Enya Baroux : "La fin de vie reste un sujet tabou", déplore la réalisatrice de "On ira"

La réalisatrice sort mercredi 12 mars son premier long-métrage, comédie faussement légère sur une femme âgée et malade qui choisit de recourir au suicide assisté en Suisse via un road trip en caravane farfelu, et espère que le film pourra aider à faire évoluer le regard public sur la question.

Article rédigé par Matteu Maestracci
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
La réalisatrice Enya Baroux, le 28 février 2025. (DYLAN MEIFFRET / MAXPPP)
La réalisatrice Enya Baroux, le 28 février 2025. (DYLAN MEIFFRET / MAXPPP)

A 34 ans, Enya Baroux, fille d'Olivier (comédien et moitié du duo "Kad et Olivier" mais aussi réalisateur, notamment des quatre premier volets des Tuche) se lance dans le grand bain avec son premier long-métrage On ira porté par un bon quatuor de comédiens : Hélène Vincent, Pierre Lottin, David Ayala et Juliette Gasquet, comédie dramatique en salles le 12 mars.

franceinfo : Ce projet de film vous le portiez depuis plusieurs années...

Enya Baroux : Oui ! Sept ans, depuis le début de l'écriture à la sortie aujourd'hui. D'abord parce qu'il s'est avéré difficile à financer, de par son sujet et parce que c'était un premier film. Les deux ans de Covid-19 au milieu ont aussi rallongé ce délai, mais, de toute façon, un premier long-métrage c'est assez long à faire, et c'est normal.

Vous vouliez transcender votre histoire personnelle, raconter une histoire inspirée de celle de votre grand-mère, mais en ajoutant de la fiction et un ton humoristique.

J'avais besoin de corriger ce qui s'était passé avec la fin de vie de ma grand-mère, qui était une personne très joyeuse et très autonome, et dont le pire cauchemar était d'être diminuée. Malheureusement elle a eu un cancer et une fin de vie assez triste finalement, donc quand elle est partie je me suis emparé de l'écriture et du cinéma pour essayer de lui offrir une fin de vie davantage à son image : avec de l'humour et de la légèreté parce qu'elle était très drôle.

Comment trouve-t-on cet équilibre délicat entre émotion et comédie ?

On a tenté de ne jamais perdre de vue qu'on ne voulait à la fois pas être trop dans le gag permanent ni trop tire-larmes, avec mes co-scénaristes qui sont très forts (Martin Darondeau et Philippe Barrière) on avait cette ligne directrice tout le temps. Ni trop potache, ni trop pathos. Mais c'est aussi comme ça qu'on veut traiter les sujets qui nous angoissent : avec de l'humour et du second degré.

Il y a une envie du public de communiquer qui est forte

Enya Baroux

à franceinfo

Pourquoi votre film a mis du temps à être financé et pourquoi ceux sur le sujet en France, signés François Ozon ou Costa-Gavras récemment, se comptent sur les doigts d'une main ?

Parce que la fin de vie reste un sujet super tabou dans notre société. Le deuil, la maladie, sont des sujets qui font peur aux gens, et je pense qu'on ne s'y attaque pas de peur d'effrayer le public ou que les spectateurs. Et les artistes eux-mêmes ont peur de s'en emparer, ça reste des sujets "casse-gueule". Mais je me rends compte avec le retour des spectateurs dans les avant-premières qu'il y a une envie de communiquer qui est forte, il faut juste trouver le moyen idéal de le faire.

Vous dites faire un film inconsciemment militant, mais pas forcément politique, est-ce qu'une œuvre culturelle peut selon vous faire évoluer, à défaut des lois, le regard d'une société ?

Je crois que n'importe quel projet est politique en réalité, puisque chaque démarche culturelle s'appuie sur un point de vue. En l'occurrence, mon point de vue de réalisatrice ici est celui du personnage de Marie, il est assez clair sur la liberté de choisir sa propre fin de vie en conscience. J'espère évidemment que le film va ouvrir une forme de discussion sur le sujet, le sortir de sous le tapis et alléger un peu le poids de ces tabous. C'est déjà d'ailleurs le cas, les gens sortent du film en évoquant ce tabou.

Marie, personnage principal, est jouée par Hélène Vincent, excellente et dont le long pedigree au cinéma ou au théâtre parle pour elle. Dans un rôle un peu ingrat ou elle apparaît souvent affaiblie, malade, sans maquillage ou décoiffée. Vous la vouliez absolument ?

Hélène Vincent est une actrice qui se met beaucoup en danger, qui aime profondément son travail et qui surtout est très humble. Par exemple, elle est très reconnaissante quand on l'appelle pour un rôle, alors que quand on regarde sa filmographie ça devrait être nous les flattés (rires). Elle ne se pose pas de question et va à fond dans son rôle quand elle aime un personnage, je suis très admirative de son travail. Et dans ce cas précis elle n'était pas regardante sur son apparence, ce qui n'est jamais évident avec des comédiennes a fortiori quand elles ont un personnage. Mais elle fait beaucoup confiance aux jeunes, la preuve.

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