Festival de Cannes 2025 : les frères Dardenne remportent le Prix du scénario avec "Jeunes mères", un film bouleversant sur la maternité précoce
Dans ce film, le dixième présenté en compétition à Cannes, les frères Dardenne peignent le portrait de cinq jeunes mères. Les deux réalisateurs ont reçu le Prix du scénario.
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Cet article a été mis à jour le 24 mai avec le verdict du jury. Le Prix du scénario a été attribué aux frères Dardenne.
Jessica, Perla, Julie, Ariane et Naïma sont toutes les cinq accueillies dans une maison maternelle. Pas encore entrées dans l'âge adulte, elles sont déjà devenues mères. Qu'elles acceptent ou pas leur maternité, elles sont accompagnées dans ce centre d'accueil pour vivre au mieux leur grossesse, leur accouchement et les premiers mois avec leur enfant.
Habitués de la Croisette avec des films qui contrastent avec le faste cannois, les deux cinéastes ont déjà raflé deux Palmes d'or avec Rosetta (1999) et L'Enfant (2005). Après Tori et Lokita, récompensé par un Prix spécial de la 75e édition en 2022, les frères Dardenne reviennent cette année avec un film qui plonge le spectateur dans le quotidien d'une poignée de jeunes mères, mineures, accueillies dans une maison maternelle. Jeunes mères sort dans les salles le jour de sa présentation en compétition officielle, vendredi 23 mai.
Si elles ont des vies et des origines diverses, les cinq "jeunes mères" ont toutes en commun un passé douloureux, avec des histoires familiales compliquées, des filiations complexes, des chemins rompus. Ariane se bat avec une mère toxique, Perla avec un amoureux irresponsable, Julie avec ses addictions, Jessica cherche sa mère. Naïma, elle, a déjà fait un bon petit bout de chemin quand démarre cette histoire.
On découvre la vie de ces jeunes filles à la maison maternelle. Avec un personnel de l'établissement, elles apprennent à accomplir les gestes du quotidien pour le soin de leur bébé. Dans cette situation périlleuse, où chaque coup supplémentaire, chaque petit pas de travers, peut conduire à la catastrophe, les accompagnants de la maison maternelle sont là. Ils offrent aux jeunes mères une écoute, mais aussi un cadre, avec des règles, propices à l'épanouissement d'une relation avec leur enfant, mais aussi au développement de leur sens des responsabilités.
Dans cet espace protégé, qui offre les conditions nécessaires à la construction de leur avenir, elles apprennent aussi à gérer les émotions, qui surgissent en cascade en raison de leur grossesse, mais aussi de leurs parcours et des obstacles qu'elles ont à surmonter pour décider ce qui est bon pour elles-mêmes et pour leur bébé.
Tisser des liens
Le film met en lumière les enjeux de cette période cruciale qui suit l'accouchement, et qui va fortement conditionner l'avenir de ces mères encore mineures et celui de leurs enfants. Il montre bien la nécessité de l'accompagnement. Grâce à ce lieu d'accueil, un refuge, un lieu d'écoute et de bienveillance, Jessica, Julie, Ariane, Naïma et Perla finissent par accueillir plus sereinement ce qui leur arrive, et peuvent envisager l'avenir.
Un lieu où elles apprennent à surmonter leurs peurs, leurs angoisses, pour devenir des adultes responsables, capables de s'affranchir d'un déterminisme familial, social, qui colle à la peau de leurs familles de génération en génération. Cette émancipation qui va aussi leur permettre de prendre les décisions en conscience, qu'elles jugent bonnes pour la suite de leur vie et celle de leur enfant. "L'arrivée de l'enfant joue un rôle. C'est une rupture, dans chacune de leurs vies, mais qui permet aussi d'aller vers leur lumière à elles", précise Jean-Pierre Dardenne dans un entretien à franceinfo Culture.
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La caméra des frères Dardenne capture avec intensité et pudeur ce qui se joue dans ce moment décisif pour ces jeunes mères à peine sorties de l'enfance, catapultées brutalement dans un monde d'adultes, de responsabilité, de gravité. Entre leur quotidien et ce que l'on découvre, au fil du récit, de leurs histoires passées, se font entendre des échos. Jessica peut-elle devenir mère sans connaître la sienne ? Comment construire une relation avec son bébé quand tous les liens ou presque ont été rompus dans sa propre vie ?
En choisissant de s'intéresser à plusieurs jeunes filles, Jean-Pierre et Luc Dardenne racontent non seulement la singularité de chaque destin, mais aussi une histoire partagée, qui éclaire sur cette question complexe de la maternité des mineures. "Ces jeunes mères passent des moments ensemble dans la maison maternelle, mais ce sont aussi cinq solitudes", souligne Jean-Pierre Dardenne. "Chacune est confrontée à ses propres problèmes, ses propres poids, son propre destin, ses choix à faire, à ne pas faire. On a voulu que ce soient des histoires qui, si je puis dire, d'une certaine façon, finissent bien".
Le cinéma empathique et sans pathos des frères Dardenne
Film après film, les frères Dardenne construisent une œuvre cinématographique sociale de grande ampleur. En filmant des mères et leurs nourrissons, ils plongent cette fois aux origines de toutes les vies qu'ils racontent depuis cinquante ans. Leur caméra empathique, toujours placée au bon endroit, empoigne une vérité souvent tragique, sans jamais flirter d'aucune manière avec la facilité ou le pathos.
Sur la forme, la méthode des frères Dardenne est toujours la même : un réalisme brut, proche du documentaire, avec une caméra très proche de ses personnages, empathique, qui épouse les mouvements des protagonistes, souvent en plan séquence. On retrouve cette manière de filmer les nuques, les dos, qui invite le spectateur à cheminer dans les pas des personnages, à partager leurs tourments, leurs émotions, sans complaisance. "Il faut éviter la mise en spectacle de la souffrance. C'est ça qu'il faut avoir en tête... Et on le sent. Parfois, ça va trop loin, donc on fait marche arrière. C'est peut-être aussi pour cette raison qu'on ne met pas de musique", souligne Jean-Pierre Dardenne.
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L'art de débusquer des talents naissants, une spécialité des frères Dardenne, est ici démultiplié par la dimension chorale de ce nouveau long-métrage, porté par un quintet de jeunes actrices généreuses, saisissantes de justesse et d'intensité, en contrepoint d'actrices plus aguerries et tout aussi émouvantes, à l'instar d'India Hair, d'une retenue remarquable.
"Jean-Pierre et Luc Dardenne reviennent", a souligné presque en s'excusant Thierry Frémaux lors de la conférence de présentation de la sélection officielle. "Nous assumons", a-t-il poursuivi. "Comme les éditeurs, fidèles à leurs auteurs, le Festival de Cannes est fidèle à quelques cinéastes, et spécialement aux frères Dardenne", a-t-il justifié. "Nous accompagnons cette chronique de la désindustrialisation, cette chronique des gens qui tombent dans une certaine marginalité, cette chronique de ce que devient le monde à travers des destins de la Belgique contemporaine". Les frères Dardenne sauront-ils une fois encore toucher le jury du festival avec ce nouveau chapitre de cette chronique ? Verdict samedi.
La fiche
Genre : Drame
Réalisateur : Jean-Pierre et Luc Dardenne
Avec : Babette Verbeek, Elsa Houben, Janaïna Halloy Fokan
Pays : Belgique, France
Durée : 1h45
Sortie : 23 mai 2025
Distributeur : Diaphana Distribution
Synopsis : Jessica, Perla, Julie, Ariane et Naïma sont hébergées dans une maison maternelle qui les aide dans leur vie de jeune mère. Cinq adolescentes qui ont l'espoir de parvenir à une vie meilleure pour elles-mêmes et pour leur enfant.
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