: Reportage Festival d'Angoulême : Isabelle Carré offre un moment de grâce à la projection de son film "Les Rêveurs", suivie d'une lecture musicale avec son frère Benoît Carré
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Ce moment d'une rare intensité a mis, le temps d'une soirée, un gros coup de projecteur sur la santé mentale, grande cause nationale 2025, et plus particulièrement sur celle des plus jeunes.
Dans la soirée de fin d'été du mercredi 27 août, sur la scène du théâtre d'Angoulême, un piano à queue sous son manteau noir, attend dans la pénombre. L'actrice Julie Gayet et Marie-France Brière, la fondatrice du festival, montent sur la scène pour présenter la projection en avant-première du premier long-métrage d'Isabelle Carré, une adaptation de son roman, Les Rêveurs, publié en 2018, en salles mercredi 12 novembre.
"Ce film, où musique et images sont intimement liées, m'a bouleversée", confie Julie Gayet, qui l'avait déjà présenté en juin pour la première fois à l'occasion de son propre festival, Sœurs jumelles, consacré à la rencontre de la musique et de l'image. Ce soir, Isabelle Carré est venue avec son frère Benoît, né un an et un jour avant l'actrice, "comme les objets trouvés, aiment-ils dire", raconte Julie Gayet.
"Depuis la petite enfance, il est devant son piano, mais ça, vous allez le voir dans le film", poursuit Julie Gayet, qui dresse le portrait de ce musicien discret, au parcours singulier, fondateur en 1993 du groupe Lilicub, connu pour la chanson Voyage en Italie, nommée pour la Révélation de l'année aux Victoires de la musique en 1997. Il est aussi pourvoyeur de textes pour Françoise Hardy ou pour la chanteuse Imany, membre du jury du festival cette année. En 2015, il s'empare de l'IA, et commence à faire des collaborations avec Stromae et d'autres. "J'ai une passion pour toute sa musique", conclut Julie Gayet.
Ce soir, c'est pour sa sœur que Benoît Carré s'installera derrière le piano, ordinateur posé pas loin, pour faire vibrer les textes d'un petit cahier exhumé de l'adolescence tourmentée d'Isabelle Carré. Une enfance et une adolescence que nous nous apprêtons maintenant à découvrir, dans le silence de la salle obscure.
"Tout est faux, tout le monde ment"
Le film commence par une plongée visuelle et sonore dans les années 1970. Murs rouge sang, déco pop, la voix de Dalida… Dans l'appartement familial, les enfants dansent pendant que les parents, souvent absents, vaquent à leurs occupations. Le père dessine des robes chez Cardin. La mère traîne sa mélancolie sans qu'on sache trop d'où elle vient. Elisabeth, pleine de fantaisie, dessine, danse, chante, enfile les robes à strass et les talons aiguilles de sa mère, ou passe ses nuits à faire des allers-retours dans le long couloir de l'appartement, rollers aux pieds, avant de s'endormir en regardant s'envoler les oiseaux dessinés sur les murs de sa chambre.
Les deux enfants grandissent ensemble, soudés, "côte à côte", dira le frère plus tard. Car derrière cette apparente coolitude, derrière cette image de la famille parfaite, se cachent en réalité des secrets inavouables, qui plombent l'atmosphère, et créent chez Elisabeth un sentiment de solitude, et des angoisses. "Pas une vie de rêve, mais une vie rêvée", résume l'adolescente. "Tout est faux, tout le monde ment", confie-t-elle pour parler de ce qui se passe chez elle.
Elisabeth défie le malheur en s'inventant des histoires, en expérimentant l'amour avec un copain de son frère. Elle a 14 ans. L'histoire se termine mal. Tentative de suicide. Elle finit l'hôpital dans un service de psychiatrie pédiatrique, où elle va rester plusieurs semaines. Elle y fait des rencontres. "On fait comment quand c'est pas supportable ?", questionne Elisabeth, qui consigne tout dans un petit cahier bleu. À la sortie, elle découvre le théâtre. Sauvée.
Générique. Des chiffres : "246, c'est le pourcentage de hausse du nombre de jeunes filles entre 10 et 14 ans hospitalisées en psychiatrie depuis quinze ans, pour la plupart pour tentative de suicide. Un jeune sur deux ne peut pas être suivi par manque de moyen et de place".
"Mon film a pour vocation de redonner goût à la vie"
Puis, ils entrent en scène, le frère et la sœur. Benoît s'installe au piano, Isabelle, jean et ballerines, veste noire, assise sur un tabouret haut, devant le micro, à la main son petit cahier bleu que l'on reconnaît bien. Les mots de l'adolescente se mêlent aux notes du piano.
Le miracle dure vingt minutes. Pour finir, voix mêlées du frère et de la sœur, ils chantent La Symphonie des éclairs. "Il fait toujours beau au-dessus des nuages…", le public entonne avec eux. "Mais moi, si j'étais un oiseau, j'irais danser sous l'orage, Je traverserais les nuages comme le fait la lumière". L'émotion envahit la salle.
Quand le silence revient, Isabelle Carré relâche ses bras, esquisse un salut, son frère la rejoint, ils se tiennent par la main, comme deux gamins. La salle se lève. Les applaudissements durent longtemps, longtemps. "Mon film a pour vocation de redonner goût à la vie, si je sauve ne serait-ce que deux ou trois personnes, ce sera déjà une réussite", conclut la réalisatrice, émue aux larmes par l'accueil du public. Une émotion qu'elle range vite derrière son indécrochable sourire, une offrande à ceux qui, pour prolonger encore un peu la magie de cette soirée, viennent lui faire dédicacer son livre.
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Cette projection était complétée par une table ronde organisée jeudi dans l'atrium du NIL sur le thème de "la vulnérabilité psychologique des plus jeunes et les espaces d'écoute et de reconstruction".
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