un repas. Si c'est un conte, le film est des plus sombres, son héroïne traversant bien des épreuves, mais il ne tombe pas pour autant dans le misérabilisme.

Les Cassandre lui reprocheront ses images somptueuses pour raconter une histoire sociale, sociétale et tragique. Si Magnus von Horn lance La Jeune femme à l'aiguille comme un mélodrame, il s'en démarque en filmant des actes crus et dérangeants, en toute modernité. Cette esthétique du malaise sous des atours séduisants participe de la réussite d'un film fascinant, interprété par une remarquable comédienne, Trine Dyrholm (Festen).

L'affiche de "La Jeune femme à l'aiguille" de Magnus von Horn (2025). (BAC FILMS)
L'affiche de "La Jeune femme à l'aiguille" de Magnus von Horn (2025). (BAC FILMS)

La fiche

Genre : Drame historique
Réalisateur : Magnus von Horn
Acteurs : Trine Dyrholm, Victoria Carmen Sonne, Besir Zeciri
Pays : Danemark/Pologne/Suède
Durée : 1h55
Sortie : 9 avril 2025
Distributeur : Bac Films
Synopsis : Copenhague, 1918. Karoline, une jeune ouvrière, lutte pour survivre. Alors qu'elle tombe enceinte, elle rencontre Dagmar, une femme charismatique qui dirige une agence d'adoption clandestine. Un lien fort se crée entre les deux femmes et Karoline accepte un rôle de nourrice à ses côtés.

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