Entre stand-up et policier, "Sam fait plus rire" d'Ally Pankiw fait un pied de nez au patriarcat

Issue du monde de la publicité et de la télévision, la réalisatrice canadienne signe son premier film sélectionné au festival South by Southwest, en 2023.

Article rédigé par Zoé Ayad
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
L'actrice Rachel Sennott dans le film "Sam fait plus rire" de Ally Pankiw (2025). (JANICK LAURENT)
L'actrice Rachel Sennott dans le film "Sam fait plus rire" de Ally Pankiw (2025). (JANICK LAURENT)

Quelque chose d'important se passe de l'autre côté de l'Atlantique. Une semaine après la sortie du long-métrage Sorry, Baby de l'américaine Eva Victor, c'est au tour de la réalisatrice canadienne Ally Pankiw de présenter son premier film. Un nouveau récit introspectif et sensible sur la reconstruction après un viol.

En plus de partager un timing et un scénario à rebours, les deux primo réalisatrices défendent une vision commune. "Le traitement des violences faites aux femmes dans les films se résume soit à des récits de vengeance ou de justice soit, au contraire, à des récits de femmes complètement dévastées. La réalité c'est que la société subit une grande perte, en termes de joie, d'humour et de vie, de la part des femmes qui sont victimes de violences et de traumatismes", constate Ally Pankiw dont le film Sam fait plus rire se déroule dans l'univers du stand-up. À découvrir en salles, le 30 juillet.

Réalisatrice d'origine ukrainienne, Ally Pankiw fait ses débuts dans l'univers de la publicité puis à la télévision. Elle réalise de nombreux épisodes de séries, notamment Joan is awful dans Black Mirror (saison 6, sortie en 2023), qui met en scène Salma Hayek. Pour ce premier long-métrage, la réalisatrice canadienne s'associe à l'étoile montante du cinéma étasunien, Rachel Sennott. Humoriste de formation, la jeune actrice fait des débuts remarqués sur le grand comme le petit écran avec les films Shiva Baby (2020) et Bottoms (2023) ainsi que la série de Sam Levinson The Idol, et travaille actuellement avec HBO à la création de sa série.

Dans Sam fait plus rire, elle reprend son rôle de stand-uppeuse pour incarner Sam Cowell, jeune humoriste victime de stress post-traumatique après une agression sexuelle. Dans le même temps, des recherches sont organisées pour retrouver Brooke l'adolescente dont elle était la baby-sitter, une disparition qui replonge Sam dans son passé traumatique.

Un humour politique

Le film Sam fait plus rire est résolument engagé. Bien qu'Ally Pankiw entame l'écriture au début des années 2010, le scénario de ce long-métrage résonne avec le mouvement #MeToo de libération de la parole des femmes. La réalisatrice utilise l'humour et le monde du stand-up comme moyen pour dénoncer les violences sexuelles et le patriarcat. Une discipline qui libère la parole mais se retourne souvent contre les victimes comme c'est le cas pour le personnage de Sam Cowell. Lorsque l'humoriste porte plainte contre son agresseur, ses vidéos de stand-up sont utilisées par ses détracteurs pour prouver son consentement lors du rapport.

À différents degrés de violence, la réalisatrice montre les obstacles rencontrés par ces femmes humoristes surtout lorsqu'elles font preuve d'un humour politique, jugé subversif par la société patriarcale. Le degré ultime étant l'agression qui fait taire Sam et plonge la jeune femme dans un état second. "Le processus de guérison n'a jamais été lié à de la rage", explique Ally Pankiw. Avec justesse, la réalisatrice opte donc pour un parcours de guérison fondé sur l'entraide féminine qui transparaît dans la relation conflictuelle entre Sam et l’adolescente qu'elle "babysit", Brooke. Une manière intelligente d'insister sur la responsabilité immense et injuste qui incombe aux femmes de prendre soin des victimes d'agressions sexuelles.

Un film distant

Le scénario nuancé de Sam fait plus rire offre un éclairage mature et sensible sur les conséquences des violences sexuelles sur la vie des victimes. En revanche, la construction du film à rebours met le spectateur à distance de cette réalité abjecte. Les nombreux flash-backs concentrent l'énergie du public à assembler les différentes pièces du puzzle plutôt qu'à ressentir l'émotion procurée par l'histoire. Par moments, le récit perd même son fil et il devient difficile de comprendre la chronologie des événements vécus par Sam.

Dans ce premier film, Ally Pankiw fait preuve d'un regard aiguisé sur la société mais reste dans les clous de la réalisation. L'histoire de la disparition de Brooke et l'aspect policier du film l'enferment dans un cadre et un rythme qui étouffent la créativité artistique de la réalisatrice dont le message résonne pourtant au-delà de son œuvre. Comme elle, de nombreuses femmes passent derrière la caméra pour raconter des histoires de violences sexuelles au féminin. En décembre, c'est The Chronology of Water, le premier film comme réalisatrice de l'actrice Kristen Stewart adapté de l'histoire de Lidia Yuknavitch, qui arrive sur les écrans.

Affiche du film "Sam fait plus rire" d'Ally Pankiw (2025). (WAYNA PITCH)
Affiche du film "Sam fait plus rire" d'Ally Pankiw (2025). (WAYNA PITCH)

La fiche

Genre : Comédie, drame
Réalisation : Ally Pankiw
Avec : Rachel Sennott, Olga Petsa et Jason Jones
Pays : Canada
Durée :
1h46
Sortie :
30 juillet 2025
Distributeur :
Wayna Pitch
Synopsis : Sam, une jeune comédienne et jeune fille au pair souffrant de stress post-traumatique, se demande si elle doit ou non participer aux recherches de Brooke, une fillette disparue dont elle était la nounou.

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