"C'est d'une tristesse absolue" : en Nouvelle-Aquitaine, la suppression d'aides pour les options artistiques au lycée consterne enseignants et artistes
Dans un contexte d'austérité budgétaire, la direction régionale des affaires culturelles de Nouvelle-Aquitaine prévoit de supprimer les subventions pour les interventions d'artistes dans les lycées de la région. Une décision qui suscite l'indignation.
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Une vague d'indignation et d'inquiétude. Début avril, plusieurs établissements scolaires proposant des options artistiques facultatives en Nouvelle-Aquitaine ont été informés que celles-ci ne seraient plus subventionnées à partir de la rentrée prochaine, par la direction régionale des affaires culturelles (Drac), rattachée au ministère de la Culture. Les partenaires culturels de ces établissements scolaires en ont également été prévenus, de façon informelle, selon plusieurs témoignages recueillis par franceinfo.
"Silence sur scène. (...) Plus aucun financement pour faire intervenir des artistes auprès des élèves. Plus de projets, plus de rencontres, plus de création partagée", s'est ému le corps enseignant du lycée Maurice-Genevoix de Bressuire (Deux-Sèvres), dans une publication sur son compte Instagram, le 12 avril. "Ce n'est pas juste une ligne budgétaire qu'on supprime. C'est une part essentielle de l'éducation, de la culture et de l'humanité", s'est-il indigné. La publication a recueilli plus de 19 000 likes en trois jours, avant d'être supprimée.
Une décision dans un "contexte budgétaire contraint"
Contactée par franceinfo, l'antenne régionale du ministère de la Culture en Nouvelle-Aquitaine confirme avoir pris cette décision "dans un contexte budgétaire contraint" : "A la suite du vote de la loi de finances pour 2025, en particulier dans le champ de l'action territoriale et de l'éducation artistique et culturelle, la Drac Nouvelle-Aquitaine est conduite à ajuster certains de ses soutiens financiers. C'est le cas de ceux accordés jusqu'à présent aux options artistiques facultatives dans les lycées (cinéma, théâtre, danse…) pour lesquelles le financement était minoritaire."
Autrement dit, la Drac Nouvelle-Aquitaine n'est plus en mesure de financer l'emploi d'artistes (comédiens, metteurs en scène...) qui accompagnent des lycéens, dans le cadre de leurs options artistiques facultatives. "On était l'une des rares régions à [financer des artistes], car on était en capacité de le faire. D'autres régions ne le faisaient plus depuis plusieurs années", affirme la Drac auprès de franceinfo.
Comment expliquer un tel arbitrage ? "L'objectif est de ne pas compromettre le financement des enseignements de spécialité qui, eux, sont obligatoires, en première et terminale", détaille l'administration. "Les interventions artistiques, que ce soit dans le cadre des options facultatives ou des enseignements de spécialité, seront financées jusqu'à la fin de l'année scolaire en cours", assure-t-elle.
Un "plan social qui ne porte pas son nom"
La région Nouvelle-Aquitaine n'est pas la seule à subir des coupes budgétaires. "La baisse des crédits du programme 361 qui vise à soutenir des projets en matière d’éducation artistique et d’action territoriale est bien une diminution en 2025 de l’ordre de 15 à 20%. Cette baisse touche l’ensemble des régions", confirme le ministère de la Culture auprès de franceinfo. "Le principe de la déconcentration des crédits auprès des Drac consiste dans la libre appréciation par la Drac de leur utilisation (...) Chaque Drac doit pouvoir être en capacité d’apprécier, en fonction du contexte régional et de ses engagements contractuels, la répartition nécessaire de cette baisse des crédits", fait-on savoir au ministère.
"C'est un plan social qui ne porte pas son nom", réagit auprès de franceinfo Philippe Demoulin, metteur en scène et délégué régional Nouvelle-Aquitaine pour le Syndicat national des arts vivants (Synavi). "On va avoir une précarisation des compagnies de théâtre, ce qui va mettre en danger des emplois permanents. (...) Il y a aussi des intermittents qui risquent de ne pas renouveler leur statut, parce qu'ils n'auront pas assez d'heures de travail, et qui tomberont dans les minimas sociaux", anticipe-t-il.
Début janvier, l'Etat avait déjà annoncé le gel du budget du Pass culture collectif, alloué au financement des activités d'éducation artistique et culturelle (EAC) dans le cadre scolaire, à hauteur de 50 millions d'euros pour 2025. Cette enveloppe servait également à financer l'intervention d'artistes au sein d'établissements scolaires.
De nombreux artistes néo-aquitains, touchés par ces restrictions, ont fait part de leur stupeur à franceinfo. "J'ai des options théâtre qui sont menacées", déplore Marc*, metteur en scène. Avec sa compagne, l'artiste animait trois ateliers théâtre dans un lycée de la région, à hauteur de 120 heures par an. "Ça vient de façon tellement brutale ! Il n'y a pas eu de concertation. On est comme des lapins pris dans les phares, témoigne le professionnel. Je vois la bouffée d'oxygène que peut représenter le théâtre pour des élèves en décrochage scolaire. Ce n'est pas le moment de supprimer tous ces sas, alors que les élèves sont fragilisés par l'anxiété !"
"On veut faire des économies, donc on arrête de soutenir les artistes. Notre ministère de tutelle nous lâche dans la nature."
Marc*, metteur en scèneà franceinfo
Jeanne*, comédienne et partenaire culturelle d'un lycée de la région, a été informée par un mail de sa conseillère de la Drac, le 2 avril. "J'étais sous le choc. Il a fallu que je relise le mail trois fois avant de comprendre", témoigne-t-elle auprès de franceinfo. "Le proviseur m'a assuré qu'il ne voulait pas que l'option disparaisse – elle date d'il y a plus de trente ans – et qu'il allait tout faire pour trouver des financements ailleurs. Toutefois, même si l'option perdure, on aura moins d'heures à consacrer aux élèves", se désole-t-elle.
"Les coupes budgétaires, c'est très récurrent dans le monde de la culture. On a l'habitude. Mais là, il y a un cap qui a été dépassé."
Jeanne*, comédienneà franceinfo
Le centre culturel La Mégisserie à Saint-Junien (Haute-Vienne) a également été informé de la suppression de l'intégralité des crédits dédiés à l'intervention d'artistes sur les options théâtre. "C'est d'une tristesse absolue de voir des partenariats entre les lycées et l'extérieur s'amenuiser", déplore Laetitia Delpech, directrice du centre. Elle y voit une "double peine pour le milieu rural, qui ne dispose pas de tous les équipements culturels dont bénéficient les villes importantes". "Ce départ de l'Etat en dit beaucoup sur un maillage territorial qui s'étiole", estime-t-elle. Thomas Desmaison, directeur du théâtre du Cloître à Bellac (Haute-Vienne), partage cette crainte. Il voit dans les options artistiques un "outil de valorisation du territoire" car celles-ci contribueraient à l'installation de familles près du lycée dont il est partenaire.
Les options, portes d'entrée vers les spécialités
"La décision de la Drac ne concerne pas pour l'instant les enseignements de spécialité, qui sont préservés. Mais pour combien de temps ?", s'interroge sur son compte Facebook Stéphane Jacob, professeur de théâtre au lycée René-Josué Valin à La Rochelle (Charente-Maritime). Certains enseignants de la région craignent en effet, à moyen terme, une suppression définitive des spécialités artistiques pour le bac.
"Les options artistiques amorcent souvent le choix d'une spécialité pour un lycéen", souligne auprès de franceinfo le Syndicat national des enseignements de second degré (Snes-FSU) de Charente-Maritime. Une telle option, choisie dès la seconde, peut être transformée en spécialité en classe de première et terminale. Stéphane Jacob attire par ailleurs l'attention sur "le travail conjoint d'un enseignant et d'un artiste" dans le cas des options artistiques. Si "cet accompagnement commun" disparaît, "cela signifie que l'on délègue à des enseignants, dont ce n'est pas le métier, la tâche de construire des projets artistiques", déplore-t-il.
La rentrée 2025 s'annonce incertaine en Nouvelle-Aquitaine. "En concertation avec les trois rectorats néo-aquitains [académies de Bordeaux, Limoges et Poitiers] et les structures culturelles partenaires de ces options artistiques au lycée, les services de la Drac participent aux échanges pour explorer les solutions possibles permettant de maintenir ces options, en collaboration avec d'autres sources de financement, chaque fois que cela est possible", fait savoir la Drac Nouvelle-Aquitaine à franceinfo.
* Les prénoms ont été modifiés.
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