: Interview "Le regard des autres et la validation sont au cœur du film" : Anja Verderosa et Félix Lefebvre jouent un couple que tout oppose dans "L'Épreuve du feu"
Filmé comme un huis clos à ciel ouvert, "L'Épreuve du feu" brosse le portrait d'une génération complexée où les jeunes doivent rentrer dans certaines cases, par peur de moqueries.
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L'Épreuve du feu, premier long-métrage du réalisateur Aurélien Peyre, en salles mercredi 13 août, raconte l'été d'une jeunesse tourmentée face au jugement constant des autres. Hugo, jeune blond de 19 ans, revient chaque année dans sa maison familiale pour passer ses vacances estivales, au cœur d'une île de l'Atlantique. Il débarque cette fois-ci, avec quelques muscles en plus et surtout avec Queen, sa copine esthéticienne aux longs ongles fluo et au franc-parler incomparable.
Le jeune homme, plutôt discret et sur la réserve, doit se confronter à sa bande de vieux "amis", venant de milieux aisés et intellectuels. Une situation qui le met dans l'embarras puisqu'un an auparavant, ces mêmes personnes se moquaient de lui à cause de son surpoids. Mais Queen et Hugo n'y échappent pas et deviennent l'objet de tous les regards. Au contact de cette bande, le comportement et le regard amoureux du garçon changent et les masques semblent tomber. Pour le meilleur... et surtout pour le pire.
Franceinfo Culture a rencontré les deux acteurs, Anja Verderosa et Félix Lefebvre. Ils racontent leur expérience – une première pour Anja –, partagent quelques anecdotes et ouvrent une réflexion sur la jeunesse d'aujourd'hui... et d'hier.
Franceinfo Culture : Qu'est-ce qui vous a plu dans le scénario, dans vos personnages, dans leurs personnalités ?
Anja Verderosa : C'était la première fois que je lisais un scénario donc c'était particulier. Je le lisais avec beaucoup d'émotion et j'avais envie de faire partie du projet. J'ai trouvé ça hyper sincère, juste, beau, touchant. J'ai aimé dès que je l'ai lu. J'ai passé le casting pour le rôle de Colombe, au départ, mais je m'étais dit que le rôle de Queen avait l'air trop sympa. J'adore ce qu'elle représente. Je m'étais dit que ça devait être amusant de faire un personnage comme le sien.
Félix Lefebvre : Je trouvais ça vraiment bien écrit. Je voyais la complexité des personnages, l'évolution du personnage d'Hugo. Beaucoup de choses se passaient pour lui et il y avait beaucoup de choses à jouer qui étaient non dites, qui ne sont pas dans les dialogues, et il y avait donc une sorte de recherche pour vraiment se mettre à sa place. J'ai beaucoup aimé ce rôle.
Comment vous avez appréhendé vos rôles ?
Félix : Je suis allé à la salle de sport pendant 3-4 mois parce qu'il fallait être musclé pour mon rôle. Soulever de la fonte devant le miroir, ça permettait de comprendre un peu ce rapport au corps qu'il peut avoir avec lui-même. Et ce sont, pour moi, des moments pour penser à l'histoire, pour essayer de me mettre à sa place. J'écrivais aussi le matin, comme une sorte de journal intime.
Anja : Avec Aurélien, le réalisateur, on a beaucoup travaillé pour ne pas tomber dans un cliché, pour ne pas que Queen soit caricaturale. Mais une fois que j'étais physiquement dans le personnage, c'était plus facile. Aurélien m'avait demandé de me renseigner sur la vie de Loana en lisant son livre, pour avoir plus de profondeur, de ressentis, de sentiments, parce que je pense que Loana est hypersensible. Il y a un vrai contraste entre le jugement physique, ce que les gens projettent sur toi et la réalité. Les filles catégorisées comme "bimbo" sont loin d'être bêtes. Ce sont des filles qui sont ultra profondes, sensibles et en général le physique, c'est plus une carapace qu'autre chose. Queen, pour moi, n'est pas un cliché, je la trouve cool, ça pourrait être une de mes copines, ça pourrait être une fille que je suis sur Instagram.
Est-ce que vous avez des ressemblances avec vos personnages ?
Félix : Au collège et au lycée, j'ai eu des moments où, comme Hugo, tu te poses des questions et tu ne sais pas exactement qui tu es. Tu as envie de plaire à un groupe et donc tu n'es pas exactement toi-même avec les autres. Pour le film Rien à perdre, j'avais pris du poids, j'ai donc eu cette expérience d'être un peu en surpoids et de ne pas être bien dans mon corps. J'avais ces deux choses auxquelles me rattacher.
Anja : Il y a beaucoup de différences, que ce soit la manière de parler parce que je n'ai pas du tout d'accent, je ne suis pas du Sud et physiquement aussi, on ne se ressemble pas vraiment. Mais on se ressemble beaucoup sur l'humour, sur la sensibilité et sur le côté très entier, on ne ment pas sur qui on est, même si moi, je rencontre plus de difficultés que Queen à m'assumer à 100%. J'ai beaucoup aussi senti cette catégorisation d'être mise dans une case pour le physique parce que je prends soin de comment je m'habille, de mes cheveux, de mon maquillage. Parfois, je fais des faux ongles, j'ai eu une période où je mettais des faux cils, bref, je ne me suis jamais privée d'exprimer ma féminité et je pense que ça m'a fait défaut parfois. Je me suis reconnue là-dedans et j'avais envie de défendre le fait que ce n'est pas parce que tu prends soin de toi et que tu es coquette, que tu n'es que ça.
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Selon vous, le couple Queen-Hugo est trop éloigné, physiquement et culturellement, pour que leur histoire fonctionne ?
Anja : Je pense que Queen et Hugo se correspondent. C'est juste qu'Hugo n'était pas prêt à ce moment-là, il avait besoin de se prouver des choses à lui et aux autres. Ce n'était pas le moment pour lui, mais je pense qu'ils sont totalement compatibles, plus que Colombe [qui vient d'un milieu plus aisé que Queen] et Hugo alors qu'ils viennent du "même milieu".
Félix : Je ne suis pas totalement d'accord, ce qui est intéressant, c'est qu'Hugo est vraiment entre les deux, c'est-à-dire qu'il n'est vraiment pas du même statut social que sa bande "d'amis", qui est très riche, et il est plus aisé que la famille de Queen. J'ai l'impression que depuis qu'on raconte des histoires, on a toujours ressenti l'envie de raconter des histoires d'amour de personnes qui sont opposées et qui sont dans des milieux sociaux très opposés, avec des histoires tragiques. Cette impossibilité doit donc être une bonne essence pour raconter une histoire d'amour. Dans le film, j'ai l'impression que ce n'est même pas vraiment l'enjeu. Ce sont deux personnages qui sont ensemble parce que c'est dans les normes qu'un garçon un peu musclé, qui va à la salle, soit avec une fille hyper féminine. Mais très vite, on se rend compte qu'Hugo n'est pas du tout hyper masculin, c'est un rôle qu'il essaie de se donner et elle est beaucoup plus que ça aussi. Au début, on est dans une forme de couple peut-être attendu, mais c'est vite dynamité.
Est-ce que ce film représente la jeunesse d'aujourd'hui, où le jugement des autres est omniprésent et la validation par les autres est essentielle ?
Félix : C'est évident. Le jugement des autres, le regard des autres, la validation est au cœur du film. Mais je ne saurais pas dire si c'est lié à notre génération ou si c'est quelque chose qui existait bien avant. J'ai juste l'impression que c'est humain et que ça a toujours été là, c'est juste que les formes ont changé avec les réseaux sociaux. C'est peut-être plus global. Mais malheureusement, tout le monde a connu ces situations. Par exemple, dans une colonie de vacances, il y a des histoires où tu as un groupe qui se forme, certains sont rejetés, d'autres validés. Certains essayent de l'intégrer en changeant de comportement. C'est classique, c'est universel, c'est humain, chez les jeunes, ce besoin d'appartenance.
Avez-vous un dernier mot pour donner envie à nos lecteurs d'aller voir le film ?
Félix : Si vous n'avez pas énormément d'argent pour aller en vacances, ça va vous faire vivre tout un été en 1h40, vous allez sortir, vous aurez l'impression d'avoir vécu plein de choses et d'avoir vécu des vacances fortes en émotions. Si vous voulez des vacances abordables, ce sont les vacances les moins chères de cet été !
Anja : Ça fait du bien de voir des films qui se passent comme dans la vie, on peut facilement s'identifier. Je me dis que c'est bien d'avoir des petits rappels de confiance et des petits rappels sur nos actes au quotidien qui peuvent avoir des conséquences. Je trouve intéressant de voir ça au cinéma. Et ce n'est peut-être pas le film que les gens attendront parce qu'ils auront l'impression que c'est une comédie romantique plutôt légère, mais ça traite de sujets actuels beaucoup plus profonds.
Félix : Ce n'est pas un film seulement pour les jeunes, c'est pour les adultes aussi parce qu'on s'est rendu compte que des parents, des grands-parents s'identifient également. Ils se rappellent leurs souvenirs d'adolescents. L'identification se fait avec une certaine mélancolie. Et puis, si ce film peut aider à ne pas gâcher son histoire d'amour cet été, c'est génial [rires].
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