"On tremble, on pleure, de nombreux personnages meurent" : on vous raconte comment le manga "Demon Slayer" a ensorcelé le public

Article rédigé par franceinfo
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Le manga "Demon Slayer" raconte l'histoire de Tanjirō Kamado, qui se bat contre des êtres humanoïdes détenteurs de pouvoirs surnaturels. (SONY PICTURES)
Le manga "Demon Slayer" raconte l'histoire de Tanjirō Kamado, qui se bat contre des êtres humanoïdes détenteurs de pouvoirs surnaturels. (SONY PICTURES)

Après avoir rencontré un immense succès au Japon et aux Etats-Unis, l'adaptation au cinéma de "Demon Slayer : La Forteresse infinie" sort mercredi en France.

Le carton en salles est presque assuré. Un nouveau film devrait conquérir le box-office mercredi 17 septembre et il ne s'agit ni d'un film d'action américain ni d'une comédie française mais d'un film d'animation japonais : Demon Slayer : La Forteresse infinie. Si sa réussite ne fait guère de doute, c'est parce que le manga initial et son adaptation animée ont déjà conquis la France et la planète, chez les fans de manga et au-delà.

La première adaptation de la bande dessinée japonaise au cinéma (intitulée Le Train de l'infini) avait brisé tous les records au Japon, où Le Voyage de Chihiro dominait le box-office depuis 2001. En seulement deux mois, La Forteresse de l'infini a lui aussi dépassé le film de Hayao Miyazaki pour se hisser à la deuxième place du podium et il a pris la tête du box-office aux Etats-Unis à sa sortie le week-end du 13 et 14 septembre. Si vous êtes passé à côté, franceinfo vous explique les raisons du succès hors du commun de Demon Slayer.

Un héros qui veut se venger de démons

Demon Slayer raconte l'épopée de Tanjirō, un jeune garçon du Japon rural au début du XXe siècle, dont la famille a presque entièrement été décimée par des démons, des êtres humanoïdes détenteurs de pouvoirs surnaturels. Pour sauver sa petite sœur elle-même transformée en démon, venger ses proches et éviter que d'autres innocents subissent le même sort, Tanjirō va se lancer dans un périple pour devenir "pourfendeur de démons". Il découvrira en chemin des personnages hauts en couleur, des mentors et l'art du combat.

Une histoire de chemin initiatique, une lutte entre le bien et le mal, des combats sanglants et des personnages de plus en plus puissants : la recette et ses variations ont déjà donné certains des plus grands succès de l'histoire du manga dit "shōnen" (pour les jeunes garçons), comme One Piece, Naruto ou Dragon Ball. "Demon Slayer est un des derniers shōnen à respecter la recette classique", estime Matthieu Pinon, rédacteur en chef du magazine Otaku Manga.

"Le succès de Demon Slayer tient en partie à cette intrigue claire pour tout le monde, les plus jeunes comme les adultes : les pourfendeurs sont des gentils et les démons des méchants à abattre", relève la journaliste Joséphine Lemercier, spécialiste de la pop culture japonaise. Pour autant, tout n'est pas blanc ou noir.

"Comme dans de nombreux shōnen, deux visions du monde s'affrontent, et on a souvent un flashback qui nous explique qu'un méchant aurait pu se retrouver dans le camp des gentils s'il n'avait pas pris telle décision ou traversé telle épreuve."

Matthieu Pinon, rédacteur en chef d'"Otaku Magazine"

à franceinfo

"Quand Tanjirō va terrasser un démon, il va vraiment se prendre d'empathie pour son histoire", insiste Emile Marembert, chef des ventes Junior aux éditions Panini. "On tremble, on pleure, de nombreux personnages meurent de manière assez tragique", souligne également Emile Marembert, qui rappelle qu'"il y a une vraie différence de puissance entre les humains et les démons, on sait que la vie des héros ne tient qu'à un fil".

Autre point commun avec ses illustres prédécesseurs, "le manga Demon Slayer est prépublié au Japon dans le magazine Shōnen Jump, un des plus populaires du pays et une machine à créer des succès", ajoute Joséphine Lemercier. Elle note également que, comme pour de nombreux shōnen, Demon Slayer se prête bien aux débats entre fans "pour savoir qui est le plus fort", entre ses "piliers" et ses "lunes supérieures" aux pouvoirs particulièrement puissants.

Un manga qui a convaincu un large public

Demon Slayer a réussi à dépasser sa cible attendue. "Au Japon, l'intrigue et les personnages ont touché un public plus large, notamment de jeunes femmes et de mères", explique Matthieu Pinon. Le co-auteur de Histoire(s) du manga moderne souligne la popularité de certains personnages comme Zenitsu, qui combat aux côtés du héros, et Joséphine Lemercier rappelle que le manga a été dessiné par une femme, Koyoharu Gotōge – fait rare dans un pays encore très patriarcal. La place de la famille dans l'œuvre permet également à un public large de s'identifier à Tanjirō.

"Les shōnen présentent souvent des personnages qui ont perdu un voire deux parents, mais là on suit un duo frère-sœur, on parle d'aider sa famille, c'est plus universel."

Joséphine Lemercier, journaliste spécialiste de la pop culture japonaise

à franceinfo

Joséphine Lemercier rappelle aussi que contrairement à de nombreux héros, Tanjirō n'est pas un énième "enfant de la prophétie" dont le succès se révèle finalement guidé par le destin. Les spécialistes pointent aussi le choix judicieux d'une période historique peu exploitée dans l'univers du manga : l'ère Taishō (1912-1926), qui juxtapose des villes et vêtements occidentaux modernes et d'autres plus traditionnels (plébiscités par les "cosplayeurs"). Et contrairement à d'autres séries phares comme One Piece, toujours en cours après 109 volumes, Demon Slayer ne s'étire pas en longueur : l'histoire tient en 23 tomes. "L'investissement en temps et en argent peut faire moins peur !" résume Emile Marembert.

Mais tous ces ingrédients ne garantissent pas la réussite, car Demon Slayer a bien failli ne jamais décoller en France. Le manga a en effet été édité une première fois par Panini en 2017, sous le titre des Rôdeurs de la nuit. Mais face aux faibles ventes, la publication française a été interrompue en novembre 2018. "A cette époque, les éditions Panini ne jouissaient pas d'une très bonne image : publications en souffrance, distribution un peu chaotique, focus plutôt sur la partie comics que sur la partie manga", raconte le journaliste spécialisé Valentin Paquot à BFMTV. C'est seulement lorsque le manga a été adapté en anime que Panini a relancé sa publication, qui est depuis devenu "le plus gros succès de l'histoire de Panini Manga", selon Emile Marembert.

Une adaptation spectaculaire qui a renforcé ce succès

Les journalistes n'ont aucun doute, c'est la sortie de l'adaptation animée en 2019 qui a relancé la popularité de Demon Slayer en Europe et aux Etats-Unis. Avec un argument de poids : "Une qualité technique de dingue, hors du commun", résume Matthieu Pinon. Les scènes de combat sont notamment saluées pour leurs chorégraphies travaillées, combinées à des effets spéciaux aussi spectaculaires que fluides, et auxquels s'ajoutent des musiques ciselées pour coller à la narration. La performance du studio d'animation japonais Ufotable, qui n'était pas connu pour de telles réalisations, a surpris et séduit au-delà du public habituellement friand d'animation nippone. Au point que le film est en tête du nombre de nominations aux Crunchyroll Anime Awards.

Plusieurs scènes sont aussi présentées comme "la meilleure scène d'anime de tous les temps". Elles font aussi les choux gras de comptes spécialisés sur les réseaux sociaux, qui publient pléthore d'extraits et montages mettant en valeur certains personnages, participant à l'engouement collectif. "Les réseaux sociaux participent beaucoup à la mise en valeur de l'anime", pointe Joséphine Lemercier, qui ajoute que "la plateforme Crunchyroll organise régulièrement des événements, à Japan Expo par exemple". La sortie en France ne rencontrera peut-être pas le même succès qu'au Japon, mais les performances ne mentent pas : "Demon Slayer a mis tout le monde d'accord."

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