"Banksy, une (R)évolution" : une belle exposition retrace l'histoire du street art et de son icône au Musée d'art de Toulon

Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 8min
À l'exposition "Banksy, une (R)évolution" au Musée d'art de Toulon (MAT), en juin 2025. (LAURE NARLIAN / FRANCEINFO CULTURE)
À l'exposition "Banksy, une (R)évolution" au Musée d'art de Toulon (MAT), en juin 2025. (LAURE NARLIAN / FRANCEINFO CULTURE)

Ce parcours instructif, qui replace l'œuvre de la star insaisissable du street art dans son contexte, est complété d'une courte exposition d'œuvres d'un des pionniers de l'art urbain français, Ernest Pignon-Ernest.

S'il est certainement l'artiste anonyme le plus connu au monde, l'incontournable Banksy n'est pas venu de nulle part. Il est l'héritier d'un mouvement artistique né dans la rue à l'orée des années 1970, principalement à New York (États-Unis), mais aussi en France et en Europe. C'est ce que rappelle Banksy, une (R)évolution, à voir au Musée d'art de Toulon (MAT) jusqu'au 5 octobre.

Cette exposition, qui présente une quarantaine de sérigraphies de Banksy et une quarantaine d'autres œuvres issues de collections privées, précise ne pas avoir été validée par les artistes anonymes présentés. L'un de ses grands intérêts est de retracer, en parallèle à l'éclosion et au parcours de Banksy, le contexte qui a favorisé la naissance de l'art urbain, puis son développement jusqu'à sa consécration comme l'un des courants les plus influents de l'art contemporain.

Une vue de la première salle de l'exposition "Banksy, une (R)évolution", au Musée d'art de Toulon (MAT), avec une œuvre de l'Américain Taki 183 au premier plan. (LAURE NARLIAN / FRANCEINFO CULTURE)
Une vue de la première salle de l'exposition "Banksy, une (R)évolution", au Musée d'art de Toulon (MAT), avec une œuvre de l'Américain Taki 183 au premier plan. (LAURE NARLIAN / FRANCEINFO CULTURE)

Le parcours débute par des œuvres de pionniers du graffiti américains, comme Taki 183, Blade et Cope2, qui ont commencé par couvrir de leurs tags (signatures) les wagons et les stations du métro new-yorkais, avant de faire évoluer leur pratique vers le graffiti, plus artistique. Arrive ensuite le travail plus élaboré de Keith Haring et de Jean-Michel Basquiat, qui ouvrent à la culture urbaine les portes des galeries d'art et des institutions.

Au début des années 1980, l'art du graffiti se répand en Europe, et en particulier en France, où il trouve un terrain fertile, qu'annonçait dès 1964 le précurseur de l'art urbain Gérard Zlotykamien avec ses figures mystérieuses peintes sur les murs de Paris.

Deux œuvres au spray et pochoir de la Parisienne Miss.Tic (1956-2022) et un pochoir et peinture sur un fond acrylique du Parisien Blek Le Rat, à l'exposition "Banksy, une (R)évolution" au MAT, en juin 2025. (LAURE NARLIAN / FRANCEINFO CULTURE)
Deux œuvres au spray et pochoir de la Parisienne Miss.Tic (1956-2022) et un pochoir et peinture sur un fond acrylique du Parisien Blek Le Rat, à l'exposition "Banksy, une (R)évolution" au MAT, en juin 2025. (LAURE NARLIAN / FRANCEINFO CULTURE)

La scène française devient l'une des plus riches de l'art urbain européen avec des figures comme Blek Le Rat, grosse influence de Banksy, dont les célèbres pochoirs à la bombe aérosol font courir sur les murs de Paname ses silhouettes de petits rats depuis 1981 – Banksy a repris ce personnage de rongeur malicieux, dont on peut admirer deux exemplaires à l'expo –, et Miss.Tic, connue pour ses pochoirs poético-féministes depuis 1985.

L'exposition présente des œuvres récentes de ces artistes et évoque la diversité des formes expressives avec des créations actuelles des célèbres Invader, JR, Zevs ou Madame. Le reste de l'Europe n'est pas oublié, avec notamment les graffitis de Bigato, les clins d'œil à l'histoire de l'art italien d'Ozmo, mais aussi les images politiques de Robert Del Naja du groupe Massive Attack, alias 3D, toujours soupçonné par certains d'être Banksy, ou encore Blu, surnommé le "Banksy italien", opposé à la marchandisation et à la privatisation du street art.

Un message anticapitaliste

Le voyage nous conduit bientôt dans le vif du sujet Banksy. Au travers d'une quarantaine de sérigraphies, sont présentés les différents aspects du travail de l'icône mondiale du street art, connu pour ses prises de position anticapitaliste.

Critique de l'autorité et du pouvoir, de la militarisation, mais aussi des dérives consuméristes, le message de Banksy invite à la réflexion sur la société occidentale. Limpide et ironique, il est souvent à la fois drôle et doté d'une pointe de mélancolie.

Un mur de sérigraphies de Banksy à l'exposition "Banksy, une (R)évolution" au MAT, en juin 2025. (LAURE NARLIAN / FRANCEINFO CULTURE)
Un mur de sérigraphies de Banksy à l'exposition "Banksy, une (R)évolution" au MAT, en juin 2025. (LAURE NARLIAN / FRANCEINFO CULTURE)

On voit notamment à l'exposition, dont il faut saluer le bel accrochage, Rude Copper, une des premières sérigraphies de Banksy, une œuvre provocatrice représentant un officier de police impassible faisant un doigt d'honneur au regardeur. On remarque également une sérigraphie méconnue réalisée pour Greenpeace en 2002, Save or Delete (Sauvegarder ou Effacer), qui met en scène les animaux du Livre de la Jungle de Disney, ficelés et bâillonnés, qu'un bourreau s'apprête à achever.

Un mur illustre la facette pacifiste de l'artiste avec une série de sérigraphies comme Bomb Love, dans lequel une petite fille embrasse une bombe comme si c'était un doudou, ou Happy Choppers qui montre un hélicoptère militaire enrubanné de rose bonbon – "une image ironique de dénonciation qui affirme que la guerre reste un acte de pure violence, même quand elle est déguisée en don de paix", explique le cartel.

Une série de sérigraphies de Banksy illustrant sa facette pacifiste à l'exposition "Banksy, une (R)évolution" au MAT, juin 2025. (LAURE NARLIAN / FRANCEINFO CULTURE)
Une série de sérigraphies de Banksy illustrant sa facette pacifiste à l'exposition "Banksy, une (R)évolution" au MAT, juin 2025. (LAURE NARLIAN / FRANCEINFO CULTURE)

La question palestinienne, qui est au centre de son projet d'hôtel, The Walled Off, inauguré en 2017 face au mur de séparation de Bethléem/Jérusalem-Est, est également évoquée.

Banksy est aussi connu pour ses "coups", des surprises inédites et spectaculaires. La plus célèbre est celle de l'autodestruction d'une version de l'une de ses œuvres les plus emblématiques, Girl with Balloon, juste après avoir été vendue pour plus d'un million de livres sterling (1,185 million d'euros) lors d'une vente aux enchères chez Sotheby's à Londres en 2018.

Deux sérigraphies sur papier de Banksy : Gangsta Rat (2004) et Because I'm Worthless (2004) exposés au MAT de Toulon, en juin 2025. Ses petits rats rappellent fortement ceux du pionnier français Blek Le Rat. (LAURE NARLIAN / FRANCEINFO CULTURE)
Deux sérigraphies sur papier de Banksy : Gangsta Rat (2004) et Because I'm Worthless (2004) exposés au MAT de Toulon, en juin 2025. Ses petits rats rappellent fortement ceux du pionnier français Blek Le Rat. (LAURE NARLIAN / FRANCEINFO CULTURE)

Mais, de la même façon que son travail a transformé malgré lui l'art urbain en phénomène de masse, l'artiste, qui voulait dénoncer le marché de l'art contemporain avec cette performance artistique au retentissement mondial, n'a arrêté en rien la spéculation, au contraire. Rebaptisée par Banksy Love is in the Bin (L'amour est dans la poubelle), l'œuvre en partie détruite a en effet été revendue encore plus cher…

L'exposition n'oublie pas de revenir sur le lien qu'entretient Banksy avec la musique. L'artiste, dont on sait qu'il est originaire de Bristol comme les fleurons du trip-hop Massive Attack, Tricky et Portishead, a réalisé de nombreuses pochettes d'albums, dont celle de Think Tank de Blur (2003) mais aussi de groupes amis comme Black Twang. Car son esprit subversif, Banksy le partage avec tout un vaste pan de la culture underground contestataire de sa génération, y compris musicale.

Une salle entière dédiée à Ernest Pignon-Ernest

Pour compléter l'exposition, le MAT expose à l'étage deux toiles de Jean-Michel Basquiat, Untitled 1985 et Untitled (Chinese Man), 1981. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, il propose aussi à l'entresol, dans le cabinet d'art graphique, une courte mais très belle exposition de l'un des pionniers de l'art urbain, le Français Ernest Pignon-Ernest, né à Nice en 1942, centrée sur son travail des années 1970.

Sur un fond rouge cramoisi, on peut admirer une demi-douzaine de ses fresques grandeur nature en noir et blanc dessinées au fusain puis reproduites sur des chutes de rouleaux de papier pour presse rotative de journal, qu'il collait sur les murs, en général la nuit.

Une photo d'Ernest Pignon-Ernest d'une série de ses sérigraphies engagées, réalisée en 1974 pour protester contre le jumelage de Nice, ville natale de l'artiste, avec Le Cap (Afrique du Sud), où sévissait encore la ségrégation raciale. (LAURE NARLIAN / FRANCEINFO CULTURE)
Une photo d'Ernest Pignon-Ernest d'une série de ses sérigraphies engagées, réalisée en 1974 pour protester contre le jumelage de Nice, ville natale de l'artiste, avec Le Cap (Afrique du Sud), où sévissait encore la ségrégation raciale. (LAURE NARLIAN / FRANCEINFO CULTURE)

Ses œuvres, saisissantes, parfois glaçantes, et extrêmement engagées, interpellent les passants au sujet des débats de l'époque : interruption volontaire de grossesse, conditions de travail des ouvriers, influence politique des médias, situation des travailleurs immigrés…

L'une des plus frappantes est une sérigraphie contre l'apartheid réalisée en 1974 à l'occasion du jumelage de Nice, ville natale de l'artiste, avec Le Cap (Afrique du Sud), où sévit encore la ségrégation raciale. Pour protester contre ce jumelage indigne, il représente une famille noire sud-africaine, grandeur nature, avec deux enfants en bas âge, qui fixe le spectateur derrière un grillage barbelé.

En une nuit, aidé d'une dizaine d'amis, Ernest Pignon-Ernest recouvre les murs de la ville de ces figures, provoquant un "effet de réel" qui reste inscrit longtemps dans la rétine et dans les consciences, pour quiconque les voit, en 1974 comme aujourd'hui.

Exposition "Banksy, une (R)évolution" jusqu'au 5 octobre 2025
Au Musée d'art de Toulon, 113 boulevard du général Leclerc, 83000 Toulon
Tel : 04 94 36 81 15
Du mardi au dimanche de 12h à 18h
Fermé le lundi, les 14 juillet et 15 août
Tarifs : 7 euros, 4 euros (tarif réduit)

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