Cannes 2013 : "Only Lovers Left Alive" de Jarmusch illumine les grands nocturnes
Caméra d'or à Cannes en 1984 avec "Stranger than Paradise", Palme d'or du court en 1993 pour "Coffee and Cigarettes", Prix de la meilleure contribution artistique en 1989 pour "Mystery Train", Grand prix en 2005 avec "Broken Flowers", 6 autres fois sur la Croisette, Jim Jarmusch revient dans la compétition avec un film de vampires à la belle distribution: Tilda Swinton, Tom Hiddleston et John Hurt
De Jim Jarmusch (Etats-Unis), avec : Tilda Swinton, Tom Hiddleston, John Hurt, Mia Wasikowska - 2h03 - Sortie : non déterminée
Synopsis : Dans les villes romantiques et désolées que sont Détroit et Tanger, Adam, un musicien underground, profondément déprimé par la tournure qu’ont prise les activités humaines, retrouve Eve, son amante, une femme endurante et énigmatique. Vampires, leur histoire d’amour dure depuis plusieurs siècles, mais leur idylle débauchée est bientôt perturbée par l’arrivée de la petite sœur d’Eve, aussi extravagante qu’incontrôlable. Ces deux êtres en marge, sages mais fragiles, peuvent-ils continuer à survivre dans un monde moderne qui s’effondre autour d’eux ?
Jim Jarmusch cèderait-il à la folie « Twilight » et autres vampires en séries qui cartonnent auprès des adolescents ? Serait-il un opportuniste patenté ? Loin s’en faut au regard de « Only Lovers Left Alive », dédié aux grands nocturnes, dont la beauté visuelle à couper le souffle rivalise avec des personnages attachants, à la personnalité envoûtante, et où la musique transcendantale élève jusqu’au ciel. Aussi le nouveau Jarmusch pourrait très bien prétendre au Prix de la mise en scène de cette 66e édition. Bourré d’humour et nonchalant, entrez dans le monde de la nuit immaculée.
Si le film avait une référence quelconque, elle serait du côté de « Lestat le vampire », le deuxième tome de la saga vampirique d’Anne Rice (après « Entretien avec un vampire »). Adam (Tom Hiddleston) est comme Lestat une star du rock, mais, lui, a choisi de laisser tomber sa carrière pour vivre en reclus. Misanthrope jusqu’au bout des ongles, il pense même à se suicider à l’aide d’une balle en bois de 36 mm tirée dans le cœur, beau subterfuge au pieu ancestral, en ce XXIe siècle naissant. Ce qui retient Adam, c’est Eve (Tilda Swinton), avec laquelle il vit un amour passionnel sans borne depuis plusieurs siècles. Passant d’un pays à l’autre, ils vivent, survivent disent-il, à la marge d’un monde qui part à la dérive, peuplé de ce qu’ils appellent des zombies, incultes, nourris aux même fadaises de masse, sans cerveau. Adam qualifie ainsi Los Angelès de « capitale des zombies ». Ils se classent assurément dans l’aristocratie, avec une prestance et une classe qui les démarquent du tout venant. Esthètes, issus du passé, ils n’aiment rien tant que la beauté des objets d’antan, qu’Eve parvient à dater seulement en les effleurant. Mais leur propre « race » est elle-même menacée, par des individus tels que la sœur d’Eve (Mia Wasikowska), vampirisée à l’adolescence et qui enquille gaffe sur gaffe, par son inconsistance.
Modernité
Si Adam méprise cet avatar d’humanité qui les entoure, Eve garde de la compassion et reste pétrie d’espoir. Ils ne peuvent plus se nourrir à sa source, tant elle est corrompue, devant absolument se sustenter de sang non contaminé, qu’ils se procurent dans les hôpitaux. Aussi, si Jim Jarmusch respecte les codes très marqués du thème vampirique, il en inverse un essentiel. Celui de l’aristocrate décadent, la déchéance étant ici du côté des mortels, dont le destin part à vau-l’eau, par leur violence, leurs guerres, leurs perversions, et leur inculture. Enracinés dans le passé, Adam et Eve sont tout autant ancrés dans le présent, incarnant ainsi ce qui définit la modernité. Tout comme leur compagnon, le poète et dramaturge anglais Christopher Marlowe (John Hurt) qui, né en 1564, n’est pas mort comme on le croit en 1593… Tilda Swinton est d’une beauté lumineuse fulgurante, diaphane, presque transparente, alors que Tom Hiddleston, ténébreux, incarne la fascination du romantisme noir. Complémentaires, à l’image de leurs patronymes, Adam et Eve, ils personnifient un couple idéalisé qui se suffit à lui-même, comme la figure embryonnaire d’une humanité régénérée. Poétique, politique, drôle, rock n’ roll, « Only Lovers Left Alive » est avant tout un hymne à la vie. Car comme dit le titre, seuls les amoureux restent vivants.
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