Cannes 2019 : "La femme de mon frère", comédie déjantée de Monia Chokri ouvre Un certain regard
L’actrice canadienne Monia Chokri révélée par Xavier Dolan passe derrière la caméra avec "La femme de mon frère", comédie déjantée qui décrit avec justesse la relation fusionnelle entre un frère et une sœur trentenaires. Avec une fabuleuse Anne-Elisabeth Bossé.
Joli parrainage pour Monia Chokri, qui présentait son premier long métrage en ouverture de la section Un certain regard : Nadine Labaki, présidente de ce jury, était présente dans la salle avec son équipe (Marina Foïs, Lukas Dhont, le réalisateur de Girl primé l’année dernière). Egalement Rithy Pahn (président de la Caméra d’or, qui récompense les premiers films), Zabou Breitman (en compétition aussi dans Un certain regard). Et surtout la figure tutélaire, Xavier Dolan, avec lequel Monia Chokri comédienne faisait ses débuts cannois il y a neuf ans.
Anne-Elisabeth Bossé, de la bande à Dolan
D'ailleurs le cinéma, c'est une affaire d'amis pour Monia Chokri, qui sur la scène de la Salle Debussy avant la projection du film prend la peine d'égrener leurs prénoms comme pour signifier la présence d'une bande. Parmi eux Anne-Elisabeth Bossé, actrice aussi de Xavier Dolan, elle est le personnage principal de La femme de mon frère, qu'elle porte littéralement et avec talent.
Elle y est Sophia, habitante de Montréal, la trentaine avancée, titulaire brillante d'un doctorat sur Gramsci, mais sans emploi depuis qu'elle vient d'apprendre que le poste qu'elle convoitait à l'université a été finalement attribué au fils du titulaire de la chaire. Sophia est ce qu'il est convenu d'appeler une "adulescente", déconnectée du monde du travail, ennemie du réveil, et incapable d'assurer avec régularité son job de guide dans une galerie d'art.
Son univers se limite à ses parents, très proches, profil soixante-huitard débordant de bonheur, une amie presque aussi déboussolée qu'elle et, surtout, son frère Karim (autre très bon comédien, Patrick Hivon), avec lequel elle aimerait passer tout son temps et chez qui elle a élu domicile.
Rythme endiablé
D'emblée, La femme de mon frère nous saisit par le rythme : plans souvent très serrés, caméra à l'épaule autant que fixe, montage cut, très rapide, avec quelques clins d'œil à la première Nouvelle Vague. On se retient presque de respirer. Et les dialogues : longs ou (très) hachés, souvent savoureux dans leur côté décalé, malheureusement pas toujours compréhensibles pour les non Canadiens, tant ils puisent dans les expressions locales. Enfin l'humour, comique de situation omniprésent et sans lourdeur.
On serait assez vite tentés de ne voir dans La femme de mon frère qu’un portrait de génération. Celle de ces trentenaires très éduqués, mais hors système, qui ne croient plus à grand-chose. Sophia (qui a pourtant passé huit ans sur une figure clé du communisme italien) a par exemple du mal à comprendre l'opposition paternelle au libéralisme et à l'argent roi et rêve d'un bonheur en billets verts auquel en même temps elle ne s'emploie pas. Question famille, guère mieux, sans enfant, elle n'imagine pas donner naissance à des enfants dans un monde sans bonheur… Son frère dit : "Je la loge en attendant qu'elle trouve un sens à sa vie", résumant bien la situation. Mais il n'y pas que cela.
Relation fusionnelle entre un frère et une sœur
La femme de mon frère est aussi un itinéraire intime, personnel, dans lequel la réalisatrice scrute la cellule familiale, composée (comme celle de Monia Choukri) d'un père d'origine arabe et d'une mère du Québec, qu'elle décrit avec beaucoup de finesse et humour et d'un frère omniprésent. Et s'attarde justement sur cette relation fraternelle fusionnelle si particulière avec tendresse et à-propos. C’est sans doute l’intérêt principal du film. Seulement cette relation est mise à l'épreuve quand Karim tombe amoureux d'une femme connue par l'intermédiaire de sa sœur (sa gynécologue) et décide de s'installer avec elle. C'est là que le film s'enlise quelque peu perdant de son originalité même s'il gagne quelques belles scènes avec l'excellente Evelyne Brochu.
La fiche
Genre : Comédie
Réalisateur : Monia Chokri
Acteurs : Anne-Elisabeth Bossé, Patrick Hivon, Sasson Gabai, Evelyne Brochu
Pays : Canada
Durée : 1h57
Sortie : 26 juin 2019
Distributeur : Memento Films Distribution
Synopsis : Montréal. Sophia, jeune et brillante diplômée sans emploi, vit chez son frère Karim. Leur relation fusionnelle est mise à l’épreuve lorsque Karim, séducteur invétéré, tombe éperdument amoureux d’Eloïse, la gynécologue de Sophia…
À regarder
-
Prostituée de force : le récit glaçant d'une adolescente
-
Le cinéaste iranien Jafar Panahi obtient la Palme d'or : "Arrivons à ce moment où personne n'ose nous dire ce qu'il faut porter, dire ou faire..."
-
"L'Hymne à l'amour" en anglais en clôture du 78e Festival de Cannes
-
Cannes : "Maman, j'espère que tu es très fière..." À 23 ans, Nadia Melliti décroche le Prix d'interprétation féminine
-
L'actrice Cate Blanchett sur le dernier tapis rouge de la 78e édition du Festival de Cannes
-
Pedro Pascal et Austin Butler racontent leurs souvenirs du Covid
-
Cédric Klapisch : "Je ressentais jusque-là une sorte d'amertume à ne pas être à Cannes"
-
Paul Mescal à Cannes : "La masculinité est une notion à géométrie variable et le cinéma est en train de la redéfinir..."
-
Cannes : l'acteur Paul Mescal sur le tapis rouge pour défendre le film "The History of sound"
-
🎬 Cannes : avec trois films à Cannes à seulement 23 ans, Paul Kircher est la star montante du cinéma français
-
Cannes : Scarlett Johansson sur le tapis rouge pour son premier film en tant que réalisatrice
-
Golshifteh Farahani sur le film "Alpha" : "Le sida était une maladie liée à l’amour"
-
Cannes : Isabelle Huppert dans un portrait libre de Liliane Bettencourt dans "La femme la plus riche du monde"
-
Festival de Cannes : Tahar Rahim a perdu "plus de 20 kilos" pour le film "Alpha"
-
SCH à Cannes : "Comme ceux de Marcel Pagnol, je serais heureux que mes textes soient étudiés à l'école"
-
Droits de douane : pour Wes Anderson, Donald Trump "veut prendre tout le pognon"
-
Tom Cruise : “Non, je ne défie pas la mort”
-
Lucky Love à Cannes : "La mode me permet de choisir mon identité et pourquoi on me regarde"
-
Laurent Laffite, voix de Marcel Pagnol : "Tant qu'un Parisien fait gagner l'OM, ça va"
-
Le rappeur SCH sur l'entrée du mot "gâté" dans le dictionnaire : "On y aura été pour quelque chose, ça fait plaisir !"
-
Hafsia Herzi : "Je savais qu'il y avait des gens homophobes mais pas à ce point"
-
Cannes : "Quand il n'y a plus de rires, il n'y a plus de vie..." Philippe Katerine nous révèle ses secrets du couple qui dure.
-
Cécile de France affronte une IA doublée par Mylène Farmer dans "Dalloway"
-
Pourquoi le Festival de Cannes a écarté un acteur du film "Dossier 137"
-
Festival de Cannes : le rugbyman Antoine Dupont tout sourire sur le tapis rouge
-
Cannes rend hommage à la photojournaliste palestinienne Fatma Hassona, tuée à Gaza.
-
"Mission : Impossible" : Pom Klementieff livre ses anecdotes de tournage avec Tom Cruise
-
Festival de Cannes : la musique de "Mission : Impossible" jouée sur le tapis rouge pour accueillir Tom Cruise
-
Juliette Armanet à Cannes : "J'ai 41 ans, je n'ai pas l'impression d'avoir réglé quoique ce soit dans ma vie."
-
Festival de Cannes : revivez l'hommage en chanson de Mylène Farmer à son ami David Lynch
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter