Festival de Cannes 2025 : "Quand j’ai découvert ce monde de l’immersif, je me suis dit que les débuts du cinéma, ça devait être comme ça", confie Tania de Montaigne, jurée de la Compétition immersive
L'auteure a foulé le tapis rouge du Festival de Cannes en tant que membre du jury de la deuxième édition de la compétition immersive dont elle a remporté la première édition avec "Noire". Retour sur la Croisette sur sa double expérience de jurée et de lauréate.
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Pour la première édition de cette nouvelle compétition du Festival de Cannes, Noire créé par Tania de Montaigne, Stéphane Foenkinos et Pierre-Alain Giraud a reçu en 2024 le prix de la Meilleure œuvre immersive qui récompense des travaux en réalité virtuelle, réalité augmentée, projection vidéo et holographie.
L'auteure était de nouveau sur la Croisette, cette fois-ci comme membre d'un jury présidé par le réalisateur français Luc Jacquet, aux côtés de la réalisatrice et musicienne Laurie Anderson, de la scénariste britannique Martha Fiennes et du créateur de jeux vidéo japonais Tetsuya Mizuguchi. Le jury de cette deuxième édition a décerné le 22 mai le prix de la Meilleure œuvre immersive à From Dust, un opéra créé par Michel van der Aa. Entretien avec Tania de Montaigne.
Franceinfo Culture : Vous avez été jurée cette année de la deuxième édition de la Compétition immersive organisée par le Festival de Cannes après avoir été lauréate de la toute première édition avec Stéphane Foenkinos et Pierre-Alain Giraud. Comment avez-vous vécu cette nouvelle expérience ?
Tania de Montaigne : J'ai déjà vécu en tant qu’écrivaine ce type d'expérience : gagner un prix et en être jurée l’année suivante. Cette sensation de donner ce que l’on a reçu est géniale. En outre, à l’image de l’immersif, le jury est composé de gens qui arrivent d’univers très différents. Personne ne regarde la même chose quand on voit les œuvres. Ce qui est intéressant, c’est comment une personne qui vient de la musique, comme Laurie Anderson, ou du jeu vidéo comme Tetsuya Mizuguchi, ou encore du cinéma, perçoit une œuvre. Les dialogues sont très riches.
De façon pratique, qu’avez-vous fait en tant que jurée de cette Compétition immersive ?
J’ai vu les neuf expériences sur deux jours. Ensuite, jeudi matin, [Le palmarès a été dévoilé en fin d’après-midi, le 22 mai] nous avons délibéré. Comme le Festival de Cannes est assez protocolaire, nous l'avons fait dans un lieu précis. Nous sommes arrivés à 9h et il fallait que nous trouvions notre œuvre quatre heures plus tard.
Cette remise de prix vous a-t-elle renvoyé à des souvenirs de l'année dernière au moment où vous avez su que "Noire" avait remporté le prix ?
Nous ne pouvions pas tous rester 15 jours l’année dernière. Stéphane et moi étions repartis de Cannes parce que nous avions une pièce à mettre en scène à Rennes. Nous savions que l’annonce se ferait le jeudi à 17h et, de Rennes, cela aurait été compliqué de revenir à Cannes. Nous avions donc décidé d'aller à Paris pour connaître le palmarès et descendre à Cannes si jamais nous décrochions le prix. Je me disais que ce serait trop triste de ne pas savourer le moment si jamais nous l’avions parce que c’était une première. C’est Pierre-Alain qui nous a annoncé la bonne nouvelle dans l’après-midi. Il était avec nos producteurs taïwanais, présents au moment de l'annonce du prix à Cannes. Nous les avons rejoints Stéphane et moi dans la soirée pour la montée des marches. C’était beau.
Y a-t-il eu une évolution entre ces deux premières éditions ?
Tout était nouveau pour la première édition. Personne ne savait ce que c’était. Les œuvres n’étaient pas du tout projetées dans le centre de Cannes, mais à la Bocca, au Cineum qui est un lieu génial. Même si ce n'est qu'à 20 mn, le planning des gens est tel qu’il fallait qu’ils prévoient une demi-journée pour voir des œuvres qui durent entre 25 et 40 mn. Cette année, nous avons changé d’échelle et cela signifie que la compétition s’installe. Pour cette deuxième édition, les œuvres sont au Carlton. Les gens peuvent aller les découvrir plus facilement et le public s'élargit. Les œuvres immersives ne sont donc plus à part car les festivaliers peuvent les voir entre deux films.
Gagner le prix de cette Compétition immersive a-t-il changé quelque chose à la vie de "Noire" ?
Notre équipe est très particulière parce que l’histoire du projet l’est. C’est un livre [Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin (Grasset)] qui est devenue une pièce et ensuite une expérience immersive. L’équipe de l’expérience immersive est celle de la pièce de théâtre. Ce qui fait que nous pensons en mode "spectacle vivant", d’où l’importance de la scénographie pour nous. En outre, le fait d’avoir créé Noire à Beaubourg est complètement hors normes parce que nous ne connaissions rien à la dynamique muséale. Nous avons inventé quelque chose qui pour le Centre Pompidou même était inédit [l’expérience immersive en réalité augmentée y a été créée en avril 2023]. Beaubourg, c’est déjà une force d’entraînement. À cela se rajoutent la sélection, toujours en 2023, au Tribeca Film Festival, et celle au BFI London Film Festival. Je ne savais d’ailleurs pas que les festivals de cinéma avaient des catégories immersives. Avoir le prix de la Meilleure œuvre immersive, à Cannes, a cristallisé une dynamique parce que c’est l’un des plus grands festivals de cinéma. D’autres personnes se sont intéressées au projet. Ce qui nous a obligés, par exemple, à trouver un endroit pour installer la démo. Elle est dans un studio à Charenton [région parisienne].
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Où le public peut-il découvrir à nouveau "Noire"?
Nous serons au Festival d’Avignon cette année et c’est génial. Nous aimerions pouvoir revenir à Paris dans un lieu où l’œuvre pourrait s’installer deux mois pour permettre aux gens de venir la voir, comme à Montréal où nous l'avions présentée pendant trois mois au centre PHI, l’un des rares musées au monde entièrement dédié à l’immersif. Nous étions restés un peu plus d’un mois à Beaubourg et c’était complet au bout de la première semaine.
Depuis l’automne, après avoir été beaucoup à l’étranger, nous sommes en tournée dans toute la France dans les théâtres, dont certains avaient joué la pièce. Cela m’a permis de faire des ateliers avec des scolaires sur place ou au long cours. Des élèves de lycées pros ou en CAP, que nous privilégions, sont venus voir l’expérience immersive et nous avons ensuite travaillé. Avant de venir de Cannes, j’ai fini un atelier avec trois classes de lycée professionnel. Nous avons ainsi reconstitué le procès de Claudette avec une avocate.
L’immersif est multiforme. Quelle en serait votre définition ?
"Immersif" est un mot qui perd les gens parce qu’ils se demandent à quoi cela renvoie. D’autant qu’un livre peut être immersif. Ce mot rend compte aussi de la difficulté de résumer un concept qui peut se décliner à l’infini. From Dust [prix de la Meilleure œuvre immersive de l’édition 2025] est le film d’un compositeur d’opéra qui a créé une œuvre autour de cet univers.
Quand j’ai découvert ce monde de l’immersif, je me suis dit que les débuts du cinéma, ça devait être comme ça. Il y a une énergie comparable. Faire de l'Immersif coûte cher, comme la pellicule pour le cinéma à ses débuts, et par conséquent ça vous oblige à faire des choix. Par ailleurs, c’est à la fois très technologique mais en même temps, c’est de l’artisanat pur parce que personne ne sait vraiment ce qu’il fait.
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