"On ne parle pas de ces choses là" : une BD qui enquête sur le silence autour de l'inceste
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Avec l'illustratrice Alexandra Petit, Marine Courtade revient sur le drame familial qui a obscurci son enfance et hanté sa vie d'adulte.
La journaliste Marine Courtade a été violée durant son enfance par celui qu'elle ne peut plus appeler autrement que "le père de mon père". Face à ce drame, sa famille a choisi un mutisme qui nourrira sa souffrance. Avec la BD On ne parle pas de ces choses-là, publiée chez Casterman, elle expose dans un récit à la première personne la mécanique et les conséquences de ce pesant silence. Son enquête d'intérêt public est restituée par les sobres coups de crayon de la bédéiste Alexandra Petit.
L'album s'ouvre sur la narratrice, adulte, qui tente de s'oublier dans les fêtes et enchaîne les histoires d'amour chaotiques... Les plus petits détails du quotidien la replongent dans le glaçant souvenir de son grand-père et dans l'enfer qu'il lui a fait vivre. Son propre père, comme le reste de la famille, a refusé de dénoncer le comportement du patriarche.
Cet évitement permanent pèse sur la jeune femme qui, de rage et de peine, interroge inlassablement les siens : "Pourquoi vous taire ? Pourquoi faire comme si de rien n'était ? C'est quoi vos raisons ? Est-ce que vous vous rendez compte des conséquences ?"
Honte, déni, douleur... les garants de l'impunité
En quête de vérité et de témoignages, la journaliste entreprend un tour de France à la rencontre de ses six oncles et tantes qui ne défilent pas. À l’époque des faits, tous avaient été alertés par sa mère, parfois à demi-mot. S'ils affirment avoir ouvert un œil plus vigilant et interdit aux enfants de monter sur les genoux de ce grand-père, cette mise en garde n'a pas eu d'effet majeur. L'agresseur a toujours été invité aux réunions familiales. Ce manque de réaction s'accompagne d'une absence de dialogue autour des agressions commises. Résultat : le doute plane sur le nombre de victimes du patriarche dans sa famille.
Au fil des discussions douloureuses, parfois écœurantes, les raisons qui ont motivé le silence se révèlent. Un oncle parle de "gestes malheureux" perpétrés par celui qu'un autre désigne comme "un vieux sénile tripoteur" qui, selon l'une de ses sœurs, aurait "peut-être répété ce qu'il a vécu". Il y a aussi l'envie de préserver à tout prix l'image d'une famille parfaite : "On ne porte pas plainte contre son propre père... sauf si mes filles me l'avaient expressément demandé", plaide un autre membre de la fratrie paternelle. "Le mot même de viol, on a du mal à le dire, surtout dans une famille, parce que c'est anormal", dit encore une tante.
Vient enfin la honte d'être associé à un agresseur. "C'est trop dur d'avoir un père pervers, ça me met hors de moi", confie le père de Marine Courtade dans un témoignage déchirant. Chez lui, s'est ajoutée la peur constante de répéter ce schéma dysfonctionnel, ce qui l'a éloigné de sa fille.
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Dans On ne parle pas de ces choses-là, la légèreté du trait contraste avec la violence des crimes évoqués. Le récit s'appuie sur des métaphores et une palette de couleurs mise en relief par la précision des dessins d'Alexandra Petit, notamment quand il s'agit des expressions faciales. Le bleu des yeux de Marine illustre ainsi le lien génétique qu'elle partage avec son agresseur. Cette couleur est aussi un moyen de transporter le lecteur dans le passé. Le présent, lui, est dépeint dans un orange dérangeant qui met aussi en exergue les traumatismes et tourments de la narratrice. Évoluant entre ces deux univers, un voile blanc symbolise le silence, la douleur et la honte qui enveloppent les personnages.
La BD rappelle que l'inceste reste un sujet tabou alors que 160 000 enfants en sont victimes chaque année en France. Selon la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux Enfants, 1 Français sur 10 a subi une agression sexuelle de ce type. Pourtant seules 9% des victimes d'inceste osent en parler au moment des faits selon leur rapport publié en 2023. Ces chiffres, ainsi que des témoignages d'experts, complètent le récit de Marine Courtade pour insister sur l'importance de briser la loi du silence.
"On ne parle pas de ces choses-là", Marine Courtade et Alexandra Petit, Casterman, 224 pages, 25 euros.
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