"Les Valseuses" de Bertrand Blier, critique d'un film à la lumière du mouvement #MeToo

À sa sortie, le film, adapté d'un livre de Blier, choque la critique, mais rencontre un immense succès public, avec près de 6 millions de spectateurs.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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Temps de lecture : 3min
Interview de Jeanne Moreau, Patrick Dewaere et Gérard Depardieu, sur le tournage du film "Les Valseuses" réalisé par Bertrand Blier, le 16 octobre 1973. (BERNARD ALLEMANE / INA)
Interview de Jeanne Moreau, Patrick Dewaere et Gérard Depardieu, sur le tournage du film "Les Valseuses" réalisé par Bertrand Blier, le 16 octobre 1973. (BERNARD ALLEMANE / INA)

Brûlot misogyne ou célébration déjantée de la liberté sexuelle ? Succès public à sa sortie en 1974, Les Valseuses de Bertrand Blier continue de diviser cinquante ans après, à l'heure de #MeToo et du débat brûlant sur la représentation des femmes à l'écran.

Dès son titre, synonyme de testicules, le film le plus connu de Blier, disparu lundi 20 janvier à l'âge de 85 ans, donne le ton provocateur et sulfureux d'un road-movie mettant en scène un trio formé par deux marginaux lubriques (Gérard Depardieu et Patrick Dewaere) et par une jeune femme apparemment frigide (Miou-Miou). À sa sortie, en plein essor du mouvement féministe et de la libération des mœurs, le film, adapté d'un livre de Blier paru deux ans auparavant, choque la critique, mais rencontre un immense succès public, avec près de 6 millions de spectateurs.

Une relecture post-#MeToo du film

Aujourd'hui, plusieurs répliques – "Y a bien un cul qui nous attend quelque part", "On bandera quand on a envie de bander" – et certaines scènes – Dewaere tétant le sein, sous la contrainte, de Brigitte Fossey dans un train – en font pour certains l'incarnation même du sexisme décomplexé qui prévalait dans le cinéma.

Universitaire spécialiste des questions de genre, Geneviève Sellier y voit ainsi une "apologie du masculinisme dans sa forme la plus vulgaire et la plus provocante". Elle affirme auprès de l'AFP : "Ce que Blier a réussi, c'est de prendre à rebours le mouvement féministe avec la figure de Miou-Miou, objet sexuel sans réaction, et de camoufler des agressions sexuelles sous le ton burlesque et le statut social des deux personnages masculins."

Sur le site de la Cinétek en 2020, le réalisateur Cédric Klapisch refusait, lui, de réduire Les Valseuses à son machisme, pourtant indéniable selon lui. "Il y a quelque chose qui parle du plaisir féminin et qu'on ne voit pas dans beaucoup de films", expliquait-il, défendant aussi une "liberté de ton dérangeante" mais "intéressante". "Ça pousse très loin l'idée de la liberté", disait-il.

"C'est un film qui a été aimé ou détesté"

Au micro d'Europe 1, en février 2024, Miou-Miou avait évoqué le tournage des Valseuses, émaillé de "bagarres", et certaines méthodes "très humiliantes" de Blier mais se montrait catégorique : "Bien sûr qu'il faut diffuser Les Valseuses." Sur France 2, en mars de la même année, Brigitte Fossey avait, elle, refusé de revoir la scène du train, la qualifiant d'"horrible, horrible, horrible".

Interrogé sur Konbini en 2022, Bertrand Blier ne reniait rien de la "violence unique" qui se dégageait de son film, dans la lignée d'Orange Mécanique de Kubrick, et qui lui avait valu d'être à l'époque traité de "nazi". Mais il faisait de son œuvre un instantané de "l'état d'abrutissement dans lequel se trouvent les mecs à chaque époque". Il concluait en affirmant : "C'est un film qui a été aimé ou détesté selon les cas parce que les deux pieds étaient dans le plat, le film avançait en voyou pendant une heure et demie."

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