: Interview "C'est agréable de ne pas tout le temps s'agiter" : Pio Marmaï lâche prise avec son rôle de père veuf dans "L'Attachement"
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Le comédien partage l'affiche avec Valeria Bruni Tedeschi dans le dernier film très sensible de Carine Tardieu sur ce sentiment singulier qu'est l'attachement.
Le septième long-métrage de Carine Tardieu raconte l'histoire d'un homme, la petite quarantaine, dont la femme meurt pendant l'accouchement. Ce drame va le rapprocher de sa voisine de palier, une femme indépendante, libraire, féministe, et, sur le papier, allergique à la vie de famille. L'Attachement sort dans les salles mercredi 19 février.
Pio Marmaï, que l'on a peu l'habitude de voir dans ce genre de registre, s'est emparé de ce rôle de père veuf avec ferveur. Il raconte à franceinfo Culture cette "traversée singulière", qui lui a permis d'expérimenter de nouveaux territoires dans son travail d'acteur.
Franceinfo Culture : Qu'est-ce qui vous a séduit dans ce projet ?
Pio Marmaï : Un ensemble de choses. D'abord, il y a un truc qui a trait à l'écriture du projet, parce qu'il y avait pour moi une traversée dans le film, assez singulière, que je n'avais pas forcément eu l'occasion de vivre précédemment dans ma carrière. Il y a aussi le travail de Carine Tardieu la réalisatrice, que j'apprécie beaucoup. Et puis c'est la deuxième fois que je travaille avec Valeria Bruni Tedeschi. Je trouve qu'il y a un truc qui fonctionne bien. On joue bien ensemble. La Fracture, c'était un projet qui était totalement singulier et dans une autre énergie, mais j'étais très heureux de retravailler avec elle. Et puis voilà, je pense que cette histoire, elle m'a tout simplement touché en fait.
Qu'est-ce qui vous a touché dans cette histoire ?
Je pense que le titre parle de lui-même. Le personnage d'Alex est dans un endroit de douleur intense. Quand on traverse des moments d'urgence comme ça, et qu'on est obligé de s'occuper d'enfants et de dépasser cette vague de douleur, c'est quelque chose qui demande un abandon, une sorte d'écoute, et surtout un déplacement sur autre chose que sur soi. Le fait que l'attention soit reportée sur un enfant, sur la rencontre avec une femme, c'est quelque chose qui est agréable à jouer, qui n'est pas uniquement centré sur mes petites problématiques de personnage. Ça, j'aime bien.
Est-ce que c'était un rôle difficile pour vous ?
Oui, c'était assez difficile. Il y avait des séquences qui étaient très délicates à jouer parce que quand on joue ce type d'événement – je parle de la perte d'un être cher – il faut y aller. Il ne faut pas avoir peur de s'investir et paradoxalement, ça demande beaucoup d'abandon. Il faut trouver un truc de confiance sur le plateau et en même temps, de lâcher prise.
Comment avez-vous travaillé ce rôle et particulièrement les scènes délicates, comme celle où vous devez annoncer au petit garçon que sa mère est morte ?
Carine Tardieu m'a proposé de travailler sur la technique du manque de sommeil. Le fait de se réveiller la nuit à horaires réguliers, ça génère un certain épuisement, et on perd un peu le sens du temps et du réel. Ça m'a mis dans une sorte d'état où je ne faisais plus trop le distinguo entre ce que je tournais, ce que je devais faire, et la réalité des choses.
J'ai traversé moi aussi des moments un peu délicats dans ma vie et je me rappelle effectivement que le truc intrinsèquement lié à ce moment-là, c'est ce sentiment d'épuisement. Et donc, c'est ce qu'on a essayé de reproduire avec cette technique, et ça a fonctionné. Mais voilà, je ne le referais pas tout de suite. C'est pratique pour certaines séquences mais il faut le pratiquer avec parcimonie. C'est une technique que je ne recommande pas à ceux qui n'ont pas besoin de jouer ce genre de scènes (rires).
Le film traite vraiment du sujet du film, de l'attachement. C'est un sujet rarement traité au cinéma, pourquoi à votre avis ?
Parce que, en fait, l'attachement, c'est un sentiment qui est assez singulier. Souvent, on me demande : quelle est la différence pour vous entre l'attachement et l'amour ? Je pense que c'est assez infime. C'est une frontière qui est difficilement trouvable. Le fait que le film parle simplement de ce sentiment humain, c'est comme une pause dans une sorte d'hystérie générale. Le fait de s'arrêter sur des gens qui s'écoutent, qui sont sensibles et en même temps qui ont quelque chose de bouillonnant en eux à donner à l'autre, et qui se parlent surtout, ça m'a fait du bien. C'est ce que j'ai ressenti en voyant le film, et que je n'avais pas forcément décelé à la lecture du scénario. Je savais bien qu'on allait dans une direction assez sensible, sensible sans être larmoyante. Mais au visionnage, le film m'a vraiment atteint. C'est une sorte de voyage assez touchant, assez beau, et c'est très simple, sans prétention.
C'est un film aussi sur la parentalité. Vous êtes père vous-même, vous avez puisé dans cette expérience ou dans vos émotions pour travailler ce rôle ?
Oui, j'ai deux enfants. Le fait d'être parent moi-même, c'est sûr que quand je vois un enfant ou un bébé, je n'ai pas le même regard, y compris technique, que celui que j'avais quand je n'étais pas père. Mais là, en plus, ma compagne était enceinte de notre deuxième enfant pendant le tournage... D'habitude, j'arrive toujours à mettre un peu de distance, mais là, mine de rien, il y avait des moments où ça m'atteignait. Même si j'essaie toujours de prendre les choses avec beaucoup d'humour, et que je me dis ça va, c'est mon métier, ça faisait écho à des choses personnelles.
"C’était un peu comme une lame de fond. D'attendre mon enfant au moment où moi, je tournais cette histoire, ça m’angoissait un peu."
Pio Marmaïà franceinfo Culture
Et donc tout ça, forcément, ça agit. Mais ce n'est pas quelque chose que je convoque. Ce n'est pas quelque chose dont je vais me servir. Il faut jouer des choses qui sont écrites, et donc être dans le concret. Si je commence à me rajouter des couches et des couches, des trucs et des machins, et qu'avant même d'ouvrir la porte, je commence à penser à mon enfant, à ma compagne enceinte, et que j'accumule comme ça des choses qui ne sont pas forcément indispensables, je vais me perdre.
Le cinéma montre rarement ce rapport du père avec des enfants en bas âge, qui est plutôt montré du côté de la mère, ça vous intéressait aussi ce regard-là ?
Oui et puis dans les films, on voit très souvent des pères qui sont des papas poule qui sont très efficaces. Alors qu'Alex, c'est tout l'inverse. Il n'est absolument pas efficace. Et c'est bien aussi de montrer que les gens ont le droit de ne pas être efficaces, pas complètement à côté de la plaque, mais qu'ils ont le droit d'être maladroits. Et c'est ça qui est intéressant dans le film, c'est qu'il interroge une sorte de modernité de la parentalité.
Est-ce que le fait de tourner avec des enfants, c'est aussi une difficulté pour un acteur ?
En fait, c'est assez technique. La journée s'organise différemment. Quand on travaille avec un enfant, qui plus est très jeune – je pense que César devait avoir 5 ou 6 ans au moment du tournage – forcément, on commence par s'occuper de l'énergie qu'il a au moment où il arrive. L'axe de la caméra est tout de suite sur l'enfant. Et il faut à la fois essayer de créer une espèce de sensation de jeu, d'espace un peu ludique. Ça, c'est indispensable. Et pour le coup, César avait beaucoup d'énergie à donner, il était très à l'écoute. Donc dans ce moment-là, il faut vraiment être avec lui. Et ensuite, bien évidemment, il quitte le plateau, parce qu'on ne peut pas, Dieu merci, faire travailler les enfants comme les adultes.
Comment vous faites une fois que l'enfant a quitté le plateau ?
Eh bien je travaillais avec le premier assistant qui était à genoux. Donc c'était une personne de 50 ans en gros, qui me donnait la réplique, et j'essayais de me rappeler à peu près ce que j'avais fait avec César juste avant. Donc il faut se faire confiance. Mais je pense que ce qui est important, c'est de créer cette bulle de plaisir, de drôlerie, et d'amusement avec l'enfant. Et c'est une chose qui fonctionnait bien aussi avec la manière dont Valeria et moi travaillons. Il y avait une écoute. On s'amusait, mais ça restait du travail. On ne faisait pas n'importe quoi. Et d'ailleurs, César était très précis, c'était assez impressionnant.
Pour vous, c'est un rôle un peu à contre-emploi. On n'a pas l'habitude de vous voir dans ce genre de registre dramatique. Comment avez-vous vécu cette expérience ?
Disons que lâcher un peu les artifices, ce n'est pas désagréable. Quand on n'a pas beaucoup de béquilles rassurantes en tant qu'acteur, qu'on est un peu poussé à abandonner ces espèces de tics de jeu qu'on peut avoir après des années de travail, quand on abandonne tout ça au profit de quelque chose de nouveau et de simple, eh bien, c'est assez agréable. C'est agréable d'expérimenter une autre direction. Ce n'est pas radicalement opposé à ce que j'ai pu faire dans d'autres films, mais je pense que c'est la continuité de ma vie aussi. Je n'ai plus le même âge, mon regard sur le monde n'est plus forcément le même, et si on me propose ce type de rôle, c'est aussi peut-être une question de moment. C'est agréable aussi de ne pas tout le temps s'agiter.
Oui mais vous avez quand même embrayé avec le tournage d'une série de cape et d'épée, non ?
Oui, c'est une série Netflix pleine d'action ! On vient de terminer le tournage, heureusement, parce qu'avec un tibia fracturé, ça aurait été compliqué ! C'est une série moyenâgeuse avec plein de scènes d'action qui raconte l'histoire d'un assassin un peu malicieux. En termes de temporalité, de décor, d'énergie, rien à voir ! C'était complètement fou. Je n'ai jamais tourné de série aussi longue. J'ai trouvé ça extraordinaire. Ça m'a vraiment atteint. C'était deux mois de prépa, cinq mois de tournage... C'était une sorte de laboratoire avec tellement de gens généreux... On dit toujours ça pour vendre un truc mais là, c'était vraiment saisissant. Je suis très content et j'ai hâte de voir ce que ça va donner.
Ça vous a donné envie de refaire des séries ?
Alors attention ! Parce que je ne m'étais pas rendu compte de la somme de travail que ça demande. On n'était pas trop souvent assis autour d'une table, mais plutôt tout le temps sur des chevaux en train de se battre... Physiquement, c'était ouf. Mais c'est bien, je fêtais mes 40 ans et je me suis dit : je ne suis pas foutu foutu physiquement, il me reste encore un peu d'énergie.
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