"Simon de la montaña" : l'homme qui voulait devenir handicapé mental

Le réalisateur argentin Federico Luis questionne la norme et la marge dans un film surprenant et déroutant par son originalité et son propos. Indispensable.

Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Scène du film "Simon de la montaña" de Federico Luis, avec Lorenzo Ferro. (20/20)
Scène du film "Simon de la montaña" de Federico Luis, avec Lorenzo Ferro. (20/20)

Le vent souffle très fort. Un groupe de personnes, adolescents et jeunes adultes handicapés mentaux, semble perdu dans la montagne et avance péniblement pour trouver un abri. Parmi eux : Simon, interprété par un bluffant Lorenzo Ferro. Simon de la Montaña, le long-métrage de Federico Luis sort en salle mercredi 23 avril.

Le jeune homme, on le découvre assez vite, n'est pas handicapé. Pour intégrer le groupe et être avec son ami Pehuén, il simule un handicap. Il va jusqu'à mimer tous les gestes d'une personne atteinte de déficience mentale. "Arrête de bouger ta tête !", s'emporte sa mère, blessée et dépassée par l'obstination de son fils à quitter le monde "normal" pour rejoindre ses nouveaux amis.

Quelles sont les motivations de Simon ? Souffre-t-il lui-même de troubles psychologiques ? La caméra de Federico Luis colle au plus près les comédiens, tous en situation de handicap et amateurs d'une troupe de théâtre, comme pour en saisir toutes les vérités. Pourtant, Simon est insaisissable. Ange ou démon ? Victime ou coupable ? Désintéressé ou vénal ?

Le personnage est complexe, parfois malaisant dans son ambiguïté, mais toujours déterminé à larguer les voiles de la "normalité".

La norme, ce carcan anxiogène

Les gens normaux n'ont rien d'extraordinaire. Le film interroge la norme et la marge, la place du handicap dans la société contemporaine et questionne l'altérité. Il dit aussi le passage de l'adolescence à l'âge adulte. Ainsi, Simon ne trouve pas sa place dans la société, sinon en compagnie de ses nouveaux amis. Sa famille devient un champ de bataille qu'il n'arrive pas à quitter et qui, juge-t-il, est source de conflits et d'incompréhensions.

Avec son complice Pehuén, il va entreprendre des démarches administratives pour qu'il soit reconnu officiellement comme handicapé et percevoir une allocation. Pehuén l'entraîne aussi à préparer l'entretien pour flouer la psychiatre.

Scène du film "Simon de la montaña" de Federico Luis. (ARIZONA DISTRIBUTION)
Scène du film "Simon de la montaña" de Federico Luis. (ARIZONA DISTRIBUTION)

Sans jamais porter de jugement, le réalisateur argentin laisse son personnage évoluer dans un entre-deux ambivalent. Il montre sans chercher à démontrer, il ne donne pas de réponses. Dans ce sens, le film n'est ni aisé, ni facile. Simon de la montaña, Grand Prix de la Semaine de la critique 2024 à Cannes, se démarque radicalement des autres films du genre. "Lorsque les films présentent les personnages handicapés comme des êtres de lumière, tendres, gentils, la seule chose qu'ils obtiennent est de leur ôter leur dimension humaine. Il me semblait indispensable et utile de réintroduire ce clair-obscur", explique Federico Luis. Des personnes comme les autres.

Simon de la montaña, un film inattendu, original, porté par un acteur impressionnant de justesse.

La fiche

Genre : Drame

Durée : 1h38

Réalisation : Federico Luis

Scénario : Federico Luis, Agustin Toscano

Distribution : Lorenzo Ferro, Kiara Supini, Pehuén Pedie

Synopsis : Simon a 21 ans et vit en Argentine. Depuis peu, il fréquente une nouvelle bande d'amis inattendue. Auprès d'eux, pour la première fois, il a le sentiment d'être lui-même. Mais son entourage s'inquiète et ne le reconnaît plus. Et si Simon voulait devenir quelqu'un d'autre ?

Affiche du film "Simon de la montaña" de Federico Luis, avec Lorenzo Ferro. (ARIZONA DISTRIBUTION)
Affiche du film "Simon de la montaña" de Federico Luis, avec Lorenzo Ferro. (ARIZONA DISTRIBUTION)

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