"La Cache" : une dernière fois à l'écran, Michel Blanc bouleversant de délicatesse dans l'adaptation du roman de Christophe Boltanski

Lionel Baier donne son ultime rôle au cinéma à Michel Blanc, disparu le 4 octobre 2024 à l'âge de 72 ans. Adapté du roman éponyme autobiographique de Christophe Boltanski, prix Femina 2015, La Cache sort dans les salles mercredi 19 mars.

Mai 68. Christophe, 9 ans, file des jours heureux dans l'appartement familial rue de Grenelle à Paris, pendant que ses parents battent le pavé. Dehors, l'heure est à la révolution. Dedans, Christophe vit avec bonheur sa vie de petit garçon dans ce monde loufoque et plein d'amour, avec ses grands-parents, son arrière-grand-mère, et ses oncles, le petit, un artiste en pleine maturation, et le grand, qui jongle tel un Dieu avec les mots.

Les expéditions hors de cet antre douillet se font pour Christophe à l'avant de l'Ami 8 rouge pétard de sa grand-mère, une tornade que sa jambe folle n'arrête jamais. La voiture se transforme en studio d'enregistrement quand "Mère-grand" décide d'interviewer les travailleurs à la sortie des usines, ou en bureau de communication quand il s'agit de convaincre un potentiel acheteur des œuvres de "Petit oncle".

Dans les murs

Comme le livre, l'adaptation au cinéma de Lionel Baier raconte l'histoire de cette famille juive originaire d'Odessa à travers la géographie de leur appartement parisien, dans lequel on entre comme dans un monde à part, à l'abri de la fureur du "dehors". Il faut dire que cette famille, qui se vit "comme un seul corps", a une histoire pleine de secrets, que les murs de l'appartement de la rue de Grenelle connaissent bien.

Cette famille bohème vit au présent, dans la joie, la légèreté, comme si tout, à nouveau, pouvait s'arrêter net. Ainsi, le film évoque avec pudeur le judaïsme et les traumatismes de la guerre, les non-dits et la douleur persistante.

Alors que la révolution de Mai 68 bat son plein dans les rues de Paris, le petit Christophe découvre peu à peu ce que cache cet appartement familial, qui révélera aussi son secret à l'occasion de la visite impromptue du général de Gaulle.

Dans une mise en scène stylisée, avec un travail sur la couleur, les décors, la musique, le rythme, et des dialogues enlevés, Lionel Baier façonne son film comme une bande dessinée, y distillant aussi quelque chose de l'atmosphère de Mai 68, avec ses punchlines et ses airs de Nouvelle Vague.

En voix off, le réalisateur s'adresse directement au spectateur, faisant ainsi un lien très incarné entre le livre de Christophe Boltanski et les images qu'il propose d'en donner. Une mise en scène qui ajoute à cette adaptation une modestie et une sincérité heureuse.

Michel Blanc incarne avec justesse et nuances ce "Père-grand" médecin, délicat et modeste, marqué par deux guerres mondiales, juif converti au catholicisme, à l'allure paisible, mais qui se précipite sous la table au moindre coup de pétard. Certaines phrases sonnent étrangement dans la bouche de l'acteur, qui joue sans le savoir ses dernières répliques.

"C'est très bien d'avoir de l'imagination, ça permet d'en donner à la vie, qui parfois, en manque un peu", dit le grand-père à son petit-fils. En compétition au Festival de Berlin 2025, La Cache est un film plein de tendresse et de fantaisie, qui offre à Michel Blanc un très beau rôle, à sa mesure, pour quitter la scène avec élégance, entouré par un casting aux petits oignons.

La fiche

Genre : Comédie
Réalisateur : Lionel Baier
Avec : Dominique Reymond, Michel Blanc, William Lebghil
Pays : Suisse/Luxembourg/France
Durée : 1h30
Sortie : 19 mars 2025
Distributeur : Les Films du Losange
Synopsis : Christophe, 9 ans, vit les événements de Mai 68, planqué chez ses grands-parents, dans l'appartement familial à Paris, entouré de ses oncles et de son arrière-grand-mère. Tous bivouaquent autour d'une mystérieuse cache, qui révélera peu à peu ses secrets.