Festival de Cannes 2025 : Oliver Laxe décoiffe la Croisette avec "Sirat", une dinguerie aux accents de fin du monde et de voyage initiatique

Avec cette fable qui a électrisé jeudi le public de Cannes, le réalisateur franco-espagnol était en course pour la Palme d'or. Il a finalement obtenu le Prix du jury ex aequo avec "The Sound of Falling".

Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
"Sirat" d'Oliver Laxe, présenté en compétition lors de la 78e édition du Festival de Cannes, sortie le 10 septembre 2025. (PYRAMIDE DISTRIBUTION)
"Sirat" d'Oliver Laxe, présenté en compétition lors de la 78e édition du Festival de Cannes, sortie le 10 septembre 2025. (PYRAMIDE DISTRIBUTION)

Cet article a été mis à jour le 24 mai en indiquant que "Sirat" avait reçu le Prix du jury.

Le réalisateur franco-espagnol Oliver Laxe est depuis ses débuts dans le viseur du Festival de Cannes. Dès son tout premier long-métrage Vous êtes tous des capitaines, il reçoit en 2010, à la Quinzaine des réalisateurs le prix Fipresci. Il revient en 2016 à la Semaine de la critique avec Mimosas, qui lui vaut le Grand Prix, puis en 2019, il reçoit le Prix du jury avec Viendra le feu dans la section Un certain regard.

Oliver Laxe brigue pour la première fois une Palme d'or avec Sirat, présenté à Cannes jeudi 15 mai, une fable sombre et totalement déjantée avec un Sergi Lopez au sommet. Le film, qui a littéralement secoué la Croisette, sort en salle le 3 septembre.

Sirat s'ouvre sur une giga rave-party en plein désert marocain. Dans des paysages quasi extraterrestres, les corps d'une foule dansent dans un même mouvement devant un mur d'enceintes qui projette ses vibrations à des hauteurs de décibels qui ne risquent pas de déranger le voisinage.

Au milieu de cette fête étrange débarquent Luis (Sergi Lopez), avec son fils Esteban (Bruno Nuñez, vu dans la série La Mesias). Ils distribuent aux ravers la photo de Mar, la sœur d'Esteban, qui a disparu depuis plusieurs mois. Quand les engins blindés de l'armée marocaine arrivent pour évacuer les festivaliers, Luis, espérant toujours retrouver sa fille, décide de suivre une poignée de marginaux au grand cœur, vers une autre fête, qui doit se dérouler dans une zone plus turbulente du pays où les atouts et conforts du monde moderne n'ont plus cours.

Plus ils s'enfoncent dans ces paysages désertiques, plus leur périple se transforme en aventure extrême qui les confronte à la force de la terre, aux éléments, à la vie dans ce qu'elle a de plus originel, et aussi, à la mort.

Dans cet espace hors du temps, on croit voir les premiers hommes échoués sur terre, ou bien les derniers. "Ça fait longtemps que c'est la fin du monde", lance un des personnages à Luis, pour qui cette épopée se transforme en voyage intérieur, qui le frappe comme la foudre. Comme un réveil au monde, quand la mort aura passé son chemin.

"Un mouvement intérieur que nous espérons partager"

Allégorie d'un monde coupé de ses racines, ce film est une fable hypnotisante, portée par le son, travaillé par le réalisateur comme une matière physique, semblant sortir des entrailles de la terre et qui entre en résonance avec le cœur du spectateur. Un cœur au bord de lâcher quand l'aventure tourne au cauchemar. La mise en scène alterne des plans très larges du désert, d'une beauté à couper le souffle, et réserve des moments de tension extrême. On sursaute. On s'accroche au fauteuil.

Avec ce film radical, Oliver Laxe nous ramène à une humanité primale en compagnie d'une troupe d'âmes fracassées, qui n'ont encore rien vu de la brutalité du monde. Dans cette aventure, ils apprendront à accepter la vanité de leurs vies minuscules.

"Sirat" d'Oliver Laxe, présenté en compétition lors de la 78e édition du Festival de Cannes, sortie le 3 septembre 2025. (PYRAMIDE DISTRIBUTION)
"Sirat" d'Oliver Laxe, présenté en compétition lors de la 78e édition du Festival de Cannes, sortie le 3 septembre 2025. (PYRAMIDE DISTRIBUTION)

Cette expérience ultime les conduira peut-être, comme l'indique le plan final, sur le chemin de leur propre vérité, dans un même mouvement vers un horizon ouvert, humain parmi les humains (pour ceux qui survivent).

"Le monde nous oblige à regarder en nous, comme le font les personnages du film. Et c'est un geste fondamental. Un mouvement intérieur que nous espérons partager avec Sirat : une lumière née de l'obscurité", explique le réalisateur, qui nous invite à partager par la magie de son cinéma cette incroyable odyssée qui porte le nom de "Sirat", "qu'on pourrait traduire par "chemin" ou "voie". Un chemin à deux dimensions, l'une physique, l'autre métaphysique ou spirituelle".

Radicalité, audace, spectacle et spiritualité, ce cocktail explosif pourrait bien séduire le jury de cette 78e édition.

"Sirat" d'Oliver Laxe, présenté en compétition lors de la 78e édition du Festival de Cannes, sortie le 10 septembre 2025. (PYRAMIDE DISTRIBUTION)
"Sirat" d'Oliver Laxe, présenté en compétition lors de la 78e édition du Festival de Cannes, sortie le 10 septembre 2025. (PYRAMIDE DISTRIBUTION)

La fiche

Genre : Drame
Réalisation : Oliver Laxe
Avec : Sergi Lopez, Bruno Nuñez, Jade Oukid
Pays : Espagne, France
Durée : 2h00
Sortie :
3 septembre 2025
Distributeur :
Pyramide Distribution
Synopsis : Un père et son fils parviennent à une rave perdue au cœur des montagnes du sud du Maroc. Ils cherchent Mar – fille et sœur – disparue depuis plusieurs mois lors de l'une de ces fêtes sans fin. Plongés dans la musique électronique et une liberté brute qui leur est étrangère, ils distribuent inlassablement sa photo. L'espoir s'amenuise, mais ils s'obstinent et suivent un groupe de ravers vers une dernière fête dans le désert. À mesure qu'ils s'enfoncent dans l'immensité brûlante, le voyage les confronte à leurs propres limites.

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