Paul Signac et des néo-impressionnistes au musée Jacquemart-André à Paris : la couleur avant toute chose
Le musée Jacquemart-André expose une collection particulière qui traverse la carrière de Paul Signac, porte-drapeau et théoricien du néo-impressionnisme, un mouvement auquel il est resté fidèle toute sa vie.
Le musée Jacquemart-André à Paris présente une très jolie exposition autour de Paul Signac, figure phare et théoricien du néo-impressionnisme, qui a travaillé toute sa vie autour de la couleur, en faisant vibrer les touches sur la toile, ou, plus tard, en juxtaposant les couleurs à l'aquarelle (jusqu'au 26 juillet 2021).
L'exposition du musée Jacquemart-André n'est pas à proprement parler une rétrospective. Elle est constituée à partir d'une collection privée qui retrace pourtant toute la carrière de Paul Signac (1863-1935). "C'est une collection familiale vraiment pensée autour de Signac et du néo-impressionnisme, un noyau très cohérent et structuré", souligne Eléonore Lacaille, la responsable des expositions du musée. L'identité des collectionneurs reste top secret, on n'en saura pas plus, même pas leur nationalité.
Une technique longue et rigoureuse
"Signac vient d'une famille bourgeoise, il est autodidacte. Il a un grand choc esthétique en découvrant la première exposition monographique de Claude Monet en 1880", raconte Eléonore Lacaille. Deux premières œuvres du peintre montrent l'influence de l'impressionnisme sur le jeune peintre. Sa rencontre en 1884 avec Georges Seurat, qui devient son ami, est décisive. Seurat est le premier à pratiquer la technique de division des tons et à juxtaposer des couleurs pures, pour les faire vibrer. Le mélange se fait dans l'œil du spectateur, pas sur la palette. Signac va rapidement adopter sa technique.
Il ne faut pas parler de pointillisme, souligne Eléonore Lacaille, "un terme que les artistes eux-même rejettent". Même si au départ, ils peignent souvent des points, la touche de Signac notamment va s'élargir, s'allonger, se croiser. "La technique néo-impressionniste est longue et rigoureuse : il faut poser les touches une par une et couleur par couleur. Entre deux couleurs, il faut attendre que la première soit sèche." Un travail impossible à réaliser en plein air. Les néo-impressionnistes travaillent donc en atelier, contrairement aux impressionnistes qui peignent en plein air. Signac cependant aime travailler dehors pour réaliser des études, qu'il retravaille ensuite à l'atelier.
De Saint-Tropez à Venise
Signac peint ses premières toiles néo-impressionnistes au bord de la Seine, près d'Asnières, où il habite, et en Bretagne : des paysages de plus en plus géométriques où il joue avec la lumière sur l'eau. La mort de Seurat en 1891 est un choc pour lui, alors que le mouvement est critiqué de toutes parts. Mais il reprend le flambeau et devient le fer de lance du néo-impressionnisme. Il a la révélation à Saint-Tropez où il tombe amoureux des couleurs et de la lumière du midi. "J'ai là de quoi travailler pendant toute mon existence – c'est le bonheur que je viens de découvrir", écrit-il à sa mère. Saint-Tropez va être son unique sujet pendant cinq ans.
Plus tard, il ira aussi à Venise où, loin de tout réalisme, il peindra des gondoles en violet, San Marco en rouge. "Des œuvres qui vont influencer des artistes d'avant-garde comme Matisse", souligne Eléonore Lacaille.
Des scènes rurales de Pissarro aux forges de Maximilien Luce
Une grande section de l'exposition est consacrée à d'autres artistes du mouvement, qui n'ont fait parfois qu'y passer. Il y a des figures connues comme Pissarro, un des premiers avec Signac à adopter la technique néo-impressionniste, avec des touches particulièrement fines dans des scènes rurales. Mais il s'en détachera assez vite, en raison du temps et du travail qu'elle réclame. Moins connu, Achille Laugé, un artiste audois, peint un arbre en fleur lumineux et vibrant de blanc sur un ciel bleu profond.
Maximilien Luce, proche de Signac pour ses convictions anarchistes, s'intéresse lui au monde populaire, représentant une forge ou un intérieur ouvrier. S'il est le seul à s'intéresser aux thèmes sociaux, il est séduit aussi par la lumières du Midi. Son port de Saint-Tropez est plein de monde, alors que Signac, en pur paysagiste, représente peu de figures humaines, s'intéressant essentiellement à la nature, à l'eau (c'est un fou de mer et de bateau). On verra aussi des néo-impressionnistes belges comme Georges Lemmen ou Théo Van Rysselberghe qui savent rendre la lumière particulière du nord.
Les couleurs de l'aquarelle
L'aquarelle va prendre une part de plus en plus importante dans l'œuvre de Paul Signac. Il s'y met un peu par hasard, quand il arrive à Saint-Tropez en 1892 et qu'il attend son matériel de peintre, raconte Eleonore Lacaille. Au début, l'aquarelle lui sert à travailler sur le motif, et aussi à établir son propre catalogue raisonné, en reprenant ses compositions. Mais petit à petit, ses aquarelles deviennent des œuvres à part entière, qu'il rehausse à la plume.
"À l'aquarelle, il ne divise pas, il ne fait pas des touches, mais là aussi il joue sur les oppositions de couleurs, sur le blanc du papier, pour donner du relief", souligne Eléonore Lacaille. Et il ne mélange jamais ses couleurs sur le papier.
C'est à l'aquarelle que Signac réalise son dernier projet, un projet monumental qui l'occupe pendant trois ans, de 1929 à 1931 : pour Gaston Lévy, le fondateur de Monoprix, l'artiste amoureux de la mer et des bateaux fait un reportage dans une centaine de ports de France du nord au sud. Il peint la variété des ciels et des ambiances, des ports industriels de Saint-Nazaire ou la Ciotat aux petits ports de pêche, de la rade de Toulon sous un ciel d'orage aux couleurs gaies de Villefranche-sur-Mer.
Signac, les harmonies colorées
Musée Jacquemart-André
158 boulevard Haussmann, Paris 8e
Jusqu'au 26 juillet 2021
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