De Godzilla à Astro Boy, comment la bombe atomique a impacté la culture japonaise
Il y a quatre-vingts ans, les bombes américaines lâchées sur Hiroshima et Nagasaki faisaient des centaines de milliers de morts et de blessés, traumatisant durablement les Japonais et influençant leur culture.
/2023/07/10/64abd44855ee1_placeholder-36b69ec8.png)
/2025/08/04/gettyimages-1039807750-689089101e5d5449977983.jpg)
Du souffle atomique de Godzilla aux descriptions littéraires des effets des radiations et jusque dans les mangas, au fil des décennies, les bombes nucléaires américaines lâchées sur Hiroshima (140 000 morts environ) et Nagasaki (74 000 morts) en août 1945, ont profondément influencé la culture japonaise.
Atome Puissant est le titre japonais du manga Astro Boy, tandis que d'autres animés célèbres comme Akira, Neon Genesis Evangelion et L'Attaque des Titans décrivent des explosions de grande ampleur. "Traverser une souffrance extrême" et exorciser un traumatisme est un thème récurrent dans la production culturelle japonaise, et cela "a fasciné le public mondial", commente William Tsutsui, professeur d'histoire à l'université d'Ottawa.
"En éclaireur", livre sur l'après catastrophe
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les histoires de destruction et de mutations ont été associées à la crainte des catastrophes naturelles fréquentes, et, après 2011, à l'accident de Fukushima.
Si des poèmes "dépeignent la pure terreur causée par la bombe atomique au moment où elle a été larguée", de nombreuses œuvres abordent le sujet indirectement, confirme l'écrivaine Yoko Tawada.
En éclaireur, livre de Yoko Tawada publié au Japon en 2014, se concentre sur le contrecoup d'une grande catastrophe. Elle s'est inspirée des similarités entre les bombes atomiques, la catastrophe de Fukushima et la "maladie de Minamata" (un empoisonnement au mercure dû à la pollution industrielle dans le sud-ouest du Japon depuis les années 1950).
Godzilla, le reflet de la relation entre le Japon et le nucléaire
Godzilla est sans doute la plus célèbre des créations reflétant la relation complexe entre le Japon et le nucléaire : une créature préhistorique réveillée par des essais atomiques américains dans le Pacifique.
"Nous avons besoin de monstres pour donner un visage et une forme à des peurs abstraites", indique William Tsutsui, auteur du livre Godzilla dans ma tête (non traduit en français). "Dans les années 1950, Godzilla a rempli ce rôle pour les Japonais - avec l'énergie atomique, avec les radiations, avec les souvenirs des bombes A."
Nombreux sont ceux qui ont quitté la salle en pleurant après avoir vu Godzilla raser Tokyo dans le film original de 1954. "Il est dit que les personnes chargées des effets spéciaux ont modelé la peau profondément ridée du monstre d'après les cicatrices chéloïdiennes des survivants de Hiroshima et Nagasaki", ajoute William Tsutsui.
Le thème du nucléaire est présent dans près de 40 films sur Godzilla, mais il est souvent peu mis en avant dans les intrigues. "Le public américain n'avait pas beaucoup d'intérêt pour les films japonais qui reflétaient la douleur et la souffrance des années de guerre et qui renvoyaient d'une certaine manière négativement aux États-Unis et à leur usage des bombes atomiques," selon M. Tsutsui.
Malgré tout, la franchise reste extrêmement populaire, Godzilla Resurgence ayant eu un immense succès en 2016. Le film a été perçu comme une critique de la gestion de Fukushima.
"Pluie noire", roman sur les séquelles des radiations
Pluie noire, roman de Masuji Ibuse de 1965 sur la maladie et la discrimination dues aux radiations, est l'un des récits les plus connus sur le bombardement de Hiroshima.
Masuji Ibuse n'était pas un survivant, ce qui nourrit un "grand débat pour savoir qui est légitime pour écrire ce genre d'histoire", explique Victoria Young de l'université de Cambridge. "La manière de parler ou de créer une œuvre littéraire à partir de la vie réelle sera toujours une question difficile, dit-elle. Êtes-vous autorisé à écrire dessus si vous ne l'avez pas directement vécu ?"
Kenzaburo Oe, écrivain et prix Nobel de littérature en 1994, avait rassemblé des témoignages de survivants dans Notes de Hiroshima, une collection d'essais écrits dans les années 1960. Oe avait opté à dessein pour le genre documentaire, relève Madame Tawada. "Il se confronte à la réalité, mais essaye de l'approcher à travers un angle personnel" en incluant sa relation avec son fils handicapé, ajoute-t-elle.
/2023/03/13/640ee1e8da89e_kenzaburo-oe.jpg)
Cette dernière a vécu en Allemagne pendant quarante ans, après avoir grandi au Japon. "L'éducation antimilitariste que j'ai reçue donnait parfois l'impression que seul le Japon fut une victime" lors de la Seconde Guerre mondiale, raconte-t-elle. "Quand il s'agit des bombardements, le Japon fut une victime – sans aucun doute" mais "il est important d'avoir une vue d'ensemble" en prenant en compte les atrocités qu'il a aussi commises.
Enfant, les illustrations des bombardements atomiques dans les livres d'images lui rappelaient les descriptions de l'enfer dans l'art classique japonais. "J'ai été amenée à me demander si la civilisation humaine n'était pas elle-même source de dangers," souligne-t-elle. Dans cette perspective, les armes atomiques ne seraient pas tant "un développement technologique que quelque chose de tapi au sein de l'humanité".
À regarder
-
Menace sur les réseaux : 100 000 euros pour t*er un juge
-
Cédric Jubillar : 30 ans requis contre l'accusé
-
Impôts, retraites, que prévoit le budget 2026 ?
-
Rihanna, reine des streams sans rien faire
-
Que changera la suspension de la réforme des retraites si elle est votée ?
-
Salaire : êtes-vous prêts à jouer la transparence ?
-
Ici, des collégiens dorment à la rue
-
Nouvelle éruption d'un volcan dans l'est de l'Indonésie
-
Cœur artificiel : l'angoisse des greffés Carmat
-
Pourquoi le vote du budget peut te concerner
-
Le nouveau ministre du Travail rouvre les débats sur les retraites
-
Laurent Nuñez, nouveau ministère de l'Intérieur, se confie sur les attentats de 2015
-
Adèle Exarchopoulos : "Quand le monde se résigne à banaliser la violence... Ce qui reste, c'est le collectif"
-
Un mois après sa mort, le message de Charlie Kirk résonne encore
-
Le rappeur SCH déclare sa flamme à Marcel Pagnol dans un film d'animation consacré au célèbre cinéaste
-
Plan de paix pour Gaza : quatre nouveaux corps d'otages ont été remis à Israël
-
SFR bientôt racheté par ses concurrents ?
-
Musée Chirac : braqué puis cambriolé en 48 heures
-
Otages israéliens : révélations sur leur détention
-
Réforme des retraites : suspendue pour 3,5 millions de Français
-
Gouvernement de Sébastien Lecornu : censure ou pas censure ?
-
Coup d'envoi de la vaccination contre la grippe
-
Skai Isyourgod, le phénomène du rap chinois
-
Délit de fuite : la vie brisée de Marion
-
Disparition des coraux : une menace pour l'humanité
-
Bac de maths en 1ère, une bonne nouvelle ?
-
Une minute de silence en hommage à ces profs tués
-
IA : des paysages touristiques trop beaux pour être vrais ?
-
Sébastien Lecornu annonce la suspension de la réforme des retraites jusqu'à l'élection présidentielle
-
Pourquoi ton lycée pro est en grève aujourd’hui
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter