Festival de Cannes 2025 : "La Vie après Siham", Namir Abdel Messeeh sur les traces de sa famille en France et en Égypte
Le réalisateur d'origine égyptienne signe un documentaire bouleversant sur le deuil et la transmission et questionne la mémoire collective et familiale. Comment survivre au décès des êtres chers et que léguer à ses propres enfants ?
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Rendez-vous est pris au Café des cinéastes, à Cannes. Namir Abdel Messeeh est au festival pour son dernier documentaire, La Vie après Siham, qui fait partie de la sélection de l'Acid (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion). Physique de rugbyman, la cinquantaine, l'homme est doux et bienveillant, le cinéaste alerte et attentif. L'ancien étudiant de la Fémis, "c'était il y a bien longtemps", est un passionné. Le cinéma, toujours le cinéma. "Si on peut influer sur une personne, changer son regard, on a réussi quelque chose", dit-il d'emblée.
L'homme est blessé, encore en deuil. La mort de sa mère et huit ans plus tard de son père ont laissé une grande douleur en lui. Comme tout enfant, il les croyait éternels, immortels. Ainsi, le documentaire est une forme de catharsis. "Pourquoi ce film ? Pour survivre, dépasser le deuil, la perte, l'incompréhension de la mort des gens qu'on aime. C'est une motivation personnelle qui rejoint une question existentielle." Le cinéaste prend le relais du fils.
Ma mère, mon père et moi
Namir Abdel Messeeh décide donc de creuser l'histoire de sa famille, en France et en Égypte. Il en est à son troisième documentaire après You, Waguih et La Vierge, les coptes et moi, succès critique et public qui a réuni près de 112 000 spectateurs en salles.
Tout le monde n'a pas la chance d'avoir un père communiste. Waguih Abdel Messeeh a connu la prison en raison de ses engagements politiques. Libéré sous Nasser puis poussé à l'exil sous Anouar el-Sadate, il voulait se rendre en Angleterre et se retrouve en France, un pays dont il ne parle pas la langue.
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De son village Om Doma en Haute-Égypte à Paris, le chemin est un parcours du combattant. "Mon père est issu d'une famille de paysans pauvres qui arrivent tout juste à satisfaire leurs besoins alimentaires. Il n'y avait ni électricité, ni eau, il fallait marcher cinq kilomètres pour se rendre à l'école primaire".
À l'écran, on retrouve un père qui plonge dans la douleur et la solitude après le décès de sa femme. Namir Abdel Messeeh filme leurs discussions, examine correspondances et photographies familiales, pour revenir sur les circonstances de la rencontre de ses parents et leur exil en France.
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L'objectif de ce film, ponctué par des extraits de films de Youssef Chahine, est, dit-il, "de rendre hommage à mes parents". Quelques fois, la caméra se montre intrusive, voire embarrassante. Au risque de placer le spectateur dans une posture voyeuriste. "J'ai laissé volontairement ces scènes par honnêteté. Entre fâcher brièvement mon père, par exemple, et faire passer le message du documentaire, j'ai fait mon choix. Mon but est de transmettre un message d'amour, une expérience difficile et douloureuse", reconnaît Namir Abdel Messeeh qui confie être "un filmeur compulsif".
Le cinéaste est confronté à la perte et à la finitude. Ses parents ont vécu jusqu'à leur mort dans le mythe du retour. Le fils les a accompagnés jusqu'au bout, le cinéaste, lui, continue de les faire vivre.
La fiche
Réalisation : Namir Abdel Messeeh
Durée : 1h16
Date de sortie : NC
Image : Nicolas Duchêne
Son : Roman Dymny
Montage : Benoît Alavoine et Emmanuel Manzano
Musique : Clovis Schneider
Synopsis : Au moment de la disparition de Siham, Namir n'a pas compris qu'elle était partie pour toujours. Dans l'esprit d'un enfant, les mamans sont immortelles… Pour garder sa mémoire vivante, Namir enquête sur son histoire familiale entre l'Égypte et la France. Avec le cinéma de Youssef Chahine comme compagnon, une histoire d'exil et surtout d'amour se dessine.
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