De la chambre aux réseaux sociaux en passant par les sextoys, l'intime se dévoile au musée des Arts décoratifs
Cette exposition est une invitation à regarder par le petit trou de la serrure pour pénétrer les secrets de nos vies intimes, du XVIIIe siècle à nos jours.
C'est une exposition qui n'a pas froid aux yeux. Jusqu'au 30 mars 2025, le musée des Arts décoratifs (MAD) de Paris explore la sphère intime. Tableaux, photos, meubles, objets de toilette, urinoirs, sextoys : près de 470 œuvres sont réunies, offrant un voyage aussi sensuel qu'instructif au cœur de nos jardins secrets. Elles révèlent en quoi la notion d'intimité s'est transformée au fil du temps et décrypte nos nouvelles façons de vivre.
En France, le mot intime apparaît au XVIIIe siècle. Il vient du latin intimus qui signifie "ce qui est à l'intérieur de nous" et, par extension, tout ce qui relève de la vie privée. D'emblée, le visiteur du MAD est invité à jouer les voyeurs. Un gigantesque trou de serrure ouvre l'exposition présentée sous la nef et dans les galeries latérales.
Au XIXe siècle, avec l'essor de la bourgeoisie, les sphères publiques et privées sont clairement délimitées. Monsieur est aux affaires, Madame à la maison, maîtresse du domestique et de l'intime. Les peintres représentent les femmes dans leur intérieur. Elles semblent comme enfermées avec, pour seule échappée, une fenêtre au fond du tableau. Un autre sujet passionne les artistes d'alors, notamment Degas et Bonnard, celui des femmes à leur toilette.
Avoir une chambre à soi n'est pas toujours allé de soi. C'est seulement au XVIIIe siècle que se développe cet espace intime. L'exposition réunit de multiples couchages : lit clos breton de 1667, lit en fer forgé, lit bateau, lit cabriolet ou lit cocon des années 1960-70 et même un lit connecté pour surfer allongé sur son matelas.
Pisse-debout et autres urinoirs
La partie consacrée aux commodités a piqué notre curiosité. À commencer par une collection de bourdaloues. Ces petits récipients en céramique tirent leur nom d'un père jésuite du XVIIIe siècle. Ils ressemblent à une saucière, mais sont en réalité des "pisse-debout" que les dames glissaient discrètement sous leurs jupes pour se soulager pendant les prêches particulièrement longs de l'abbé !
Surprenants également, les multiples urinoirs présentés dans l'exposition, de l'ancêtre du bidet inséré dans un siège en bois au modèle rose et portable pour femmes créée en 2009, un digne héritier du bourdaloue.
Viennent ensuite les baignoires, les coiffeuses, les brocs, les miroirs et ces objets oubliés qu'on offrait autrefois aux adolescents : les nécessaires de toilette. De petites mallettes particulièrement luxueuses sont présentées signées Vuitton, Lancel et Aubry.
Au rayon beauté, on trouve bien sûr les flacons de parfum, les pommades, la poudre de riz, mais aussi des objets high tech comme l'applicateur de rouge à lèvres et ces masques LED très futuristes censés rajeunir la peau. Une installation permet de sentir une dizaine de parfums anciens en appuyant sur un diffuseur situé sous le flacon.
Le triomphe du vibromasseur
La sexualité n'est pas en reste. Une vitrine présente des livres licencieux du XVIIIe siècle (notamment Les Bijoux indiscrets de Diderot), une autre des tabatières coquines. Le fameux tableau de Fragonard, Le Verrou, peint vers 1777, est également de la partie. Un homme enlace une femme dans une chambre. Il tend la main pour fermer le verrou. Est-elle consentante ou pas ? La question reste posée.
Très érotique aussi, le fauteuil en rotin d'Emmanuelle, film culte sorti en 1974, et cette large vitrine regroupant une collection impressionnante de sextoys. Des vibromasseurs en tous genres qui, selon le cartel, "deviennent des outils de grande consommation à partir des années 1960-1970 aux États-Unis". La palette ne cesse de s'élargir. Les designers créent aujourd'hui des objets destinés au plaisir pour toutes les sexualités.
La dernière partie de l'exposition se concentre sur notre monde ultra-connecté qui voit reculer les frontières de l'intime. Le téléphone mobile, la télé réalité, les réseaux sociaux favorisent un partage de notre intimité que d'aucuns jugent excessif.
L'une des photos présentée signée Evan Baden illustre ce phénomène. Une jeune femme dénudée se prend en photo dans sa chambre, dans une pose sexy, avec son mobile. En dévoilant les dessous de leur vie intime, les "créateurs de contenus" espèrent attirer les regards et les followers. Certains deviennent ainsi des stars de l'influence comme Lena Mahfouf, 4,7 millions d'abonnés sur Instagram.
À l'heure de l'intelligence artificielle, des drones, des caméras de télésurveillance, la vie privée semble en grand danger. Même le nounours des enfants peut cacher une caméra espion ! L'un des grands mérites de cette riche exposition est d'amener le visiteur à s'interroger : qu'est-ce que l'intimité aujourd'hui ? Garder cette part de nous-mêmes qui n'appartient qu'à nous est-il encore possible ?
Musée des Arts décoratifs, 107 rue de Rivoli, à Paris, du 15 octobre 2024 au 30 mars 2025.
Plein tarif 15 euros / Tarif réduit 10 euros / Gratuité pour les moins de 26 ans
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