"Deux pianos" : Arnaud Desplechin offre une plongée dans la complexité de l'âme humaine, sublimée par la musique classique

Après avoir réalisé un documentaire sur le 7e art en janvier dernier, le cinéaste Arnaud Desplechin revient à la fiction en réalisant Deux pianos, un drame romanesque, profond et intense, sublimé par la musique classique.

Son treizième long-métrage, en salles mercredi 15 octobre, est un récit à tiroir. Il raconte le retour d'un pianiste virtuose, Matthias, qui met fin à son exil au Japon pour donner une série de concerts à Lyon avec Elena, celle qui a été la première à croire en lui, huit ans auparavant. Dès son arrivée dans la capitale des Gaules, il va être confronté aux fantômes de son passé, en croisant d'abord son amour de jeunesse, Claude, qu'il n'a jamais réellement oublié, puis un jeune garçon lui ressemblant comme deux gouttes d'eau. Il se confronte ensuite à une réalité dure à accepter face à celle qu'il aime tant. Cette découverte le bouleverse et l'empêche de s'adonner complètement à ses concerts. L'annonce de la maladie de son mentor n'arrange pas les choses.

Un cinéma de l'intime

Comme dans Rois et Reine (2004), Arnaud Desplechin met en scène deux histoires parallèles très fortes avec des personnages complexes qui connaissent des situations plus grandes qu'eux, inextricables. Les émotions les submergent et ils sont traversés par des élans contradictoires. Le réalisateur filme un cinéma de l'intime, de l'intériorité, qui laisse place à l'imaginaire. Tout n'est pas dit, tout est presque suggéré. Les protagonistes sont remplis de doutes, on les aime, on les déteste, on ne les comprend pas, on doute aussi. Le spectateur semble obligé d'être investi dans cette histoire : "Pourquoi est-il parti au bout du monde ? Pour fuir un amour impossible ? Par peur de ne pas être à la hauteur de son mentor Elena ?"

Matthias est difficile à cerner. C'est un écorché vif, un jeune homme tourmenté, plein d'énigmes, qui fuit. Après avoir campé des personnages héroïques comme dans Les Trois Mousquetaires, François Civil hérite dans ce film de l'un de ses rôles les plus profonds, qui pourrait l'amener jusqu'aux César. Nadia Tereszkiewicz, elle, insuffle une grâce fragile au long-métrage. Claude, qu'elle interprète, s'est jetée dans les bras du hasard lorsqu'elle était jeune. Son équilibre tient à un fil puisqu'elle ne sait pas si elle a fait le bon choix. Elle est tiraillée entre la raison (son mari Pierre, son enfant, son confort de vie) et la passion (son amour de jeunesse Matthias, la folie, l'imprévu).

La musique classique s'invite dans cette histoire d'amour impossible grâce au personnage d'Elena, pianiste reconnue mondialement qui demande à son protégé de lui succéder, car elle est malade et ne veut pas se montrer vulnérable face à son public. Charlotte Rampling, icône fascinante et mystérieuse, joue à merveille cette femme forte, puissante, aride et très dure parfois, qui se décrit comme un monstre.

Deux Pianos, c'est du pur Desplechin, l'un des cinéastes les plus sensibles et les plus complexes de sa génération. Dans ce nouveau film, les couches se superposent, donnent une véritable profondeur aux dialogues et invitent à un voyage intime à travers la complexité de l'âme humaine : "Est-ce qu'on accepte notre destin ? Est-ce qu'on préfère fuir pour ne pas souffrir ?". Ce long-métrage nous interroge et nous donne quelques clés pour répondre à ces questions existentielles.

La fiche

Genre : Drame
Réalisation : Arnaud Desplechin
Avec : François Civil, Nadia Tereszkiewicz, Charlotte Rampling
Pays : France
Durée : 1h55
Sortie : 15 octobre 2025
Distributeur : Le Pacte
Synopsis : Mathias Vogler rentre en France après un long exil. Le mentor de sa jeunesse, Elena, souhaite qu'il donne une série de concerts au piano à ses côtés à l'Auditorium de Lyon. Mais dès son retour, une rencontre avec un enfant qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau, son double, plonge Mathias dans une frénésie qui menace de le faire sombrer, et le mènera à Claude : son amour de jeunesse.