"Dracula : A Love Tale" : Luc Besson s'empare du roman de Bram Stoker et bascule dans le cliché

Son film sur Dracula explore la dimension érotique de l'histoire de vampire et raconte une romance qui traverse les siècles.

Article rédigé par Zoé Ayad
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 7min
Image du film "Dracula" de Luc Besson (2025), avec les actrices Matilda De Angelis et Zoë Bleu (à gauche) et l'acteur Caleb Landry Jones (à droite). (SND / SHANNA BESSON)
Image du film "Dracula" de Luc Besson (2025), avec les actrices Matilda De Angelis et Zoë Bleu (à gauche) et l'acteur Caleb Landry Jones (à droite). (SND / SHANNA BESSON)

Avec son film, Luc Besson s'ajoute à la longue liste de réalisateurs ayant adapté au cinéma l'œuvre de Bram Stoker. C'est que le fameux roman de vampire (publié en 1897) en a inspiré plus d'un, Tod Browning, Dario Argento, et surtout Francis Ford Coppola se sont prêtés au jeu avant lui.

Dans cette nouvelle version, le réalisateur raconte l'histoire d'amour entre le Prince Vladimir et la Princesse Elisabeta, réunis quelques siècles plus tard sous les traits du comte Dracula et de la jeune Mina. Avec pour titre, Dracula : A Love Tale [Une histoire d'amour], Luc Besson annonce d'emblée son intention d'explorer la face romantique du roman. Et pourquoi pas, si ce n'est que le réalisateur se conforte dans un récit cliché, brossant le portrait d'une histoire d'amour superficielle. En salles, le mercredi 30 juillet.

Cette sortie intervient dans un contexte particulier. Luc Besson a été accusé de viol par l'actrice belge Sand Van Roy qui a déposé plainte en 2018. Le réalisateur a obtenu un non-lieu en décembre 2021, confirmé par la cour d'appel de Paris en mai 2022. L'affaire a été portée jusqu'à la Cour de Cassation qui a confirmé les jugements précédents et prononcé un non-lieu en 2023, tandis qu'une seconde plainte déposée par Sand Van Roy en Belgique a été jugée irrecevable en début d'année. Au total, neuf femmes ont dénoncé auprès du site Mediapart les violences sexuelles commises par le réalisateur qui fait son retour sur le grand écran.

L'histoire : Paris 1889. La capitale, tout juste ornée de la Tour Eiffel, célèbre le centenaire de la Révolution française. C'est dans ce décor que Luc Besson plante l'action de son Dracula. Mais avant, le réalisateur revient au fin fond de la Transylvanie médiévale où le Prince Vladimir et sa femme Elisabeta vivent un amour passionné jusqu'au jour maudit d'une bataille contre les Ottomans durant laquelle la Princesse prise en embuscade est mortellement blessée.

Accablé de douleur, le Prince Vladimir accuse Dieu et la religion d'être à l'origine de son malheur, un blasphème qui lui vaut d'être maudit et condamné à la vie éternelle. Dès lors, le comte Dracula espère voir sa bien-aimée se réincarner dans une autre époque, une quête insatiable qui mène le vampire dans la France du XIXe siècle.

Un film spectacle

Cette sortie marque le retour de Luc Besson au cinéma fantastique. Pour incarner cet univers gothique, le réalisateur fait appel à un casting international, on ne peut plus éclectique. Dans le rôle principal de Dracula, nous retrouvons le très convaincant Caleb Landry-Jones - à l'affiche de Dogman en 2023 - qui partage l'écran avec l'éblouissante Zoë Bleu. Inconnue du public, l'actrice de 30 ans est loin d'être une anonyme, elle est la fille de Rosanna Arquette à l'affiche du Grand Bleu en 1988, le succès de Luc Besson. Respectivement dans le rôle d'un médecin et d'un prêtre, Guillaume de Tonquédec et Christoph Waltz forment un duo improbable dans cette adaptation du roman que le réalisateur transpose dans la capitale française.

Comme à son habitude, le réalisateur du Cinquième Élément ne lésine pas sur les moyens, cette fois-ci pour plonger son public dans une ambiance gothique et romantique. Avec un budget de 45 millions d'euros, Luc Besson livre un film à la fois d'horreur et d'époque, dont l'esthétisme fidèle au roman de 1897 est fortement empreint de la patte du réalisateur français. Luc Besson prouve sa maîtrise des codes des deux genres cinématographiques qu'il combine pour créer un univers effrayant rythmé par la grandiloquente musique de Danny Elfman (le compositeur fétiche de Tim Burton).

Les plans s'enchaînent à la vitesse d'un clip vidéo, avec une richesse infinie de costumes, des choix qui témoignent de l'influence de la publicité et du gimmick dans l'œuvre de Luc Besson. La simplicité des dialogues, teintés d'humour, compense cette profusion d'effets spectaculaires.

Une romance à peine crédible

Malgré ces éléments encourageants, il est difficile de cerner la raison qui a motivé Luc Besson à s'emparer à son tour de Dracula. La volonté de moderniser l'œuvre de Bram Stoker n'en est pas une. Le réalisateur utilise plutôt le roman de vampire comme prétexte à une histoire d'amour tapageuse, remplie de stéréotypes que l'on pensait dépassés.

Le défi était de taille : représenter une romance traversant les siècles nécessitait une interprétation crédible d'un amour puissant. Le résultat est décevant pour une raison simple, le réalisateur met en scène une relation clichée qui se résume à un appétit sexuel quelque peu ridicule et un regard masculin (malegaze) omniprésent. La première image du film, une scène de sexe, débute par une pression sur la gorge d'Elisabeta, s'ensuivent des scènes d’amusement dignes d'une passion d'adolescents. L'absence de dialogues et le jeu sexualisé à outrance empêchent toute forme d'émotion.

Le film exalte la vision d'une femme sublimée par le regard de son mari, qui n'existe qu'à travers son désir, puis son souvenir et ensuite sa perte. Malmenée du début à la fin, Elisabeta réincarnée en Mina n'a pas le droit au bonheur, condamnée par le réalisateur à vivre dans la solitude et la souffrance. Pourtant intéressant à exploiter, le rôle de la princesse reste celui d'une femme passive. Fort heureusement, l'interprétation de Zoë Bleu rattrape à bien des égards le message du film et parvient - à défaut de lui offrir une individualité propre - à insuffler de l'humanité à ce personnage sacrifié.

Peut-être que la vraie malédiction du film n'est pas celle qui touche Dracula, mais bien pour sa femme celle d'avoir été aimée d'un tel homme. En tout cas, Luc Besson ne parvient pas à convaincre avec son adaptation classique et stéréotypée de cette œuvre universelle qui regorge pourtant d'innombrables références et thématiques.

Affiche du film "Dracula" de Luc Besson (2025). (SND)
Affiche du film "Dracula" de Luc Besson (2025). (SND)

La fiche

Genre : Drame, fantastique et horreur
Réalisation : Luc Besson
Avec : Caleb Landry Jones, Zoë Bleu et Christoph Waltz
Pays : France
Durée :
2h09
Sortie :
30 juillet 2025
Distributeur :
SND
Synopsis : Au XVe siècle, le Prince Vladimir renie Dieu après la perte brutale et cruelle de son épouse. Il hérite alors d’une malédiction : la vie éternelle. Il devient Dracula. Condamné à errer à travers les siècles, il n’aura plus qu’un seul espoir : celui de retrouver son amour perdu.

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