"Représenter la violence de manière équitable" : Makoto Yukimura dévoile les coulisses de Vinland Saga au Festival de BD d’Angoulême

Article rédigé par Laetitia de Germon
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Exposition "Vinland Saga : une quête d’identité" au Festival de BD d'Angoulême (© Valentin Paquot)
Exposition "Vinland Saga : une quête d’identité" au Festival de BD d'Angoulême (© Valentin Paquot)

"Vinland Saga", le manga culte de Makoto Yukimura, est mis à l’honneur au 52e Festival de BD d'Angoulême dans une grande exposition. Rencontre avec son auteur et le commissaire de l’exposition.

Makoto Yukimura n'est pas un auteur comme les autres. Il avance dans son travail ”un peu comme un joueur d'échecs, avec prudence et circonspection”, selon ses propres mots. En 2005, il commence sa deuxième série Vinland Saga (la première étant Planetes).

Pour cela il s'empare d'un formidable matériau historique, la société viking et son expansion jusqu'en Amérique, à partir duquel il bâtit une profonde réflexion sur l'héritage de la violence.

Un manga rigoureux

Dans l'exposition, “il y a des petits repères historiques, quelques clés informatives autour de cette période historique sans que ce soit non plus un cours d'histoire. Très souvent, on dit que c'est une série qui est rigoureuse. Elle l'est, mais il se permet aussi quelques entorses à la réalité pour que sa fiction soit plus dynamique. Makoto Yukimura essaie de camper comme ça un décor qui est crédible avec des références historiques qu'il essaie de ne pas trahir, mais ce n'est pas une reconstitution historique où il ne s'autorise absolument aucune sortie de route par rapport à la réalité. C'est une série réaliste, mais ce n'est pas une série documentaire”, insiste Fausto Fasulo, le commissaire de l'exposition. 

Avant de se lancer dans son manga, Makoto Yukimura a lu tout ce qu'il pouvait sur le sujet. Il a même "fabriqué des objets, des armes, des épées, des lances, des boucliers, pour éprouver de manière physique ce que cela faisait de manipuler ces objets." Il a fait tout ce qu'il pouvait "pour appréhender le monde et la culture viking," raconte-t'il.

Un rapport paradoxal à la violence

Exposition "Vinland Saga : une quête d’identité" au Festival de BD d'Angoulême (© Valentin Paquot)
Exposition "Vinland Saga : une quête d’identité" au Festival de BD d'Angoulême (© Valentin Paquot)

Le mangaka “a cette capacité à dessiner des scènes de combat hyperenlevées, mais il a en même temps un point de vue sur la violence très distancié. C'est quelqu'un qui n'aime pas la violence. Par ailleurs, l'évolution du personnage de Thorfinn cristallise ce rejet et c'est ce qui est passionnant, Yukimura réfléchit énormément sur la représentation de la violence”, explique Fausto Fasulo.

“Si je pouvais éliminer toute violence de ma vie et m’éloigner de toute forme de violence jusqu’à la fin de mes jours, j’en serais très heureux”

Makoto Yukimura

franceinfo

Je sais qu'il y a des lecteurs qui apprécient les scènes de combat et je me sers de la violence pour faire plaisir à mes lecteurs. Mais, il y a, au cœur de mon travail, l'envie de traiter la question de la violence de manière équitable. J'ai envie de représenter la violence dans sa dimension séduisante et également ses aspects les plus vils”, ajoute le mangaka qui utilise ces moments pour aborder les thèmes qui lui “tiennent à cœur et en même temps explorer l'intériorité de (ses) personnages.

Un succès mondial

Vinland Saga fédère dès ses premiers chapitres une communauté de fans qui vibrent au rythme des pérégrinations de Thorfinn et de sa “famille recomposée”. L'idée de l'exposition est de présenter “l'ampleur de la série, de montrer à quel point elle est traversée par ce souffle épique, ce souffle dramatique, voire mélodramatique par moments”, explique Fausto Fasulo. 

D'ailleurs, la phrase “je n'ai pas d'ennemis” est devenue virale auprès de nombreux fans qui prennent ces mots à cœur et cela fait la joie de l'auteur. “J'ai toujours voulu savoir ce que les gens en pensaient. Aujourd'hui, je suis très heureux parce que les réseaux sociaux, notamment, me permettent de savoir que certaines personnes réagissent de manière très positive à cette idée-là et que d'autres ne sont pas du tout convaincues. C'est quelque chose qui me tenait beaucoup à cœur.

Extrait de "Vinland Saga" quand Thorfinn dit : "Je n'ai pas d'ennemis" (© Valentin Paquot)
Extrait de "Vinland Saga" quand Thorfinn dit : "Je n'ai pas d'ennemis" (© Valentin Paquot)

Cela fait 20 ans que Makoto Yukimura travaille sur son manga Vinland Saga et naturellement des choses ont changé avec le temps. “Son trait s'est affiné, précisé, assoupli, comment les visages de ces personnages ont aussi changé à travers le temps parce que d'une part les personnages vieillissent dans le récit, mais Yukimura vieillit aussi. Donc sa manière aussi d'envisager ses personnages était naturellement différente”, explique Fausto Fasulo.

Ce qui rend Makoto Yukimura “le plus heureux, c'est d'avoir élargi” son lectorat au cours de ces 20 ans. “Pendant toutes ces années, j'ai vraiment couché sur le papier toute ma pensée, j'ai voulu raconter ce que j'aimais, ce que je rejetais, ce que je condamnais, ce que je trouvais beau.” Il trouve également “magnifique” que des gens “qui vivent dans des pays différents, qui pratiquent une religion différente, qui ont des cultures différentes, puissent, grâce à internet, exprimer leur avis” sur son manga.

Exposition "Vinland Saga : une quête d'identité" au Festival de BD d'Angoulême (© Valentin Paquot)
Exposition "Vinland Saga : une quête d'identité" au Festival de BD d'Angoulême (© Valentin Paquot)

 

Conçue comme un voyage au cœur d'une œuvre à la fois crépusculaire et solaire, l'exposition Vinland Saga : une quête d'identité propose aux visiteur·euse·s d'arpenter les décors rugueux d'un récit tout autant tourné vers l'aventure que l'introspection à travers une large sélection de planches originales couvrant l'intégralité de la série (toujours en cours de publication).

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