Vincent Lindon se met à nu sans filtre dans le documentaire choc "Cœur sanglant" de Thierry Demaizière et Alban Teurlai à voir sur Arte.tv

Dans ce portrait documentaire, auquel il a contribué avec de petites séquences intimes prises au smartphone, l'acteur se livre jusqu'à l'os.

Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
L'acteur français Vincent Lindon, au festival Lumière de Lyon (France), le 20 octobre 2024. (ROMAIN DOUCELIN / NURPHOTO / AFP)
L'acteur français Vincent Lindon, au festival Lumière de Lyon (France), le 20 octobre 2024. (ROMAIN DOUCELIN / NURPHOTO / AFP)

"Je n'ai aucune patience. Je suis très irritable (…) Je suis d'un égoïsme et d'un égocentrisme qui n'a pas d'égal (…) Je suis avide de pouvoir (…) Je veux être le meilleur. Tout le temps. Et je veux que tout le monde le sache." Vincent Lindon n'y va pas avec le dos de la cuillère pour faire son autoportrait, dans le documentaire choc Cœur Sanglant, que lui consacrent Thierry Demaizière et Alban Teurlai, à voir mercredi 5 février sur Arte et dès à présent sur Arte.tv.

L'acteur se livre dans ce film à un exercice d'introspection hallucinant. Au point d'en être malaisant tout autant que fascinant. Dès les premières minutes, le spectateur est happé, scotché par tant d'impudeur. Impudeur qui s'arrête à sa compagne et à ses enfants, qu'il n'évoque que très brièvement et avec amour, "par respect".

Cela donne Vincent Lindon, esseulé, à la Closerie des Lilas, devant une assiette de bulots, se désespérant de n'avoir trouvé personne, après une dizaine de coups de fils, pour lui tenir compagnie ce soir-là. Vincent Lindon s'emportant au téléphone contre un journaliste qui l'a cité sans son accord. Vincent Lindon pris de sanglots à la vue d'un petit arbre isolé au milieu des champs : "Il est tout seul, comme moi, c'est sublime."

Quand tant de documentaires sur des personnalités ont tout du lissage autopromotionnel complaisant, l'acteur prend visiblement un malin plaisir à faire tout l'inverse, à montrer ses aspérités, ses travers, ses faiblesses, à dire l'inavouable. Comme lorsqu'il détaille son obsession de la vitesse… Jusque dans les toilettes. "J'ai décidé que je n'avais pas le temps. Je fais tout vite. (…) Même pipi. Je n'attends pas la dernière goutte, hop je te remballe tout ça. Faut que ça aille vite."

Une âme tourmentée qui "n'a pas eu son compte affectif"

Avec son smartphone, Vincent Lindon fait "souvent des petits films, des vocaux, comme un petit journal", pour lui-même ou pour ses proches. Il en a donné aux réalisateurs 150 heures au total, constituées de réflexions, de ruminations et d'images, dans lesquelles Demaizière et Teurlai, déjà auteurs d'un premier documentaire sur l'acteur en 2012, ont dû trier. Une matière qu'ils ont complétée en tournant des séquences tout aussi intimes, mais plus léchées visuellement, dans lesquelles il se livre à cœur ouvert.

Se dessine le portrait d'une âme tourmentée, impatiente, angoissée, d'un insatisfait chronique, "habité par un désespoir profond". Une personnalité pleine de paradoxes, hantée par une béance terrible liée à l'enfance. Traumatisé par le divorce de ses parents à l'âge de 5 ans, Vincent "n'a pas eu son compte affectif", résume l'un de ses médecins dans une lettre qu'il exhume de ses archives.

Agité, "bourré de tics", "j'ai senti quand j'étais petit, que j'étais une déception" pour mes parents, confie-t-il. Il n'a cessé, depuis, de ramer pour obtenir leur reconnaissance. À Cannes en 2015, lorsqu'il reçoit le prix d'interprétation masculine pour La Loi du marché de Stéphane Brizé, il pense encore très fort à eux : "J'ai fait tout ça pour qu'ils me voient, et ils ne sont pas là", se désole-t-il au micro.

"Je suis un monstre"

"Puisque personne ne m'aimait comme il faut, parfois, je me dis : mais je n'aime personne, en fait, même pas moi. Je suis un monstre", lâche-t-il à la caméra. Un monstre du cinéma français, assurément. Que parler de son métier d'acteur ennuie visiblement profondément. Mais dont il parle pourtant très bien, de façon détournée. "Est-ce que je fais ce métier pour être d'autres gens ? Pour échapper à ce monstre tentaculaire que je suis et que même moi, je suis soulagé de voir partir, de temps en temps ?".

Il y a quelque chose d'admirable et de courageux à se livrer ainsi publiquement, sans filtre, dans une autoanalyse "lucide", souvent poignante, comme on va chez le psy ou à confesse. Même si l'on sent toujours l'ego, énorme, planer derrière ce déballage. Un ego qui voit loin. Pour le tomber de rideau, Vincent Lindon en est à la 55e version de son testament et il a déjà prévu les musiques. "C'est intolérable d'avoir à quitter cette terre", dit-il. Alors "je veux que les gens soient très très très tristes quand je vais mourir."

"Vincent Lindon - Cœur sanglant" de Thierry Demaizière et Alban Teurlai (1h25) sur Arte.tv et sur Arte, mercredi 5 février 2025, à 22h35

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.