"Saturnia", la BD phénomène sur une mère célibataire dans l'Espagne franquiste

Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 2min
Couverture du roman graphique "Saturnia" d'Alberto Martin Curto. (EDITIONS SARBACANE)
Couverture du roman graphique "Saturnia" d'Alberto Martin Curto. (EDITIONS SARBACANE)

Alberto Martin Curto signe un roman graphique onirique d'une rare puissance visuelle et poétique. "Saturnia", une ode à la résilience d'une femme en lutte pour la survie de ses enfants. Coup de cœur.

Le franquisme tape à la porte. Dans un appartement madrilène, une mère demande à ses filles de garder le silence. Inès est persuadée que ses deux filles, Agueda et Rosita, conçues hors mariage, lui seraient enlevées si leur existence venait à se faire savoir. Alors, elle vit presque recluse. L'appartement, légué par sa grand-mère, devient une prison pour toute la famille. Les fillettes ont interdiction de sortir, menacées d'être dévorées par des monstres.

Cloîtrées chez elles, Agueda et Rosita voient leur mère quitter souvent le domicile, un superbe châle noir sur ses épaules. Inès vivote en vendant les derniers bijoux de la famille. La faim rôde. À ce sombre tableau s'ajoute l'obstination d'Apolonia, vieille voisine intrusive et terrifiante, qui espionne la jeune maman dans l'espoir de la surprendre en tort. Si Apolonia est habitée par la religion, elle est dépourvue de morale. Sa démarche est très intéressée. En librairie en avril 2025, Saturnia est édité chez Sarbacane.

" Chut, surtout ne faites pas de bruit..."

Que fait donc Inès tous les soirs en sortant de chez elle ? Comment s'occupent les fillettes ? Là, éclate tout le talent d'Alberto Martin Curto qui prend le pari réussi de chambouler la narration en flirtant avec le réalisme magique.

On est saisi d'émerveillement face à l'histoire et par le graphisme. On entre dans un univers onirique à travers l'imagination d'Agueda et de Rosita qui transforment un quotidien incertain en un conte extraordinaire.

Extrait de l'album "Saturnia" d'Alberto Martin Curto. (EDITIONS SARBACANE)
Extrait de l'album "Saturnia" d'Alberto Martin Curto. (EDITIONS SARBACANE)

À l'extérieur, le bruit des bottes se fait entendre. Des miliciens franquistes passent à tabac une personne innocente : Clavel de Luna, mi-femme, mi-homme, papillon de nuit, artiste transformiste dans un cabaret. Inès le recueille chez elle. L'artiste apporte à la famille la lumière et l'espoir qui l'avaient désertée. Le bédéiste espagnol questionne l'altérité dans cet album éclatant et se pose d'emblée aux côtés de toutes les minorités.

Saturnia résonne très fort avec l'actualité, en écho avec la marginalisation de populations entières pour des raisons d'orientation sexuelle, de croyances religieuses, etc.

Alberto Martin Curto est à la fois optimiste et vigilant. Saturnia, une ode à la résilience et l'altérité.

"Saturnia", Alberto Martin Curto, Sarbacane, 128 pages, 24 euros

Couverture de l'album "Saturnia" d'Alberto Martin Curto. (EDITIONS SARBACANE)
Couverture de l'album "Saturnia" d'Alberto Martin Curto. (EDITIONS SARBACANE)

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